Les jambes se balançaient à un rythme effréné. Il n’attendait qu’une chose ; les cookies tous chauds de sa mère. Ses gourmandises emplies d’amour qu’elle avalait sans modération. Loin de l’image qu’il donne à l’heure d’aujourd’hui, à ces instants, Seung Jun était plus malicieux et insouciant. Alors, ce fut avec discrétion qu’il partit à la conquête des gâteaux aux pépites de chocolats. La gourmandise est un vilain défaut, c’est bien connu mais il était loin de s’imaginer à ce moment qu’il allait avoir un tel impact dans sa vie. Se dépêchant d’aller sur le plan de travail de la cuisine où sa mère déposait les cookies tout juste sortis du four, elle s’empara de quelques uns. Mais dans la précipitation, elle fit tomber la plaque sur lui. Un cri retentit. La jeune maman n’avait pas été assez attentive à son enfant, elle sentait déjà monter en elle la culpabilité à ce manque de vigilance. Le père arriva rapidement dans la cuisine suite à tous ce vacarme. Le jeune garçon au sol, la plaque retirée de ses jambes et le regard terrifié de la mère posé sur Seung Jun ; il n’avait rien. Les brulures étaient marquées sur sa peau. La douleur semblait avoir réveillé quelques choses en lui et les yeux innocents du garçon se posèrent alternativement sur ses deux parents. Ils devinrent peu à peu emplis d’un noir de jais. Son coté bestial s’éveillait alors. Habituellement, ils géraient ces instants où il devait une bête meurtrière. L’incompréhension naissait peu à peu. Pourquoi le regardait-il ainsi ? Il n’aurait pas du. Une pensée bien tardive, une fois l’action faite. Son esprit s’embrumait peu à peu. Avec des ‘si’ on referait le monde, avec ceci, il aurait simplement voulu caché encore un peu sa vraie nature. Son visage se baissa et voilà ce qui s’y déroula. Les mains de sa mère étaient ensanglantées de brûlures causées par la plaque retirée. Du sang. Sa transformation s’accentua à la vue de ce liquide et la douleur encore présente. Triste spectacle où il aurait aimé n’être qu’un simple spectateur. Avant qu’il n’atteigne le bras de sa mère, Seung Jun fut rattrapé de justesse par son père et son grand frère avant qu’il en vienne à lui faire du mal. Il avait alors que douze ans… Suite à cet événement, les jours défilèrent et peu à peu, il s’apercevait de la distance instaurée par ses parents. Passant du fils tant aimé à une bête sanguinaire à leurs yeux, Seung Jun se sentit rejeter chaque jours que Dieu faisait. Seul son frère restait encore près de lui. Ce dernier se pensait responsable de sa transformation. Il avait manqué de vigilance sur son jeune frère lorsqu'une bête les attaqua alors qu'ils randonnaient avec leur père. Il pensait pourtant ne jamais le quitter des yeux lors de sa promesse ce jour-là...

C’était bientôt noël. La fête favorite des enfants. Sous la neige, il tournoyait encore et encore. Ses yeux brillant à la vue de toutes ces lumières, Seung Jun avait l’impression d’être dans un monde féerique. Qu’avec un peu de chance, des êtres chimériques allaient surgir et il se sentirait surement moins seul à ne pas être entièrement humain. Il était un loup garou et cette condition effrayait ses parents. Il en avait bien conscience. Alors qu’ils faisaient les courses pour le réveillon, il ne se doutait pourtant pas que c’était la dernière fois. Alors qu’il s’émerveillait devant les vitrines des magasins animés par ses automates, il se retourna et ils n’étaient toujours pas revenus. La panique la prit et il avait beau avoir fait une vingtaine de fois le tour de tout les magasins environnants, ils n’étaient plus là ; ils l’avaient abandonné. Comme un vulgaire jouet périmé, il avait été laissé en plan sur le bord de la chaussée. Similarité avec ces automates qui se mouvaient derrière la vitre, il n’était surement que cela à leur yeux. Un pantin qui était devenu de plus en plus effrayant. Était-il si effrayant ? Sa main vint se poser sur sa poitrine. Sentant son cœur battre, ce demi-cœur, mi-humain et mi-animal, une telle créature n’avait surement pas le droit d’avoir une famille. Quelque chose en lui se cassa ce jour-là. Il espérait simplement une famille. A croire qu’il était incapable de garder quelqu’un auprès de lui car au final, il l’abandonnerait. Avec l’espoir, il resta trois jours sur ce trottoir à les attendre. Noël passa. De l’extérieur, il voyait ces familles en fêtes. Surement, est-ce cela son destin ; vivre seule. Cependant, au fond de lui, l’envie d’être aimé resta présente. Il cacha cette envie derrière des remparts, il ne voulait plus être une laissée pour compte. Sa naïveté fit place à de la crainte. La solitude prit place dans sa vie et le joyeux Seung Jun n’était plus qu’un homme réservé et froid. Telle une machine, il ne montrait plus ses émotions et ses sentiments.
Puis, un soir alors qu’après cinq ans dans la rue, il s’était habitué à cette vie de bohème, tous changea. Il fit leurs rencontres. Des semblables. Des loups garous comme lui . Ce fut une solitude légèrement comblée à cet instant. Ce fut à l’âge de seize ans, qu’il les rejoignit et il ne quitta plus depuis. Même si sa taille ne manifestait pas l’envergure de force, beaucoup apprirent rapidement ; qui s’y frotte, s’y pique. Même si la meute devint comme une grande famille pour lui, la jeune homme resta encore sur ses gardes et il sut avant tout se faire respecter. Après plusieurs années dans la rue, où il dut apprendre à se défendre, il se révéla avoir une telle répartie par les mots mais aussi par les coups. Telle un chat de gouttière à contrario d‘être un sac à puce mal léché, on ne l’amadouait pas si facilement et il se montrait si distant avec les autres. Les douleurs du passé étaient encore présentes. L’attachement étant dorénavant pour lui synonyme de souffrance alors, il s’abstenait. il refusa de se montrer vulnérable à quiconque ; là où certains y virent de la fierté, d’autre plus observateurs y virent une manière de se préserver.

Comme un parfait étudiant, il arbora le banc de l’université. Un cursus de langue étrangère appliqué d’anglais et chinois où il excella. Retirant le coté tactique de ce choix d’apprentissage, il trouva tout de même ces études dès plus intéressantes. Il apprend vite et a fini par aisément amadouer ces deux langues. Une part d’humanité dans cette foule d’étudiant. Seulement, il a du mettre un terme à ses études pour causes financières.. Il trouva alors un petit boulot en tant que serveur dans un café. Il a beau être un éclaireur dans une meute de loup garou ayant de bon résultat dans les missions confiées, Seung Jun fera toujours en sorte de vouloir avoir ce contact avec ses anciens semblables. Intraitable et professionnel, Seung Jun occupe cette fonction pour son sang froid et sa capacité de contrôler un maximum sa transformation. Certes, il y a toujours des débordements ; il n’est pas infaillible. Un coté reposé s’émane de lui, une distance s’instaure alors avec les autres. Cependant, coté affection, il semblerait qu’après des années à se terrer dans la solitude, il s’en lassa. En effet, notre incorrigible loup garou cherche l’affection, qu‘importe où il peut être. Encore un sentiment bien trop flou pour lui, il se contente de passer d’une relation à une autre, sans vraiment réfléchir à la notion de couple. Il avait beau s’y refuser, s’interdire un quelconque relâchement ; le cœur a ses raison, que la raison elle-même ignore. Surement devenue trop rationnel pour penser aux histoires à l’eau de rose, il se cramponne à son image de bête sanguinaire peu apte à ce genre de relation. Car, au fond trop pessimiste, il pense déjà avant à la fin qu’à vivre l’instant présent. De plus, il ne souhaite plus être abandonné. Ce résultat d’équation amoureux ou même amical lui fait peur. Néanmoins, ces âmes gravitent autour de lui, passant outre son caractère. Ils le rendent plus humain, moins froide et taciturne qu’un loup. Avec eux, avec certains, il se sent comme il aurait aimé vivre ses premiers sur Terre ; aimer. L’amour réchauffe le cœur, il se refuse de l’admettre mais il le ressent. Alors c’est avec de rares exceptions, qu’il devient doux et plus altruiste. Empathique par la même occasion, Seung Jun veille sur les autres ainsi comme une louve sur ses petits, il ne laissera personne sur le bas coté. Seulement, faut-il encore parvenir à l’entrevoir cette aspect de lui...

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