« Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants. » Ainsi s'acheva l'histoire du merveilleux pompier qui avait la gentillesse de la conter à ses gentils enfants d'une douce voix mielleuse qui commençaient déjà à-- Oh ta gueule. Un merveilleux pompier, je vous l'accorde, je le suis. Mais qu'est-ce que c'était que cette mission barbante et totalement folle qu'on m'avait donner ? "Juho, il n'y a rien à faire aujourd'hui et comme tu es l'un des plus doués avec les gosses, on te demanderait bien d'aller leur raconter une histoire à la bibliothèque", vous pensez pour le prix que les parents me paieront, j'ai accepté. Mais quelle idée ! Un, je ne reçois que des coups depuis tout à l'heure. Ils crient tous et n'écoutent rien et puis ils sentent mauvais mais mauvais ! Je hais les enfants...C'est, oui voilà, c'est décidé. Il ne fallut pas bien longtemps avant de tous les voir tomber de sommeil, ainsi finissait la journée et oh que j'étais content, je les hais, je vous le dis, je les hais ces enfants. J'ai l'air d'un gentil petit bisounours ? Oui, sûrement. Je le suis, mais pas avec des êtres vils et dont la seule envie et de vous envoyer leurs jambes entre les vôtres, oui, c'est comme s'ils pensaient que j'étais un jouet, j'ai l'air d'un jouet ?! Non ?! Bien. Voyez-vous, j'ai été enfant, évidemment, mais moi c'était différent, j'étais un enfant calme, un enfant parfait, un enfant doux et bienveillant...oui, non, je n'ai donc pas été enfant. Vous me direz, mais non voyons, impossible, et bien si ! Je faisais mes bêtises, avec calme et douceur. Non vraiment ! Ce n'était pas tout mais il fallait avouer que tous ces enfants m'avaient donner envie de boire, oh oui ! Boire...quel bonheur que de boire. Une bonne bière peut vous sauver un homme, vous le savez ça ? C'est le premier commandement de tout pompier...Je me tais. J'ai donc pris un verre, deux verres, trois verres, quelques douzaines de verres, seul et quelque peu dégoûté des gens du bar : moches. Non vraiment, pas besoin de tact, il n'y avait pas une seule fille potable ! Pas une seule je vous dis, je n'ose pas parler des hommes, je ne suis pas dans mon humeur « je me fais un gars ». Voyez-vous, dans mon état saoul, j'ai tendance à tout voir flou, sur ce, je laisse la parole au conteur. Et le héros se laissa transporter par l'alcool vers l'extérieur, les regards que l'on lui délivraient n'étaient pas vraiment l'exemple même de la bonté mais dans son état, il n'y prêtait pas attention. Il avait une destination bien précise pour vous dire la vérité, oui oui. Hae Ji. Le petit Hae Ji qu'il s'amusait à appeler Hachi comme le personnage de dessin animé, n'était-il pas mignon ? Il le détestait. Non pas vraiment, à vrai dire c'était juste qu'il ne supportait pas leur histoire. Son idée ? Le tuer. Non, vraiment. Haha...il est un peu fou notre héros. Et le voilà déjà devant la porte du jeune vampire, et quel vampire. Une bouteille à la main -qu'il avait, signalons-le préalablement cassé pour n'en garder qu'une partie tranchante-, il toqua à la porte puis se colla au mur attendant sa cible, oui, il ne valait mieux pas rentrer directement, il entendrait du bruit, quand le loup est là, il vaut mieux rester chez soi.

La musique résonnait tristement dans l'appartement. Il était seul et rien ne semblait briser cette léthargie dans laquelle il s'était plongé. Note après note, il songeait un peu plus à la vie qu'il aurait mené s'il n'avait pas été ce monstre assoiffé de sang, s'il n'avait pas été cet homme qui se plaisait à toucher le corps d'un autre. La perfection du piano s'élevait en même temps que cette torpeur qui saisissait tout son corps, jusqu'à ce cœur mort qui n'était présent en lui que comme un reste à moitié perdu d'humanité. Au fond, et malheureusement, la beauté d'un tel instrument était misérablement gâchée par son existence insipide.

Ça lui faisait plus de mal que de bien.

Hae Ji lutta donc contre sa tétanie pendant quelques longues secondes avant de se lever pour faire taire cette torture morale. Connerie de piano qu'il adorait tant. Quand le silence fut enfin, libérant les lieux de toute pensée négative, le vampire inspira profondément. Il aurait tellement aimé vivre dans un appartement clair avec une large baie vitrée par laquelle passeraient de beaux faisceaux de lumière. Mais il était temps de revenir sur Terre et d'affronter cette vie grisâtre qui le contraignait à fuir le soleil. Il n'avait pas le choix. Une envie puissante de s’échapper de cette état lacunaire se fit alors sentir et c'est avec un certain plaisir qu'il ouvrit les rideaux pour illuminer ce si bel intérieur qu'il avait aménagé. Tout devint plus clair, plus plaisant, plus vivant. Mais Hae Ji avait mal. Quand bien même aucun de ses traits ne traduisait la douleur lancinante qu'il ressentait face à cette soudaine clarté, son âme se tordait sous sa profonde déchéance. Allez. Il fallait revenir à la noirceur, comme un démon retournerait à son abîme. Le beau brun souffla pour se donner du courage : revenir à une humeur joyeuse. JOYEUSE. Il retourna s'allonger sur le canapé et s'y assoupit en quelques minutes, pensif.

Comme pour imiter les notes qui s'étaient tuent auparavant, des tapements significatifs se firent finalement entendre. La nuit était tombée. S'éveillant avec un sursaut, Hae Ji passa sa main sur son visage, histoire de paraitre un minimum présentable et surtout, pour reprendre ses esprits. Les yeux clairs du maudit se posèrent alors sur la porte d'entrée avec une insolence certaine dans le regard. Hae Ji était perplexe, il avait l'habitude qu'on le prévienne avant de lui rendre visite. Un soupir, comme souvent, exprima toute sa lassitude. Et d'un pas pourtant déterminé, il s'en alla accueillir son invité en affichant un sourire qui éviterait toute question concernant ses yeux rougis par le sommeil. La porte s'entr'ouvrit et, surprise, personne. On le faisait chier pour quoi ? Pour rien. Non, il n'était pas d'accord. Fronçant les sourcils, il ouvrit davantage pour passer le seuil et scruter le couloir. Et puis il vit son visage et son allure si parfaite. Il n'avait pas l'air très net mais il gardait une certaine classe, c'était étrange, c'était Juho. Son expression s'adoucit immédiatement, il aimait le voir, lui parler. Le toucher. Un ami, un amant, peu importait au fond. « Qu'est-ce que tu fais là ? Tu aurais pu me dire que tu venais aujourd'hui. » Mais même avec toute la meilleure volonté du monde, il n'aurait pu retenir le sourire délicat qui venait d'étirer ses lèvres.