Le jour de la pleine lune était toujours une journée étrange dans le mois. Non pas parce que les enfants pleuraient ou que les femmes enceintes devenaient soudainement plus bizarre, comme tout le reste de la population, mais plus tout parce que l’un des policiers prenaient toujours congé. Edge se retrouvait donc seul dans le poste, découragé par le manque de motivation de ce Baek Min Hwan. Il était bien loin de se douter que c’était une raison tout autre qui forçait son collègue à ne pas rentrer au boulot. Probablement que s’il avait su cette raison, il n’aurait pas été porté à vouloir sortir de son poste pour aller faire une patrouille. Il fallait dire que pour le jeune homme, c’était vraiment trop ennuyeux de rester sans rien faire et de toute façon, son boulot restait de protéger les gens et ce n’était pas en faisant les cent pas dans un bureau qu’il pourrait le faire. Un soupir traversa ses lèvres alors qu’il sortit du poste, oui, il comptait marcher. La ville n’était pas si grande et de toute façon, prendre l’air lui ferait le plus grand bien. Armé de son pistolet bien rangé dans la pochette appropriée, Edge avançait dans la ville anormalement calme pour une soirée banale. Ses pas le guidèrent jusqu’à l’orée du bois, près des cabanes des loups-garous, et là il se stoppa. Il hésitait tout particulièrement à y entrer, autant parce qu’il n’en voyait pas l’intérêt que parce qu’il avait entendu de ces histoires. Il ne croyait pas aux loups-garous, ou plutôt il s’entêtait à ne pas y croire, mais les histoires restaient bien présentes dans sa tête, il ne tenait pas à faire une erreur stupide, même s’il était armé.

Soudainement, une silhouette familière attira son regard et elle se dirigeait vers le fin fond des bois. Cette impression de connaitre la personne à qui la silhouette se rattachait motiva le jeune humain à faire fi de sa mauvaise impression et il fonça dans les bois. La nuit commençait à tomber et la lune commençait tranquillement à se lever. La pleine lune était loin d’être complètement levée, mais ça rajoutait à la mauvaise impression d’Edge. Soupirant encore une fois, il avança davantage dans le bois jusqu’à ce qu’il atteigne une petite clairière. Il ne s’était jamais vraiment aventuré là si bien qu’il fut surpris de se retrouver dans cette clairière dont il n’aurait pas soupçonné l’existence dans cette épaisse couverture d’arbre. Enfin, ce n’était pas si important, il y avait quelque chose de plus étrange : la présence de Lance par exemple. Après tout, Edge voyait bien mal son cadet apprécier la nature à ce point, au risque de se salir notamment, alors que faisait-il là ? « Lance ? Qu’est-ce que tu fiches ici ? » Il aurait pu lâcher n’importe quelle plaisanterie sur le fait que c’était étonnant de le voir ici, mais il se tut. À ses yeux c’était étrange et ce qui était trop étrange était rarement une bonne chose.

La pleine Lune, ah ce jour maudit. Depuis un certain temps, c’était toujours la même chose, quelques jours avant la date fatidique, Lance perdait le sommeil et l’appétit, rongé par l’angoisse et l’appréhension de sa transformation. Ce qu’il ferait dans cet état second, de ces pattes griffues et dents pointues qu’il ne reconnaissait pas, il ne savait jamais, parfois il avait la chance de s’en rappeler, parfois non. Il craignait, plus que tout, de tomber sur quelqu’un d’innocent, d’idiot il en convenait pour se balader ici, un peu comme lui avant. Il craignait d’attaquer cette personne, de le mordre ou de le tuer, il ne savait lequel était le pire. Mais malgré toutes ses introspections, ses scénarios, le jour de la pleine Lune, et encore pire, la nuit, finissaient toujours par arriver quoi qu’il fasse. Alors, comme d’habitude, le soir venu, alors que le soleil commençait à se coucher dans des teintes de rouge, il partait s’isoler dans la forêt, pour éviter toute confrontation avec un autre individu de sa race.

Une fois rendu là, il attendait. Lance était allé se cacher dans une clairière dans la forêt, un endroit charmant, qu’il aurait peut-être pu apprécier s’il n’était pas relié à une expérience aussi désagréable. Quoique, la nature, il aimait mieux ça en photo. C’était joli et tout, mais en vrai, c’était franchement juste salissant, comme à peu près tout dans la vie des loups-garous, à son grand dam et malheur. Rien pour le faire plus aimer cette clairière. Les nuits de la ville lui manquaient, leurs lumières, bruits incessants, il était rendu malade par les bois environnants. La nuit tomba et la Lune commença alors sa lente et douloureuse ascension dans le ciel. Les yeux fixés sur l’astre, il sentait monter au même rythme en lui cette pulsion, cette force qui faisant tambouriner le sang dans ses tempes, son cœur qui accélérait imperceptiblement à chaque seconde. À chaque fois, c’était comme un grand cataclysme qu’on sentait venir d’avance sans rien pouvoir y faire. Mais cette nuit-là était différente et pas dans le bon sens.

Un éclat de voix avait arraché ses yeux de la Lune, pour une rare fois. Et ce fut avec horreur que Lance découvrit son frère Edge qui l’apostrophait. Celui-ci, Dieu savait comment il était arrivé là, en bon policier, le questionna tout de suite. Ses yeux revinrent tout de suite à la Lune avant de répondre, elle n’était pas complètement levée, mais cela viendrait sans faute. Il ne voulait pas qu’Edge soit là à ce moment-là. Plus pour la sécurité de son frère que pour celui de son secret. « Edge? Je me promenais », mentit-il. Il fit alors mine de regarder sa montre pour préparer sa sortie et s’exclama : « Oh mais as-tu vu l’heure? Je ferais mieux de rentrer, on dit que les bois ne sont pas sûrs la nuit, je ferais attention à ta place. À un de ses quatre! » Puis il se mit à marcher assez rapidement pour pouvoir aller disparaitre de sa vue dans les arbres, sachant que la ruse à défaut de le convaincre, lui ferait gagner du temps.

Voir son frère dans la clairière était tout ce qu’on pouvait appeler une surprise pour le jeune homme. Edge ne voyait pas ce qui avait bien pu l’attirer jusque là, Lance n’était pas un adepte de la nature, définitivement pas un adepte de la forêt - c’était beaucoup trop sale pour lui après tout - et encore, son frère n’était définitivement pas assez brave pour s’aventurer dans la forêt en sachant les rumeurs qui circulaient sur cet endroit. Oui bon, l’image qu’Edge avait de son cadet n’était peut-être pas la plus reluisante vu comme ça, mais c’était de l’inquiétude. S’il avait appris une chose en particulier en étant policier, c’était que les comportements anormaux n’annonçaient jamais rien de bon et puisqu’il s’agissait de Lance, le jeune homme était tout sauf enclin à ignorer ce qui se passait là. Fronçant les sourcils, il fixa son cadet en silence après l’avoir interrogé. Il attendait avec impatience la raison que Lance allait sortir, mais bizarrement, il avait la forte impression que ça risquait de ne pas être très convainquant. Il se promenait ? Vraiment ? En d’autres circonstances, il aurait probablement pu rire, mais la pleine lune était bien loin de le rassurer.
Cela dit, avant même qu’il ne puisse ouvrir la bouche pour répondre quelque chose à cette piètre excuse, Lance ajouta qu’il était tard avant d’ajouter une foule de phrases inutiles que son frère écouta d’une oreille. Il le prenait pour un idiot, c’était la seule explication valable. Un soupir plus tard, on voyait Edge se lancer derrière son frère. Il était loin d’être conscient ce qui était en train de se passer et que son cadet le fuit ainsi ne lui inspirait pas confiance, mais il ne pouvait pas le laisser faire quand même. « Attends une minute toi, tu reste où tu es. » À défaut de pouvoir être certain que son frère l’écouterait, le jeune homme se dit que ça attirerait l’attention de Lance.

Pressant le pas, il put rattraper son cadet avec assez de facilité. Aussitôt ce dernier fut-il à portée de main que Edge étendit le bras pour l’attraper par le poignet. Usant d’une force suffisante sans pour autant exagérer, il força son frère à s’arrêter. « Tu ne vas quand même pas essayer de me faire croire que toi, tu te promenais ? » À croire que malgré son inquiétude, il trouvait encore le temps de se payer la tête de son cadet ! Il voulait surtout lui faire réaliser qu’il ne pouvait pas essayer de lui passer une telle excuse, à lui. « C’est quoi, t’as un rendez-vous avec une gente dame ? » Cette théorie amusait visiblement l’ainé, mais à quelque part, il gardait un sérieux qui était assez facile à remarque de par son non-verbal. Soupirant légèrement, il ne détendit pas sa prise, mais ajouta : « Tu sais, que si c’est une fille, elle risque plutôt d’apprécier la ville, comme tu l’as dit, on ne sait pas ce qui court dans les bois. » Les leçons de Edge le grand frère, volume premier ! C’était définitivement le temps de s’attarder à ce genre de détail, mais ce fait échappait un peu trop au policier.

Edge lui ordonnait de s’arrêter en partant en sa poursuite, mais cela ne le fit qu’accélérer. On pouvait dire que Lance paniquait, bien que dans son expression égale on ne puisse pas déduire beaucoup de cette angoisse. Il fallait qu’il trouve un moyen d’éloigner son frère d’ici quelques minutes. Mais le blondinet était têtu et dangereusement ignorant de la situation, et surtout, il courait plus vite que lui. Il fut facilement rattrapé, ralenti par les arbres et les racines. Même la nature était contre lui, il ne l’aimait que moins pour cela d’ailleurs. Son aîné le retint alors solidement par le poignet, malgré qu’en dernier recours, il tente de tirer de son bord. Après un petit moment, il dut se résoudre à trouver une autre façon de s’échapper. Edge avait beau le taquiner quant à son peu d’amour pour les promenades en forêt, aucun d’eux ne riait vraiment. « Y’a que les fous qui ne changent pas d’idée. », rétorqua-t-il. Mais heureusement, l’excuse que le lieutenant de police trouva pour son comportement étrange fut beaucoup plus innocente que la vraie, que Lance espérait ne pas avoir à dévoiler. Une gente dame? Oh, comme il aurait aimé que cette hypothèse soit vraie, qu’il soit en train de voir une demoiselle en cachette plutôt que de se changer en monstre horrible à chaque pleine Lune. Un sourire nerveux apparût alors sur le visage osseux du cadet, pour faire comme si Edge avait tout deviné, question de flatter son ego pour prendre la poudre d’escampette aussitôt qu’il relâcherait sa garde. Mais son frère décida de partir dans une de ses morales, ses conseils de grand frère qui pouvaient être utiles, mais soûlant la plupart du temps. Sauf que ce soir, ils n’étaient pas la plupart du temps, et du temps, il n’en avait pas pour l’écouter. « Oui, tu as raison, avoua-t-il avec empressement, Mais je suis en retard, tu m’excuseras. »

Il tira sur la main sur son poignet pour se libérer, mais s’arrêta tout d’un coup, comme pris par un haut-le-cœur. Ça allait commencer, il le sentait jusque dans ses os, dans son sang qui bouillait littéralement. Une fois de plus il alla regarder la Lune, presque totalement levée. Si vite? S’était-elle jouée de lui? Il aurait cru avoir du temps, mais il n’avait que quelques secondes. Et Edge qui le tenait comme ça, c’était le pire scénario possible. La Lune se détacha du sol prestement. Et Lance fut parcouru par un grand spasme d’allure douloureuse qui le plia en deux. Alors qu’il tentait toujours en même temps de se libérer de l’emprise de son frère, il l’exhorta entre ses dents serrées : « Va-t-en! » Il fut parcouru d’un autre spasme qui lui fit lâche son poignet et amener ses mains à son ventre comme par réflexe face à la sensation terrifiante et douloureuse de la transformation. Ça commençait. Sous le regard d’Edge et de la Lune, son corps changea, s’étirant avec le bruit des vêtements qui se déchiraient alors qu’il se couvrait de poil sombre et rêche. Il était trop tard.

Si l’inquiétude poussait Edge à questionner son frère, ce n’était pas tout ce qui le motivait à rester là même si, de toute évidence, Lance ne voulait pas le voir rester. En le voyant accélérer, il ne pouvait que se demander ce que son cadet lui cachait et naturellement, il se devait de découvrir ce qu’il ne savait pas. C’était son devoir de protéger son petit frère et s’il ne lui disait pas quelque chose, c’était que c’était tout particulièrement grave ! L’explication de la promenade était tout simplement impossible aux yeux du policier et il ne se gêna pas pour le dire à son cadet. Franchement, s’il y avait bien quelqu’un qu’il voyait mal se promener simplement pour se promener, c’était bel et bien Lance. Que les fous qui ne changent pas d’idée, bien sur, mais c’était beaucoup trop louche pour que le plus vieux le croit ne serait-ce qu’un peu. « Tu me prends pour un idiot ou quoi ? » Perplexe et surtout très peu convaincu, Edge ne comptait pas le laisser partir comme ça, il essaya même d’expliquer le comportement étrange de son frère en plaisantant à moitié. Certes, il y avait une plaisanterie, mais personne ne riait et ce n’était rien pour rassurer le lieutenant de police. Si le sourire nerveux le détendit un minimum, mais l’empressement avec laquelle son frère semblait vouloir se dégager de lui était toujours aussi louche. « Tu peux pas me la présenter à la place ? » Bah oui, il voulait s’assurer que c’était bel et bien une gente dame qui rendait son frère aussi bizarre. Parce que malgré le fait qu’il soit celui qui avait proposé l’idée... il en doutait fortement.

Soudainement, le comportement de Lance devint encore plus étrange. Surtout lorsque son cadet fut parcouru par un spasme. C’était de plus en plus étrange et surtout, ça concordait avec la pleine lune. Sans compter qu’ils étaient en plein milieu de la forêt. Non, c’était impossible. Ça expliquerait tout, après tout Lance voulait absolument qu’il parte. Un autre spasme secoua son cadet, inquiétant davantage Edge. Il lâcha donc le poignet de son cadet, plus par surprise de le voir porter ses mains à son ventre démontrant une douleur assez forte. Puis, comme si c’était un cauchemar, le corps de son frère commença à se métamorphoser devant lui. S’il avait jugé impossible que son petit frère soit... un loup-garou, il n’avait plus aucune chance de pouvoir nier l’évidence qui se tenait devant lui. Une évidence hautement terrifiante, c’était Lance. Lance était un loup-garou, un monstre. Reculant pour s’éloigner du danger, Edge était loin d’avoir pensé au fait que marcher sans regarder où il allait dans une forêt n’était définitivement pas la meilleure idée de la journée. Résultat ? Il trébucha et tomba sur le dos. Il était maintenant à la merci de son frère et ce n’était probablement pas lui qui allait l’épargner dans l’état dans lequel il était. Edge tenta de reculer tout en essayant de se relever. Il devait fuir. Il tenta de gagner un peu de temps : « Lance, c’est moi, Edge, tu me reconnais au moins ? » L’assurance habituelle que démontrait le policier avant disparu, il craignait la suite des événements.

Cette expérience était toujours désagréable, douloureuse. Peut-être parce que Lance tentait de résister, d’aller à l’encontre de son corps. Celui-ci se vengeait en lui infligeant cette douleur sans doute. Certains en profitaient sûrement pour se défouler dans cet état arrivaient à rester calme. Mais lui, se tendait, se crispait en sentant monter en lui l’instinct de la bête. C’était une explication qu’il s’était donné, sachant à quel point il tentait de toutes ses forces, pourtant vaines, de réprimer la transformation. Mais cette fois, comme toutes les autres fois, ça n’avait pas fonctionné. Ce n’était plus Lance qui se tenait là, mais un monstre, velu, aux yeux jaunes, aux griffes et crocs n’attendant que d’être souillés par du sang. Pas le genre d’être auquel l’amour fraternel veut dire quelque chose. La bête s’ébroua un instant, comme pour tester ses membres allongés et enforcis. Avant qu’il ne se concentre sur la fragrance humaine à deux pas de lui, un bruit lui fit tourner sa grosse tête aux oreilles dressées. Il découvrit alors l’humain, visiblement tombé, comme il était ainsi étendu au sol. Une proie facile, vulnérable. Le prédateur prit le risque de ne pas se presser, sachant que si l’autre tentait de fuir, il pourrait facilement le rattraper.

Les lèvres retroussées sur ses longues canines, il grogna, le poil hérissé et marcha, lentement vers l’humaine qui rampait pitoyablement vers l’arrière. Une telle faiblesse donnait envie de jouer. Ce n’était pas une question de mérite, ou d’honneur, à tuer prestement une proie à terre. C’était pire, c’était l’instinct sanguinaire à son état pur. Il ne voulait pas simplement tuer, il voulait le tuer pour la peine. L’humain appela deux noms, et le lycan n’était même pas en mesure de reconnaître si l’un d’eux le désignait. Ces mots, bien qu’il aurait peut-être pu les comprendre, n’étaient rien d’autres que les cris apeurés d’une autre proie. Il passa outre, totalement, rien de l’appel d’Edge ne sembla l’atteindre ou l’émouvoir. Il accéléra le pas, imperceptiblement, mais assez pour arriver à la hauteur de sa proie, par-dessus. Croyant qu’il avait déjà un repas sous lui, il se permit de rejeter la tête à l’arrière et de pousser un hurlement, déclarant officiellement l’humain comme son repas, sa prise. Alors que la gueule béante, il se préparait à déchirer la gorge de l’humain vulnérable, il était assez clair qu’il ne le reconnaissait pas, et ne le reconnaitrait probablement jamais sous cette forme. Pour lui, tout n’était qu’un vaste terrain de chasse, rien de plus ou moins.

Sous son regard horrifié, Lance se transformait. Une transformation qu’Edge n’aurait pu prédire et qui le terrorisait. Ce n’était plus son petit frère qui se tenait devant lui, non, ce monstre ne pouvait pas être son cadet, c’était impossible. Le côté sanguinaire de la bête n’était définitivement pas ce qui allait avec Lance, il ne pouvait pas. Malgré le déni total de la situation, il était bien conscient du danger qu’il courait maintenant. Il savait ce que les loups-garous faisaient ; ils tuaient. Que ce soit pour se nourrir, pour le plaisir ou rien que parce qu’ils n’étaient que ça, le jeune policier savait ce qui l’attendait s’il s’attardait sur place. Mais que pouvait-il bien faire ? Il s’inquiétait pour Lance, il s’inquiétait pour lui et il se savait incapable de courir suffisamment rapidement pour s’échapper à ce que son frère était devenu. C’était pratiquement impossible et il le savait.
Comme si ce n’était pas suffisant, il avait fallu qu’il trébuche. Quoi que de plus logique dans une forêt qu’il ne connaissait pas tant que ça et considérant le peu de lumière qui l’entourait. C’était comme si la vie lui envoyait un message, un message qu’Edge était peu enclin à accepter en soit. Il ne voulait pas mourir, encore moins si ça impliquait de se faire dévorer par un loup-garou qui se trouvait à être son cadet. Dans tous les cas, s’il n’avait pas une belle stratégie qui lui venait dans les prochains instants, il risquait un peu trop de devenir un steak ambulant. Sur le sol, sans défense, il vit la bête se rapprochait de lui. De toute évidence, sa petite tentative de gagner du temps ne lui apportait rien, mais rien du tout. Lance-garou ne broncha pas d’un poil et ce n’était définitivement pas cela qui lui sauverait la peau.

Puis, dans un moment de panique plus intense, nous blâmerons les crocs qui se rapprochaient un peu trop, l’adrénaline monta en flèche et Edge eut un réflexe de policier. Il prit son pistolet, le leva et tira machinalement. Tout ça ne se fit qu’en un instant, il n’y avait aucune réflexion profonde derrière le geste ; il venait de tirer dans la jambe de son frère transformé. Ni de une, ni de deux, le jeune homme ne se fit pas prier pour se relever et prendre la poudre d’escampette. Sur l’adrénaline plus qu’autre chose, il ne réalisait pas tellement ce qui venait de se passer. Comment son frère souffrait à cause de la balle qui avait traversé sa cuisse. Il courut le plus rapidement possible, le plus loin possible avant que l’intensité du moment ne baisse et qu’il ne se retrouve crevé à l’orée de la forêt puis dans les limites de la ville. Il ne pouvait pas rester trop longtemps sur place, il le savait, mais la dure réalité lui revint en tête. Il avait tiré sur Lance, son petit frère était maintenant blessé dans la forêt et ce, par sa faute. Si l’instinct de survit n’avait pas parlé, Edge serait probablement retourné, mais là, il ne put que se laisser tomber sur le sol, priant on ne sait trop quoi pour que son frère, et lui-même par la même occasion, réussisse à traverser cette nuit de pleine lune.

Il y eut, après le coup de feu, un glapissement aigu, alors que le loup-garou reculait, touché à la cuisse par une balle. Même pour un monstre sanguinaire, ça ne faisait pas du bien de se faire ainsi tirer dessus à bout portant. Gémissant, il recula en boitant alors que sa proie lui échappait. Il tenta alors de courir à la suite de l’humain, mais bien vite sa blessure l’empêcha de garder le rythme et l’humain lui échappa. Le monstre, oreilles rabattues, recula sous le couvert des arbres en se plaignant et se replia sur lui-même, histoire de s’occuper de sa blessure à la manière des chiens. Il lécha la plaie, usant de ses dents avec hargne pour retirer la balle, aggravant ainsi un peu les choses. Il y passa toute la nuit, laissant tomber la chasse, plus par instinct de survie que par raison.

Si bien que lorsque le matin vint, Lance ouvrit les yeux, encore plus ankylosé qu’avant. Mais cette fois, c’était plus qu’ankylosé. Lorsqu’après son manège habituel de regarder autour pour reconnaître les abords de la clairière, pour une fois un endroit familier, il tenta de se relever. Le jeune homme dut s’arrêter, une douleur aigue lui traversant la jambe. Il baissa les yeux et un hoquet d’horreur s’étrangla dans sa gorge alors qu’il voyait sur sa cuisse le sang séché et la plaie à moitié cautérisée. Qu’est-ce que c’était que ça. En tentant de se redresser dans l’herbe, il mit la main sur quelque chose de dur, froid et petit. Il reconnut alors une balle entre ses doigts, tachée elle aussi de sang. Il fit le lien, on lui avait tiré dessus mais… Qui? Lance se rappela alors ce qui s’était passé avant sa transformation. « Edge… », réalisa-t-il à voix haute. Et si c’était Edge qui lui avait tiré dessus? C’était logique, il était là lorsque la Lune s’était levée. Il l’avait attaqué, sans doute. Il ne pensa pas à en vouloir à son aîné pour la blessure d’abord. Il s’inquiéta de ce qui lui était arrivé. Avait-il réussit à se sauver?

Il se leva en s’aidant d’un arbre malgré sa cuisse qui le faisait souffrir. Puis il se mit à parcourir la clairière et le sous-bois. Pas de trace de corps, de sang ou de vêtements. Les siens n’avaient pas été trop déchirés, un peu quand même, mais pas complètement détruits comme il avait eu la bonne idée d’en mettre des plutôt larges. Mais ça ce n’était pas important pour l’instant, il pensait à Edge. Mais il ne trouva rien dans les alentours. Il avait l’intuition que son frère était sain et sauf, celui-ci était habitué aux situations d’urgence, il devait s’en être tiré. Cette idée bien ancrée dans sa tête, il décida de se rendre à l’hôpital, pour sa jambe, avant qu’il boite pour le reste de sa vie. Boitillant pitoyablement il s’y rendit, hésitant à appeler son frère ou non, la honte le prenant au ventre.