Tout d’abord Len ressentit du soulagement, s’il pouvait se transformer c’est qu’il allait mieux. Et la colère le reprit, mais qu’est-ce qu’il foutait là ?! N’avait-il aucune jugeote ?

- Va-t-en !

Mais le félin se contenta de se presser contre lui puis lui tira la manche en lui faisant comprendre qu’il ne partirait pas sans lui. Il ne pourrait jamais assurer ses arrières et les siennes en même temps en cas de combat. Mais plus que tout il estimait que le léopard n’avait rien à faire là, que le seul fautif c’était lui et qu’il devait réparer toutes ses erreurs. En solitaire, comme toujours.

- Tu ne comprends donc pas ? C’est dangereux ! Retourne chez toi ! Et pas chez moi, chez TOI.

Il déglutit un instant avant de reprendre.

- Je suis désolé Kai mais…tu te trompes. Ce que tu ressens n’est que l’effet de la morsure. Après un temps d’abstinence, tu redeviendras toi-même. Surtout si je ne suis plus dans les parages.

Le regard du léopard était dur et sans appel. Len s’apprêtait à l’engueuler une bonne fois pour toute lorsqu’il le sentit. LUI. Son esprit se vida automatiquement, il plia les genoux, sortir ses dents et feula en voyant Saburi et une dizaine voire plus de nouveau-nés. Près de lui l’animal grogna aussi, son poil doux se hérissa sur son dos musclé et il se plaça devant lui comme pour le protéger. D’un mouvement brusque et puissant du bras Len le fit reculer, plantant son regard dans celui de son ennemi.

- Voyez-vous ca, le vampire qui s'amourache de son clébard de calice !

Il tiqua au mot « clébard », se rendant compte que, deux semaines plus tôt, c’était lui qui appelait Kai « bestiole » ou « petit chien ». Il comprit alors l’horreur de sa personnalité, enfin plutôt celle qu’il s’était inventé pour se cacher des sentiments et les paroles de l’Animorph lui revinrent en mémoire.

- Au moins moi je ne les rends pas dans un état de larve en 3 jours Saburi, espèce de vieux vampire pervers et obèse. Tu fais honte à notre race.
- Moi ? Ce n’est pas plutôt toi ? Tomber amoureux de son esclave, c’est d’une humanité à vomir !

Len aurait voulu lui répliquer qu’il n’était jamais tombé amoureux de Kai, mais quelque chose en lui le fit douter. C’était faux n’est-ce pas ? Il n’était pas assez bête pour éprouver ce genre de sentiment à nouveau ? Du bluff, c’était du bluff pour le déconcentrer ! Un Animorph et un Vampire ne pouvaient pas s’aimer. A présent les nouveau-nés les encerclaient et Len capta le signal de Saburi à ses sbires bien avant que celui-ci ne le fasse. Il plia ses genoux, prit son air le plus effrayant et frôla les poils du léopard. Aussi bas que possible pour ne pas être entendu, il murmura à son oreille.

- Je compte sur toi, ne me déçois pas. Mais je me le réserve.

Il se plaça dos à lui, de façon à ce que l’un et l’autre voient arriver les vampires. Len évalua la distance qui les séparait et leur nombre. L’interdiction de tuer du dôme était un gros désavantage mais ils feraient avec. Ils n’étaient pas si nombreux après tout, il suffisait juste de les rendre en état d’incapacité de nuire pour un petit temps pendant qu’il s’occuperait de l’autre. Il y eut plusieurs grognements et le premier vampire à sa droite attaqua.

Saburi observait juste la scène.

Len vit du coin de l’œil le léopard se jeter directement sur le plus gros et grogna. Décidément il ne se sous-estimait pas ! Il accueillit son premier adversaire et le fracassant contre le mur d’en face, bientôt suivit du deuxième qui vola dans la rue. Kai à côté de lui se débrouillait bien donc il se concentra sur la masse de vampire qui venait vers lui. Un sourire sadique sur le visage, Len les déchiqueta un à un sans les tuer, il ne manquerait plus qu’il soit banni !

Le sang giclait de partout mais il ne s’en souciait guère, ne le sentait même pas. Et il ne sentit pas non plus Saburi arriver derrière lui alors qu’il cassait les côtes d’un nouveau-né. Par contre son odorat surdéveloppé perçu tout de suite dans l’air le sang de Kai et le vampire se retourna assez vite pour voir le gros homme lancer son partenaire violemment contre le mur de pierre. Une telle rage le prit qu’il failli faire rendre son âme à un des attaquants.

Quelques secondes plus tard, des corps par endroits rompus agonisaient autour d’eux et Len revit dans sa mémoire ses combats de samouraïs. Sauf que là il y avait interdiction de tuer alors qu’avant on ne demandait que ça. Combien de fois s’était-il retrouvé avec du sang sur les mains au juste ? Le vampire baissa les yeux sur le félin contre lui et ferma les paupières un instant, comme soulagé.

Ils toisèrent alors Saburi qui, malgré le fait qu’il soit seul contre deux, souriait à pleine dent. Que préparait-il au juste ?

- J'aurais ton p'tit cabaud, que tu le veuilles ou pas, mort ou vif.
- C’est un être vivant comme toi et moi qui a droit au respect. Regarde-le seulement dans les yeux quand tu l’insultes ! Je ne te laisserais pas le toucher, quoique tu puisses vouloir ou penser !
- Une question Aoyama : où est passé l’effrayant vampire à la tête d’un trafic de calice ? Parce que là moi je ne vois qu’une larve noyée par sa faiblesse !
- Regarde bien la larve, rugit-il avant de se jeter au cou du plus gros.

La vitesse fit basculer Saburi qui tomba au sol dans un bruit de matelas empilés. Len ne prit pas de temps pour analyser quoique ce soit, la rage l’aveuglant et il mordit la peau flasque du vampire avant d’en recracher les morceaux un à un. Il avait l’avantage, il le savait ! Il le lacéra de partout, n’épargnant aucune de ses parties du corps. Il était maculé d’un sang qui n’était pas le sien, il avait juste envie de le tuer, toute sa rage contenue depuis 300 ans ressortie à cet instant et bientôt Saburi n’eut presque plus de visage pour le narguer. Il se sentit poussé en arrière et tomba lourdement au sol, alors que des grognements se faisaient entendre. Et un long gémissement, suivit d’un craquement. Revenant vers son ennemi, il lui cassa un à un les os, prenant plaisir à l’entendre supplier d’arrêter.

- Tu l’as cherché monstre, lui cracha-t-il au visage.

Quelques secondes après le corps ne bougeait plus. Len vérifia son pouls, s’étant lui-même un peu calmé et constata avec regret qu’il était toujours vivant. Il rassembla tous les corps et les empila ensemble, le gros vampire au-dessus. Son corps entier commença alors à trembler et il se détourna pour cacher la faiblesse qui le prenait tout à coup.

Il ne pouvait pas dire qu’il avait eu satisfaction de ce qu’il s’était passé dans la ruelle. Cela faisait toujours de lui un monstre sanguinaire.

Il ne fit pas attention au léopard qui cherchait à attirer son attention, sûrement voulait-il qu’ils partent d’ici, et ce par choix. Len regarda ses mains, ses vêtements jusqu’à ses cheveux couverts de sang et paniqua. Kai avait fait une brèche dans sa carapace de vampire qui laissait ressortir toutes ses émotions humaines, et c’était douloureux. Tout son passé lui revint en mémoire, ses parents, les combats, Vivian, le jour fatidique où il était rentré heureux de retrouver sa sœur…morte dans une tombe qu’on réservait aux animaux. Morte d’une maladie que ses parents en son absence n’avaient pas soignée. Morte seule alors qu’il lui avait promis qu’il ne la quitterait jamais.

Len était perdu dans ce tourbillon de sentiments, renforcé par la langue de l’animal sur sa joue qui se refermait seule. Ce dernier le poussa à se relever, il n’en avait pas envie, il voulait juste mettre une fin à tout ça. Et il maudit son mentor pour avoir été si faible et l’avoir transformé en monstre buveur de sang. Il se mit sur ses pieds et, comme si on le lui avait soufflé, marcha pendant quelques mètres jusqu’au parc, puis à son point d’eau. Il s’assit sur la terre froide, comme vide de vie, ce qu’il était d’un certain côté et entendit juste Kai revenir des buissons. Il s’était changé.

Le vampire se recroquevilla sur lui-même, réagissant à peine lorsque l’Animorph gémit en tombant à terre. Il était très blessé il le savait, mais il n’arrivait pas à l’analyser pleinement. Une grosse larme coula sur sa joue rougit de sang, suivit d’une deuxième, d’une troisième et de tout un flot.

- Len....Est ce que ca va ?
- Mêle-toi de tes affaires ! cria-t-il sans relever la tête.

Il n’avait pas vraiment voulu prendre ce ton, mais il avait mal. Il tremblait de tout son être et il eut à peine le temps de se retourner pour vomir un peu plus loin. A genoux et la tête penchée vers le sol, il hurla sa douleur.

- Mais pourquoi ? Pourquoi ! Pourquoi elle et pas moi…Pourquoi je suis encore là ?!

Il se retourna vers Kai, la raison l’ayant totalement quittée pour laisser place à cet immense mélange de culpabilité et de tristesse. Il était dans le même état qu’il y a 300 ans, avant que son sabre ne transperce sa poitrine.

- Tue-moi ! Je ne suis qu’un monstre regarde ! Tue-moi ! Je t’en prie Kai, ne me laisse pas là…Je veux Natsumi, je veux ma petite sœur.

Il se coucha sur le sol, les sanglots lui secouant le corps comme à un enfant et il pleura 300 ans d’existence inutile et vide. Vide de sens pour lui. Et puis une idée lui vint : il suffisait juste d’un pieu pour tuer un vampire, peut importe sa composition. Un pic de glace ferait l’affaire non ? Et il avait tout un étang à sa disposition.

- Va-t-en Kai, je ne veux pas que tu vois ça.

Il couru vers le point d’eau qu’il brisa d’un coup de poing.

Il allait en finir pour de bon, la douleur, la solitude et la tristesse allaient partir. Enfin. Il serait libre de la revoir. Len s’apprêta à planter le pic de glace lorsqu’une main le retint fermement, stoppant son geste destructeur.

- Lâche-moi ! Je dois le faire !

Il eut pour seule réponse le léopard qui l’enserra dans ses bras, manquant de se planter lui-même le pieu dans le cœur.

- Tu n'es pas un monstre, tu n'es pas un monstre. Natsumi.... je suis sure qu'elle n'aurait pas voulu cela, elle aurait voulu que son grand-frère vive une vie heureuse ! Tu ne peux pas faire ca, tu dois vivre pour elle. Je t'en prie. Lache ca.
- Tu ne sais rien d’elle ! C’était ma vie, le seul lien qui m’unissait à ce monde injuste. Je vivais pour elle et elle n’est plus là. A cause de moi.

Le vampire tenta plusieurs fois de le repousser sans le blesser, Kai était bien assez blessé et il ne voulait pas faire plus de victime qu’il n’en avait déjà fait. Seulement L’Animorph était aussi têtu que lui et refusait de le lâcher.

- Pourquoi tu fais ça ? Je te faciliterais la vie ! Depuis le début c’est ce que tu voulais non ? Ma mort ! Je te l’offre sur un plateau, tu n’as même pas besoin de te salir les mains !
- Ecoute moi. J'ai besoin de toi. Retour en arrière au moment ou il l'avait mordu pour la première fois en tant que calice. Pas parce que je suis devenu accro à tes morsures ou je ne sais qu'elle sottise. Mais parce que je te veux. Toi. S'il te plait, Len.

Non, pas ça, pas maintenant. Il n’allait que le faire souffrir, comme tous les autres, ne le comprenait-il pas ? Apparemment non vu que, sans crier gare, les lèvres de Kai se posèrent doucement sur les siennes. De stupeur, il passa à frayeur puis bien-être quand il sentit pleinement le contact chaud de sa bouche sur la sienne. Sa main lâcha le pieu en glace et s’accrocha aux cheveux du jeune homme. Effaçant tous ses autres sentiments, l’envie apparue. Puissante et dévastatrice qui lui fit prendre le dessus sur Kai et l’allonger au sol sans ménagement. Len commença à dévorer ses lèvres, en prenant bien soin à ce que ses dents ne sortent pas ce qui serait un vrai carnage, et il serra Kai encore plus contre lui. Comme pour lui éviter de s’échapper.

Il s’écarta, fiévreux pour tout de suite recommencer cette chose qui le faisait se sentir si bien. Il oublia tout, jusqu’au lieu où ils se trouvaient, il ne voyait que lui. Quelqu’un qui avait « besoin de lui » et pas l’inverse. Depuis Natsumi plus personne n’avait eu besoin de ses conseils ni de son savoir-faire, ni même de la bonté qui le caractérisait autrefois en présence de sa sœur. Pourtant, il se rendit compte qu’il ne voulait qu’une chose : aimer et être aimé à sa juste valeur. Il laissa couler une larme qui glissa sur leurs deux joues, le vampire ne pouvait plus se détacher du jeune homme sous lui. C’était sa bouée de sauvetage, et quand on en a une on ne la lâche pas sous peine de se noyer.

Len finit tout de même par s’écarter et observa le visage de l’homme en face de lui. Qui aurait pu dire qu’il ressentirait une telle chose pour une personne qu’il détestait de tout son être il y a deux semaines ?

- Rentre avec moi Kai.

Il était si tendre et doux, bien différent de ce qu’il pensait de lui au début. Il lui proposa de rentrer et souffla de soulagement quand il accepta. Len vit alors le flan tâché de sang du jeune homme, le vêtement en était presque noir. Le vampire retrouva sa délicatesse fraternelle et, doucement, hissa l’Animorph sur son dos. Peut importait qu’il le salisse lui aussi, il devait juste se dépêcher de rentrer pour le soigner comme il faut.

- C’est la troisième fois que je vais devoir te réparer…

Et il commença à marcher, plus rapidement qu’un humain mais plus lentement qu’un vampire. Parce qu’il ne pouvait ignorer les gémissements de douleur de Kai au-dessus de lui. Il se retenait, il le voyait bien, et ça ne lui fit que plus mal. Il n’aurait pas dû attaquer Saburi tout seul.
Le vampire chassa cette pensée, il en avait terminé avec ce gros lourdaud, et se concentra sur son objectif : l’appartement. Il était malheureusement très, très loin et le voyage fut long et douloureux.

Bientôt l’immeuble fut en vue, il avait recommencé à pleuvoir à verse et c’est trempés qu’ils passèrent le pas de la porte. Len le posa doucement sur le canapé en cuir noir et couru chercher ce dont il avait besoin pour la troisième fois : eau, pommade, huile et tissu. Il prit aussi une serviette au cas où il voudrait extérioriser sa douleur en la mordant. Il revint tout aussi vite pourtant il avait l’impression que Kai l’avait attendu des siècles à la façon dont il agrippa sa main quand il s’agenouilla à ses côtés. Il lui enleva le T-shirt qu’il prit bien soin de ne pas poser côté sang sur le carrelage et passa une première fois autour de la blessure, faisant lâcher un cri de douleur au léopard.

- Je suis obligé Kai, je suis désolé. Tu peux crier autant que tu veux.

Il passa une deuxième fois le tissu mouillé pour effacer et stopper les traces de sang sur le corps qui se tendit comme un arc. Les ongles de Kai s’enfoncèrent dans sa peau mais il ne dit rien, il lui devait bien ça. Au bout de plusieurs gémissements qui lui arrachèrent à chaque fois le cœur, il put passer à l’onguent. Mais là encore il savait que sentir sa peau se reformer toute seule était un calvaire, surtout en étant conscient. Il n’hésita pas et passa ses doigts dessus, ignorant les cris.

- C’est pour toi que je le fais. Sinon qui va me rembourser tous mes vêtements disparus ou déchirés ?

Il vit un faible sourire sur le visage de son compagnon et se dit qu’il n’avait pas perdu la main.

La dernière étape fut l’huile essentielle. Pas obligée mais il voulait le détendre après toute cette souffrance, sinon il ne s’endormirait jamais. Il n’alla pas aussi loin que la dernière fois, s’arrêtant à la ceinture de son pantalon mais n’épargnant aucune partie de son buste. Ça sentait bon et l’apaisa lui-même.

Il alla tout ranger et regarda avec tendresse le jeune homme couché sur le canapé.

- J’attends tes questions avec impatience Kai.

Len ne faisait pas d’erreurs, maintenant qu’il savait pour Natsumi, du moins en partie, il voulait aller plus loin. Montrer à quelqu’un toute la douleur qu’il gardait depuis 300 ans. Et surtout la laisser partir. Et ça il savait au fond de lui que seul l’Animorph en avait le pouvoir, il l’avait senti dans le parc.

Le vampire se dirigea alors vers la cuisine et entreprit de préparer à manger.

Des gestes précis, pas d’erreurs, ça c’était lui. La cuisine avait toujours été sa passion. Il cuisinait pour Natsumi, puis avec sa condition de vampire il avait arrêté, il en avait perdu le goût. Ça n’avait plus aucun sens. Pourtant là il prépara tout un festin pour Kai et retrouva la joie de cuisiner pour quelqu’un d’autre que soi-même.

Il le sentit et l’entendit arriver derrière lui et ne bougea pas lorsque sa tête se posa sur son épaule, et pourtant ce n’était pas l’envie qui lui manquait de refaire la même chose que dans le parc. Pourtant il se retint.

- Merci. Pour tout.
- Ce n’est pas moi qu’on devrait remercier dans l’histoire. Je n’ai pas sauvé un vieux vampire de sa folie.

Il continua de faire cuire ses bouts de viande, les faisant sauter dans la poêle lorsque la question fatidique fut posée. Il s’y attendait, avait même préparé un discours qu’il oublia tout de suite.

- J'aimerais que tu me racontes...Ce qui c'est réellement passé avec Natsumi....
- …Tu dois avoir faim, j’ai bientôt fini de préparer ton repas.

Mais il sentit que ce n’était pas ce qu’il voulait. Il voulait des réponses, des explications. Il devait arrêter de fuir.
Len stoppa le feu et se posa sur une des chaises, la tête baissée.

- Je ne sais pas si tu le sais, j’ai 300 ans d’existence vampirique, mais j’ai gardé mon physique de mes 24 ans. Jeune oui, pour se faire transformer. C’était loin d’être mon choix. On était au temps des samouraïs et des grands guerriers. Mon père était un puissant shogun et, comme tout bon fils et ainé, je devais lui succéder. Natsumi est née quelques années après moi, elle avait la santé fragile, sortait à peine du lit même quand il faisait chaud et suscitait peu d’intérêt de la part de mes parents. Même pas du tout. A vrai dire, ils ne se sont jamais souciés de nous. Toute mon enfance je me suis occupé de ma petite sœur, mais pour moi c’était loin d’être un calvaire. C’était la seule chose qui me faisait me sentir vivant et moi-même. Tu me l’as rappelée de nombreuses fois. Elle était pâle, fragile mais forte. Optimiste. Elle disait toujours que ce n’était pas de la faute de mes parents s’ils ne la voyaient pas, c’était de la sienne parce qu’elle ne faisait pas d’efforts. Elle était la seule personne à me faire rire aux éclats, pleurer comme un bébé et me mettre en colère pour des choses futiles. Je l’aimais tellement. Avec elle tout ce que je faisais était génial ! Je me sentais important et en même temps je me préoccupais plus d’elle que de moi. Je n’avais aucun ami parce que sa seule présence me suffisait amplement. Un seul de ses sourires et j’oubliais ma tristesse. A l’adolescence je lui ai fait une promesse, celle de ne jamais la quitter. Je le pensais vraiment, je ne vivais pas sans elle.
Pourtant quelques années après, mon statut de jeune homme et d’aîné força mon père à s’intéresser à moi. Selon la tradition et la loi, je devais être entraîné aux arts du combat afin de devenir un bon samouraï et un bon shogun pour lui succéder. J’ai tout d’abord refusé mais Natsumi m’a convaincu de le faire. Elle me disait que c’était ma chance de montrer au monde l’homme que j’étais vraiment. Je suis partit l’été qui suivit.
Je lui écrivais chaque jour sans être sûr que mes lettres arrivaient à destination. Sur le champ de bataille, j’ai rencontré Vivian. Il était beau et gentil, j’en suis tombé éperdument amoureux en ignorant que, tout comme moi aujourd’hui, il était un vampire. Il m’aida à supporter la solitude, je ne détaillerais pas comment.
Je suis rentré le printemps suivant, heureux de la retrouver, de lui raconter tout ce que j’avais vécu, de lui présenter mon amant. Je savais qu’elle l’aimerait si moi je l’aimais. En arrivant au palais je l’ai cherché partout sans la trouver et j’ai paniqué. Jusqu’à ce que je croise un des serviteurs qui m’a dit que…

Len s’arrêta pour refouler les larmes qui montaient en lui.

- Il m’a dit que…Natsumi était morte d’une pneumonie un mois auparavant et qu’ils l’avaient enterrée dans le cimetière commun. Personne ne s’était occupé d’elle pendant mon absence, une simple toux l’avait prise en me laissant tout seul et désespéré. Mes parents n’ont même pas assisté à l’enterrement fait par les esclaves, et ma petite sœur à été mise dans le même cercueil que celui que l’on réserve aux animaux de la famille. Enterrée dans une boîte pour chien ! J’ai renié ma famille, j’ai cherché à brûler le palais et suis partie avec mes affaires de samouraïs. La suite me paraissait évidente, je souffrais trop pour rester en vie, tout ce que je voulais, c’était Natsumi. Alors j’ai pris mon sabre et je me le suis planté dans le cœur.
Et Vivian a cru bon de me transformer.

Len avait perçu le trouble dans le regard de Kai quand il avait évoqué Vivian. Le connaissait-il ?

- Si je n’étais pas partie, si j’étais resté auprès d’elle comme je lui avais promis…Elle aurait au moins eut une sépulture décente, c’était comme une reine pour moi. Est-ce qu’on peut aimer sa sœur à ce point ? J’avais parfois l’impression de dépasser la limite.
- Je...Je comprends mieux maintenant... Je suis tellement désolé de t'avoir traité comme ca...Natsumi a étée négligée par tes parents. Ton père n'aurait jamais voulu que tu reste pour t'occuper d'elle, tu n'avait pas le choix, sinon de partir...Ce n'est pas ta faute, tu m'entends ?

C’était plus facile à dire qu’à ressentir. Il avait ressenti tellement de dégoût pour lui-même !

- Je n’ai jamais voulu devenir ainsi Kai, je ne voulais pas de cette immortalité. Beaucoup plus de gens la méritent que moi. Tu sais la transformation…c’est horrible, bien plus horrible que quand j’ai refermé tes blessures ou lors d’une régénération normale. Ton cœur s’arrête mais toi tu es vivant. C’est horrible.
Vivian était là à mon réveil chez lui, il m’a expliqué ce que j’étais mais je ne voulais pas l’entendre. Je ne voulais pas de cette condition. Et puis la soif est arrivée, poignante et destructrice. Il m’a dit que je devais me nourrir pour ne pas mourir et j’ai choisi la meilleure solution pour moi. On avait le droit de tuer au Japon, pas comme ici. Et je savais que si je cédais ce serait le cas.
Je suis resté près de 1 mois enfermé, sans bouger, repoussant cette envie qui me rongeait de l’intérieur. J’ai haï Vivian du plus profond de mon être, je l’ai rejeté. Il symbolisait mon passé, la douleur. Il m’avait trahi en me faisant ça, lui plus que tous savait que je ne vivais pas sans la présence de Natsumi. Au bout d’un moment j’étais pire qu’une larve, j’étais couché sur le sol sans possibilité de bouger un seul membre mais je savais que c’était mieux. Vivian a joué avec ma faiblesse et a apporté un calice devant moi. Mon esprit était dans le brouillard, j’agonisais et…sans mon accord mon corps et mes dents se sont jetés sur l’humain et je l’ai vidé…totalement vidé de son sang. Quand tes dents sortent pour la première fois ça fait encore plus mal ! A partir de ce moment-là j’étais devenu un monstre suceur de sang, et j’ai renié tout sentiment pour punir toutes les espèces de leur indifférence.
Je suis resté longtemps avec Vivian, il m’a apprit à me contrôler mais mon esprit était plus cruel que le sien et nos chemins se sont séparés ici. D’amant il était devenu mon mentor et je ne peux pas mentir en disant que depuis nous n’avons pas eu de…relations. Après Natsumi il était la seule personne que j’avais aimée sincèrement mais son acte restait en travers de ma gorge. Mon amour pour lui a petit à petit disparu, j’ai abandonné tout sentiment.
e suis devenu Aoyama Len, le vampire redouté directeur d’un trafic de calice.
Maintenant je sais que personne ne pourra remplacer Natsumi dans mon cœur, elle comptait beaucoup trop. Mon amour pour elle était sans limite, mais…Kai…tu as pris ta place. Je ne sais pas si je suis prêt à ressentir ça de nouveau mais si je te perdais, tu ferais le même trou énorme que ma sœur a fait en mourant.
- Je ne te laisserais pas....Je te le promets, aussi longtemps que tu voudras de moi je resterais ici.

Len le serra contre lui et souri quand il lui demanda ce qu’il lui avait préparé.

- Du poulet tandori, fit-il en se levant.

Le baiser de Kai, bien que léger, lui fit tourner la tête et il se rendit compte qu'il n'était pas en si bon état qu'il le pensait. Il ressentit à cet instant toute le poids de ces derniers jours, de la bataille et des blessures. Et de ses sentiments violents. Len était affaibli mais refusa de l'admettre. Il tenait toujours plus que ça, cette fois-ci n'échapperait pas à la règle.

Il finit de faire à manger et regarda l'Animorph tout avaler goulument, ce qui le fit sourire. Ses yeux pétillaient comme ceux des enfants qu'on émerveillait avec de bonnes choses, ces mêmes yeux pétillants que sa soeur quand il lui faisait à manger. Le vampire se rendit compte que Kai était parfait pour lui, même si ce n'était pas le cas en sens inverse !

- Je n'en peux plus, je vais exploser !

Le compliment lui fit plaisir, il ne l'avait pas entendu depuis des siècles d'une autre bouche que Vivian de temps en temps.

Tout à coup il se sentit mal, il avait trop de salive et ses sens s'exacerbaient. Il était en état de manque. Il serra les poings pour ne pas flancher et baissa un peu la tête, évitant le regard de Kai en face de lui. Son odeur emplit alors la pièce; s'infiltrant dans chacune de ses pores.

- Qu'est ce qu'il ne va pas ? Len ?

- Tu...tu devrais t'éloigner. Je vais appeler mon calice avant que ça ne dégénère, je ne pense pas que tu veuilles voir ça.

Il se leva rapidement de la table, sa main sur sa bouche pour cacher ses crocs qui sortaient déjà. Il sentit la présence du léopard derrière lui qui lui prit son portable avant qu'il n'ait pu appeler.

- Je ne te mordrais pas, tu es faible et à peine guéri.

Mais malgré toute l'autorité dont sa voix faible avait fait preuve, il se sentit tiré par le bras jusqu'à la chambre. Kai était si près de lui qu'un seul millimètre suffisait pour que ses dents touchent sa peau délicieuse. Son esprit lui criait de ne pas le faire mais son corps hurlait le contraire. Il était tiraillé entre peur et envie. Envie de lui et peur de lui faire mal.

Pourtant il ne résista pas aux lèvres charnues de son compagnon juste en face des siennes et les captura sans réfléchir, sentant le sang soudainement couler au coin de sa bouche. Len s'écarta d'un air horrifié en se rendant compte qu'il n'était même plus capable de se contrôler. Il repoussa Kai et se réfugia sur le lit, la tête entre les jambes.

- S'il-te-plaît, ton odeur est trop forte, éloigne-toi le temps que je me calme.

Le vampire sentit sa main l'effleurer avec une douceur maternelle et se risqua à lever le visage, surpris de trouver celui du jeune homme juste en face du sien. Il le faisait exprès ou quoi ? Len fit une fixette sur la veine palpitante en face de lui, ce cou blanc qui ne demandait qu'à être mordu par lui...C'était une torture.
Et avant même qu'il ne s'en rende compte lui-même, il avait poussé Kai sur le lit, tenait ses jambes autour de sa taille et l'embrassait à perdre haleine, les dents bien rétractées cette fois. Son contact calma un peu sa soif mais ne la satisfa pas. Ses lèvres descendirent dans le cou de son compagnon alors que ses mains gelées passaient sous son haut et qu'il se pressait ardemment contre lui. C'était beaucoup plus fort qu'il ne l'imaginait et il ne l'arrêtait pas. Len remonta vers son visage.

- Tu es sûr de le vouloir ?

- Len...Ce n'est rien...

Si c'était quelque chose, ça voulait dire beaucoup pour lui. Mais ce début de sang dans sa bouche ne lui laissa pas le temps de réfléchir et le baiser le perturba tellement alors qu'il en était l'initiateur même. Et Kai ne faisait rien pour le repousser, bien au contraire. Une once d'esprit lui permit de lui demander son accord, même si quelques secondes plus tôt il lui avait affirmé être «son calice». Len savait pertinemment ce que ce mot signifiait pour le léopard et s'en voulu de le lui avoir fait prononcer. Kai était bien plus qu'un calice pour lui.

- Tu...tu en doutes encore ?

C'est une telle envie qu'il sentit dans sa voix qui le fit fremir comme jamais. Son parfum devenait obsdant, lui embrumant l'esprit et il entendait son coeur si vivant cogner de plus en plus rapidement dans sa poitrine. Cependant il hésita une nouvelle fois, peu sûr que ce soit la meilleure chose à faire. Et si ça dérapait ? L'Animorph ne lui laissa pas le temps de plus réfléchir, ses lèvres se baladaient sur sa peau blafarde et glaciale qu'au fur et à mesure il réchauffait par ses baisers. A quatre pattes au-dessus de lui, le vampire le laissa faire un instant en se demandant ce qu'il pouvait bien ressentir à toucher une peau aussi froide que la sienne.

Len reprit vite les commandes, l'allongeant totalement et posa ses lèvres sur son cou sans le mordre. Un gémissement lui échappa lorsqu'il sentit sa veine palpiter à son contact. Comme si elle l'attendait. Mais il se retint encore parce qu'il ne souhaitait pas qu'il y ait que la morsure et ses effets, mais bien autre chose.

- Kai...tu me rends dingue...

C'était sorti tout seul et pourtant c'était ce que son corps tout entier clamait. Il le voulait. Passant ses mains froides sous son haut, il le lui retira rapidement et joua sur son torse marqué par la violence du monde. Il le sentit se contracter et enlaça ses doigts aux siens.

- Tu es parfait...

Et il passa sa bouche sur chaque blessure comme si ça pouvait les effacer et arriva bientôt au début de son jean, qui était le sien d'ailleurs, qu'il déboutonna avec frénésie. Le vampire savait très bien qu'il n'irait pas plus loin mais il voulait un peu plus le découvrir, et ce sans que son compagnon soit inconscient ou dans un état critique. Il caressa ses jambes en remontant vers son visage et l'embrassa une dernière fois, avant de descendre vers son cou. Les petites marques qu'il y avait faites la dernière fois étaient encore là.

Et puis tout naturellement ses crocs s'enfoncèrent dans la chair tendre et il poussa un long soupir de plaisir. Qui se transforma en gémissement plus le liquide descendait dans sa gorge et qu'il recouvrait ses forces. Il ne se contenta plus seulement de boire, ses mains s'activaient sur le corps parfait en-dessous de lui. Len passa ses bras sous le jeune homme, le faisant se redresser un peu puis ses mains descendirent dans son dos, vers sa chute de rein et enfin ses jambes. Il apprécia la douceur de sa peau, la courbure de ses hanches et ses fesses rebondies à damner un saint. Tant de belles choses en une seule personne !

Ayant pris son comptant de sang, il referma ses crocs en gardant sa bouche collée au cou de Kai. L'embrassant une dernière fois, il enfouit sa tête dans son cou et respira cette odeur qu'il aimait tant.

Mordillant son oreille, il se coucha sur le côté et le serra dans ses bras, repu.