*FLASHBACK*

Ce n’était pas la première fois que ça arrivait, et il ne comprenait pas. Kai refusait tout approche intime, il pouvait à peine l’embrasser, jamais faire plus. Etait-ce lui ? Est-ce qu’il ne l’aimait plus ? Ou alors il était trop violent. Il voulait lui poser la question mais avait peur d’entendre la réponse. Tout allait si bien pourtant, alors pourquoi encore cette-nuit Kai le repoussait et restait des heures sous la douche ? Est-ce qu’il…le dégoûtait ?
Len avait peur de le toucher à présent, et quand le léopard revint après son dernier refus et une douche de plus d’1h, il fit semblant de ne pas l’entendre.

*FIN DU FLASHBACK*


Le restaurant était déjà plein et il y avait des tas de commandes, mais le vampire n’arrivait pas à se concentrer. Depuis quelques temps le comportement de son mari l’inquiétait, il ne le comprenait pas. Ça avait empiré, maintenant Kai dormait à l’opposé de lui sur le lit et sursautait lorsqu’il le frôlait. Il ne souriait plus, ou à peine au bébé. Ils ne faisaient plus rien comme avant. Qu’est-ce qui avait changé ? Pourtant il avait cru qu’il s’épanouirait d’avantage en entrant dans une agence pour chanteurs. Mais aujourd’hui plus que jamais, il avait un pressentiment, une boule qui se formait dans le creux de sa gorge mais impossible de savoir ce que c’était.

C’est en plein service que son téléphone portable sonna, mais il était trop occupé pour répondre et le laissa sonner un instant. Pourtant il se fit insistant et finalement Len sortit dehors quelques minutes pour répondre. C’était un numéro inconnu.

- Allo.
- Aoyama Len ?
- Qui êtes-vous ?
- Je travaille à l’hôpital de la ville, votre mari vient d’être admis aux urgences.
- QUOI ?
- Toshio Kai, c’est bien votre conjoint n’est-ce pas ? C’est ce qui est marqué sur les papiers…

Il entendit un bruit de feuille mais le vampire était trop choqué pour dire quoi que ce soit.

- Vous êtes toujours là ? C’est dans notre devoir de vous prévenir, l…

Il raccrocha sans lui donner le temps de finir sa phrase. L’hôpital, les urgences…Kai. Entrant avec fracas dans le restaurant, il donna les instructions nécessaires à ses subordonnés et malgré les protestations de son patron, il partit en plein travail.

Le trajet fut court mais il avait l’impression d’avoir mis des siècles avant d’arriver au grand bâtiment. Il ne savait même pas pourquoi le léopard était aux urgences, il aurait dû demander, peut-être que ce n’était rien…non c’était forcément quelque chose de grave. Il avait peur.

Arrivé au bureau de la secrétaire, il demanda à le voir mais elle et les médecins lui interdirent de le déranger.

- Il est en train de récupérer.
- Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Récupérer de quoi ? Je veux le voir, MAINTENANT !
- Monsieur calmez-vous, ça n’arrangera rien à la situation. Il faut le laisser se reposer.
- Bougez de devant cette porte vieux singe ou je vous tords le cou de mes mains, c’est clair ?

On ne peut plus clair, et devant son regard noir chargé de colère, le médecin se recula un peu et Len entra avec grand fracas dans la chambre…

…Il crut perdre toute sa vie. Kai, son Kai était relié à des machines plus horribles les unes que les autres, il y avait des tuyaux partout et surtout, son visage était aussi blanc que la neige.

- Len...

Le vampire se précipita vers lui mais ne le toucha pas. Il avait peur, qu’est-ce qui s’était passé bon dieu pour qu’il ressemble à…une loque ? Couvert de blessures au visage, il devina à ses grimaces qu’il n’y avait pas que ça. Rempli de colère, il retira brusquement les draps et remonta la chemise de nuit de Kai, n’écoutant pas les protestations des médecins ni les siennes. Des bleus, des cicatrices récentes…son corps en était recouvert. Dans un état d’hébétement total, il se laissa tomber sur la chaise près du lit.

- Kai…pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? DIS-MOI !

Ce n’était plus son mari qu’il avait devant lui, mais juste…un corps atrophié, martyrisé. Il avait des bleus sur le visage, sa lèvre était ouverte, son regard vide. Il pleurait mais Len n’arrivait pas à se calmer. Qui avait bien pu faire ça ? Pourquoi ne lui avoir rien dit ? Il était son mari après tout ! Et un vampire de surcroît ! Aurait-il jugé son aide vaine ? Pensait-il que juste se cacher allait résoudre son problème ? Il aurait voulu le prendre dans ses bras, lui dire qu’il n’avait pas à s’inquiéter, qu’il était là pour lui. Mais c’était impossible. Il était furieux contre Kai, contre son bourreau, et plus que tout contre lui-même. Il n’avait rien vu, rien fait, il l’avait laissé se faire déchiqueter petit à petit par quelqu’un…D’ailleurs qui ?

- Je ne peux pas...je ne peux pas...
- DIS-MOI !

Il pleurait toujours, peut-être qu’il lui faisait peur alors il se calma un peu. Puis il croisa son regard. Il…essayait de lui dire quelque chose ? Pourquoi ne pas le faire tout haut ? Pourquoi le lui faire deviner ? Le vampire commença à réfléchir rapidement. Le léopard avait adopté ce comportement depuis quelques temps, ça n’avait pas toujours été comme ça évidemment. Qu’est-ce qui avait changé ? Pas le bébé, rien entre eux…le travail. Il avait commencé à travailler dans cette agence et depuis tout avait changé. Alors c’était ça ?

- Ou est Kyohei ???

Devant son ton affolé, Len s’empressa de lui prendre la main.

- Il est avec Vivian, c’est moi qui l’ai emmené ce matin. Pourquoi ?

Il ne lui répondrait pas, il le savait à la douleur qu’il pouvait lire dans son regard. Il avait peur, il en tremblait.

- Len... Je t'en prie... Ne m'en veux pas... J'avais peur pour toi... Pour Kyohei.
- Je…

Tout s’éclairait à présent. On l’avait menacé, voilà pourquoi il ne s’était pas défendu. C’était un Animorph assez puissant après tout, il aurait pu se défendre seul ! Mais il ne l’avait pas fait…parce qu’on menaçait le bébé. Et lui. Alors le vampire comprit qu’il était le seul coupable. Que si tout ça était arrivé, c’était à cause de lui. Parce que si la personne en voulait vraiment à Kai, elle en aurait terminé avec lui plus rapidement non ? Alors ça voulait dire qu’en tuant le léopard à petit feu en lui faisant du chantage, c’est lui qu’on voulait atteindre. Et ça marchait. Sauf qu’il ne se laisserait pas faire. Personne ne souffrirait à sa place.

- Pardonne-moi...
- Tu n’as rien à t’excuser. C’est de ma faute. Je suis désolé de t’avoir fait subir ça. Ne t’inquiètes pas et repose-toi, je m’occupe de ça maintenant…vu que ça ne concerne que moi.

C’était ce qu’il pensait vraiment. Celui qui s’en était pris à Kai avait eu tort de le faire, s’il le voulait lui il aurait du venir directement ! La souffrance…Son adversaire était malin, et sadique. Mais lui l’était plus encore. Il lui ferait payer dix fois ce qu’il avait fait endurer à son mari. Il se tourna vers les médecins.

- Que personne n’entre dans cette chambre à part moi, c’est bien compris ?

Les médecins avaient bien trop peur pour le contredire mais il espéra que ce serait suffisant. Il embrassa Kai sur le front avant de sortir sans l’écouter. Non cette fois il ne foncerait pas dans le tas. Il allait réfléchir, suivre, et faire souffrir. Oh oui il allait rendre la monnaie de sa pièce à cette personne.

Il se dirigea vers l’agence.

- Tu ne m'a pas... Len, n'y va pas ! Restes avec moi....

Il aurait voulu mais non. Il fit un signe négatif de la tête à Kai sans pour autant le regarder dans les yeux et sortit de la pièce, conscient que derrière lui le léopard allait tout faire pour le suivre. Mais Len savait très bien que vu son état, c’était carrément impossible. Il appela directement Vivian, à peine en bas de l’immeuble.

- Vivian ? Kyohei est avec toi ?
- Oui bien sûr, qu’est-ce qu’il se passe ?
- J’ai quelques petits problèmes à régler. Kai ne va pas tarder à t’appeler pour que tu le sortes de l’hôpital.
- L’hôpital ?
- Je t’expliquerais. Enfin ce que j’en ai compris. Mais surtout empêche-le de faire quoi que ce soit. Il faut qu’il se repose.
- D’accord. Sois prudent Len, quoi que tu fasses. Pense à nous.

Le vampire se contenta de raccrocher. Il alla rapidement à l’agence de l’Animorph, où il n’était entré qu’une fois mais il s’en souvenait très bien. Aussi discret qu’on pouvait l’être, il entra dans le bâtiment qui semblait vide. Il fallait qu’il recueille des informations pour coincer ce pourri et lui faire payer ses erreurs. Il passa dans les couloirs blancs, inspecta les salles, se cacha lorsqu’il entendait des bruits de pas venant vers lui. Un jeu d’enfant, mais il n’y avait rien d’intéressant au rez-de-chaussée.
Finalement il fit chaque étage ainsi. En passant dans une des salles de danse, il remarqua la vitre cassée et le sang rouge toujours sur le sol. Il reconnut l’odeur immédiatement et stoppa avec peine la rage qui montait en lui. Non, il fallait qu’il soit calme pour la suite. S’emporter maintenant ne servirait à rien et il perdrait.

Il continua donc ainsi, ignorant les nombreux appels de son mari et mit quelques heures à faire les plusieurs étages du bâtiment. Il trouva ce qu’il cherchait au tout dernier étage, le bureau du directeur. En prenant ses précautions, il essaya d’ouvrir la porte qui, évidemment, était fermée à clé. Il aurait pu la forcer mais on aurait eu une preuve de son passage illégal et il ne voulait pas se mettre encore plus dans le pétrin. Il fallait qu’il revienne en pleine journée pour voler la clé ou s’introduire dans le bureau lorsqu’il était ouvert. Il y avait forcément là-dedans une preuve des actes de cet homme, Kai ne devait pas être le premier qu’il torturait ainsi pour se venger de quelqu’un d’autre. Et, avec un peu de chances, il aurait fait quelque chose d’assez grave pour se faire arrêter.

Il finit par redescendre, ça ne servait à rien de rester planté devant une porte fermée pendant des heures, et enregistra dans sa tête tous les coins et recoins, les salles et leurs numéros qui se trouvaient dans l’immeuble.

Il s’apprêtait à sortir, le téléphone à la main pour appeler Vivian lorsqu’il sentit une présence. Rapidement, il se cacha derrière un énorme pilier, sur la défensive.

- Len ......?

Le vampire écarquilla les yeux. Qu’est-ce que le léopard faisait LA ???? Une porte claqua un peu plus loin et le jeune homme se jeta sur son mari pour l’empêcher de faire du bruit et se cacher dans un coin sombre. Il entendit très bien le gémissement de douleur mais il n’avait pas le choix. C’était un employé pour l’entretient qui passait avec son seau d’eau et ils attendirent qu’il soit monté à l’étage pour que Len le lâche.

Il pesta un bon coup contre son mentor qui n’avait pas respecté sa promesse, la preuve devant ses yeux, et il empoigna Kai par le poignet pour le faire sortir aussi rapidement que possible de cet enfer…qu’il allait lui-même détruire.

Il le porta sur son dos tout le long du trajet jusqu’à l’appartement, où il trouva Vivian et Kyohei. A peine arrivé, il se tourna vers Kai.

- Tu vas te coucher, tu ne sors plus si je ne suis pas avec toi et quand tu seras assez reposé, j’exige des explications. Ça ne se passera pas comme ça. Et pas de protestation, tu n’es pas en position de te mesurer à moi. Bonne nuit.

- Len, je voudrais te parler, s'il te plait !

Il ne l’écouta pas et se contenta de courir vers l’appartement. D’un certain côté il était énervé. Kai voulait parler, alors pourquoi ne l’avoir pas fait avant tout ça ? Ils auraient pu tout arranger ensemble, il en était sûr. Arrivé dans l’appartement, il lui ordonna d’une voix sèche et sans émotion, son ancien lui qui remontait à la surface, d’aller se coucher. Il était inquiet bien sûr, mais ce n’était pas le moment pour ça. Il fallait qu’il parle à Vivian. Le léopard lui obéit et disparut avec le bébé.

- Que se passe-t-il Len ?
- Je crois, non je suis sûr que quelqu’un à l’agence de Kai le maltraite en lui faisant du chantage. Et d’après ce que j’ai compris, ce serait pour m’atteindre moi.
- Ne sois pas si dur.
- Dur ? Mais tu l’as vu comme moi je l’ai vu ? Est-ce que toi tu t’es fait rejeter pire que la peste pendant des jours sans aucune raison ? Est-ce qu’on t’a appelé en plein boulot pour te dire que ton mari était à l’hôpital, avec le corps en charpie ? Non je ne crois pas ! Alors j’ai le droit d’être en colère !
- Calme-toi, on va trouver un moyen d’arranger ça.
- Non pas « on », moi. Ça assez duré, j’ai laissé les choses se ramollir. Il fallait bien que ça arrive un jour, ce genre de situation. Je te demanderais juste de garder Kyohei et Kai en sécurité avec toi. Tu es la seule personne en qui j’ai confiance.
- Non il y a Kai.

Le vampire ne répondit pas. Il comprenait les raisons des actes du léopard, mais qu’il lui ait caché ça même pendant leur mariage était insupportable. Il se sentait trahi. Il agissait comme un humain après tout, il aurait dû s’en douter. Les humains se cachaient beaucoup trop de choses.

- Tu voudras que je vienne ici tous les jours ?
- Non. Ils iront chez toi. Peut-être que son bourreau ne te connait pas alors ce sera plus simple de les cacher ainsi. Je suis désolé de te les mettre à charge.
- Ce sont des personnes Len, on ne peut pas les « mettre à charge ». Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu me rappelles l’Aoyama Len du trafic de calices.
- Peut-être qu’il n’est jamais vraiment partit. J’en aurais besoin après tout.

Vivian n’ajouta rien mais il savait très bien qu’il n’était pas d’accord avec lui, comme avant. Mais il s’en foutait, ça lui allait comme ça.

Kai dormit longtemps, même plus que le bébé et quand il l’entendit remuer il alla s’assoir sur la chaise près du lit. C’est en le regardant se réveiller doucement qu’il se persuada que sa décision était la meilleure. Le léopard ouvrit les yeux lentement en grimaçant de douleur ce qui acheva de persuader Len du bienfait de son choix. Il attendit qu’il soit assez éveillé pour lui parler, en mettant une certaine distance entre eux pour rendre la chose plus facile.

- On va se séparer pendant un temps, toi et Kyohei irez avec Vivian pour une durée indéterminée. Il faudra lui obéir. Je reviendrais vous chercher quand tout sera réglé. Si tu as quelque chose à me dire, envoie-moi un message ou un mail mais ne viens pas. Ce sera plus simple comme ça.

Il prit son air le plus froid et posa sur le bout du lit le sac de voyage avec les affaires de Kai qu’il avait rangé dedans. Puis sortit de la chambre.

Avant qu’il ne s’en soit vraiment rendu compte, Aoyama Len avait disparu. Maintenant se tenait devant Kai un vampire. Seulement un vampire. Il avait retrouvé son état de non-sentiment, sa froideur et son mépris. En quelques instants il avait perdu toute l’humanité qui le caractérisait depuis quelques mois en présence du léopard. C’était un cas de force majeur et son corps ainsi que son esprit s’étaient mis en condition pour affronter les évènements.

- Len !

Il ne l’entendit qu’à peine et sortit de la chambre, ignorant également les bruits du bébé qui commençaient à l’insupporter. Il finit par s’arrêter au milieu du salon. Il écouta le discours de Kai sans vraiment l’entendre. Il captait quelques mots par-ci par-là mais maintenant ça ne l’intéressait plus. Il avait une affaire à s’occuper et personne n’allait le déranger. Quitte à perdre.

- Garde ta litanie pour tes copains humains, je n’ai rien à faire des tes excuses ou de tes raisons, ce qui est fait est fait. Dire qu’on a eu tord n’arrangera pas le problème. J’aurais dû me douter que ça arriverait, j’ai été aveugle d’y croire. J'ai eu des jours entiers pour t'écouter mais je n'ai rien entendu. Tu crois que tu as le droit de te battre avec moi ? Mais qui a dit que j’en avais seulement envie ?

Lui apparut alors la seule solution pour le faire vraiment partir, pour le protéger.

- Mariés tu dis ? Tu crois que moi je vais régler ce problème AVEC toi alors que tu es venu à notre mariage en faisant semblant que tout allait bien ? Ce n’est pas la première fois que tu agis en solo Kai, j’ai fait des efforts pour toi, j’y ai cru. Mais c’est la deuxième fois. Je t’ai pardonné le bébé, mais ça non. Tu nous as blessé, lui comme moi, alors non. Il est hors de question que je t’ai avec moi. Reprends ton gosse et allez ailleurs. J’ai à faire.
- Je ne partirais pas. Point final.
- J'étais très bien tout seul.

Vivian entra dans l’appartement au même instant, alors que le léopard allait s’occuper de Kyohei. Toujours aussi froid, Len s’adressa à son mentor.

- Ils sont à toi.
- Len…
- J’avais raison, je n’aurais jamais dû arrêter.
- De quoi ?
- D’être un vampire insensible et méprisant. Je n’aurais jamais du laisser ces sentiments humains refaire surface. C’est comme avec Natsumi, ça finira pareil de toute façon. Alors autant me protéger maintenant. Je sors, et quand je rentrerais, ni l’un ni l’autre ne devront être là.
- Tu vas où ? Au restaurant ?
- Je n’ai pas besoin de ça, ce n’est encore qu’une futilité humaine pour se donner une contenance. Une raison de vivre. Je suis immortel. Je n’ai besoin d’aucune raison.
- LEN ! Je t’interdis de f…

Mais le vampire était déjà sorti, et ce pour quelques heures. Il passa voir ses contacts dans la ville pour leur demander des informations sur le directeur de l’agence. Un salopard apparemment, il était connu pour ses coups foireux mais jamais on avait réussi à l’attraper et encore moins à trouver des preuves de ses actes. Ça s’avérait compliqué, mais pas insurmontable. Maintenant qu’il était libre, Len pouvait faire tout ce qu’il voulait sans avoir de reproches en retour. Parfait. Il irait rôder le lendemain autour du bâtiment, repérer les allers et venues afin de pouvoir s’infiltrer…et détruire cet homme.

Il faisait nuit noire quand le vampire tricentenaire passa la porte de l’appartement après avoir jeté un regard froid à la voisine qui se cacha automatiquement. Celui-ci était plongé dans le noir…et vide. Ils étaient partis.

C’était ce qu’il voulait non ?

Parfois c’était le vampire, parfois c’était Len. Soit un cœur de glace, soit des larmes sur ses joues. Il vacillait entre les deux et finalement, c’est le vampire en lui qui l’emporta. Et si l’humain encore en lui ne s’accrochait pas, c’est qu’il y avait une raison non ? Donc il faisait le bon choix, et comptait sur Vivian pour le respecter.

Il s’était contenté de faire le tour du bâtiment, repérer les entrées et sorties, se disant que de toute façon il avait tout le temps souhaité pour entrer en action. Il rentra dans l’appartement, sombre et vide comme son âme et son cœur. Ça lui correspondait bien et ça lui allait. Il entreprit de tout ranger, la cuisine, le salon, il mit tous les jouets restants du bébé ainsi que des affaires communes entre lui et Kai dans la salle de danse, qu’il ferma à clé. Pour oublier et se concentrer sur sa mission. Comme autrefois, la chambre se retrouva vide de personnalité, avec ses murs sans décorations et ses draps de couleurs froides. En quelques minutes à peine, l’appartement était reluisant, propre et surtout vide. Comme si personne n’y existait. Et c’était le cas.

Il était dans la chambre lorsqu’un bruit se fit entendre, on ouvrait la porte d’entrée. Aussitôt il se leva et sortit prudemment, les crocs sortis prêt à se défendre. Si c’était cet homme il n’hésiterait pas. Il vit une silhouette avancer vers le salon et y poser quelque chose. Un dossier. Lorsqu’il la vit partir rapidement, il s’approcha. On ne rentrait pas chez lui comme ça ! Et puis à la lueur des lumières de la ville il aperçu les traits du visage de l’homme.

- Kai.

Sa voix était toujours aussi dure, sèche et sans émotions mais au moins il avait rétracté ses dents. On lui avait encore désobéit, pourquoi personne ne prenait en compte ce qu’il disait ?

- Je ne peux vraiment avoir confiance en aucun d’entre vous. En rentrant chez Vivian tu lui diras que lui non plus, je ne veux plus le voir.

Ses yeux se posèrent sur le papier contenant une liste de noms dont le sien, et quelques clients à lui. Il savait d’où ça provenait, et que pour les avoir le léopard avait pris des risques. Il n’en fut que plus blessé, comme si on le considérait trop faible pour le faire lui-même.

- Je n’ai besoin de l’aide de personne. Tu vois, comme un humain tu viens de faire une chose irréfléchie mais bon, c’est habituel chez toi. Ce sont mes affaires, ne t’en mêle pas. Tu n’étais qu’un pion au milieu c’est tout. Rentre voir ta famille.

Mais il ne bougeait pas alors Len utilisa la méthode forte, celle qui failli lui arracher des larmes. Le vampire savait très bien que cet acte le perdrait à jamais, mais des risques il fallait en prendre pour éliminer son adversaire et si ça voulait dire se priver, alors oui. Au fond de lui, sous cette couche de glace qui s’était reformée, Len se disait qu’il n’avait pas le choix. S’il devait se faire détester pour protéger l’Animorph alors soit. La solitude et lui étaient bons amis. Il regarda sa main gauche, son annulaire et fit tourner son alliance dans ses doigts avant de la retirer brusquement. Ses yeux luisaient et quelque chose se cassa en lui. Il la fourra dans les mains de Kai et se retourna pour aller dans la chambre.

- Si avec ça tu n’as pas compris…Reviens encore une seule fois, et tout ce que tu trouveras ce sera un appartement vide.

Après son acte effroyable un rugissement emplit la pièce et le vampire su ce qui se passait. Sous la douleur qu’il s’était forcé à lui infliger et parce qu’il n’arrivait plus à contrôler toutes ses émotions, Kai s’était transformé. Il était déjà partit en détruisant la porte quand Len retourna dans le salon. Voilà, il avait réussi…alors pourquoi il n’en ressentait aucun plaisir ? Il inspira un bon coup et balaya toutes ses pensées humaines avant de prendre le dossier qu’il lut rapidement.

Que des noms de créatures, beaucoup de vampires, quelques loups-garous…A quoi pensait exactement à cet homme ? Pensait-il vraiment pouvoir tous les éliminer ou leur faire du mal ? Etait-il humain lui ?
Il y réfléchit longtemps, prévoyant toujours de visiter l’agence lorsque son téléphone sonna. Il laissa. Mais la sonnerie retentissait toujours alors il décrocha avec un soupir exaspéré.

- Len ! Mais qu’est-ce que t’as foutu ?! Tu verrais l’état de Kai ! Pourquoi il…
- Ce n’est plus mon problème.

Il raccrocha tout simplement, mit le portable en mode vibreur et l’ignora quand justement, il vibra. Des centaines de fois.

Le jour suivant il ne décrocha qu’une seule fois.

- Len c’est urgent ! Kai est en train de se rendre complètement malade ! Il ne mange plus, se bagarre tout le temps, il ne dort plus !
- Qu’est-ce que je peux y faire ? C’est sa vie, pas la mienne.
- Non ! Aoyama Len ça ne se passera pas comme ça ! Tu vas réparer ce que tu as fait immédiatement avant d’avoir la mort de Kai sur la conscience. C’est ce que tu souhaites ?

Pourquoi aller aussi loin ? De toute façon le léopard se reprendrait bien vite et ne se laisserait pas mourir à cause du bébé. Alors il n’avait pas à s’inquiéter de ça. Bien sûr qu’il ne voulait pas sa mort mais pourquoi rejeter toute la faute sur lui encore une fois ? Il avait fait le bon choix, pas de sa faute si le jeune homme ne le comprenait pas et surtout ne réagissait pas comme il fallait.

Les appels continuaient, les messages aussi, incessants et toujours avec le même but et par les mêmes personnes. Mais contrairement à Vivian, Kai ne faisait qu’appeler mais ne laissait aucun message. De son côté, il commença à contacter les personnes sur la liste, voir ce qu’ils avaient en commun à part leur nature.

Tout ça changea un soir de pluie torrentielle. Le vampire revenait de sa petite « visite » chez un de ses semblables de la liste et rentrait à l’appartement. Il était tard mais il ne craignait pas la pluie, qui lui obstruait un peu la vue. Il allait traverser la route lorsque son regard s’attacha sur un point noir. Un…humain ? Que faisait-il là assis sous cette pluie ? Il le vit sortir quelque chose et le mettre à son oreille….

Et au même moment son portable vibra dans sa poche. C’était Kai. Au téléphone et assis sur ce banc, sûrement trempé jusqu’aux os. Comme un réflexe, il ne décrocha pas. Il écouta juste le message que pour la première fois depuis la rupture, il avait laissé.

Si quelqu’un l’avait vu de loin il aurait pu croire que des gouttes de pluie tombaient sur ses joues, mais c’était loin d’être le cas. Le message de Kai avait rouvert ce qu’il s’était tellement efforcé à fermer pour son bien, ou ce qu’il pensait être son bien. Lui rappeler cette promesse qu’il lui avait faite lui fit se rendre compte qu’il avait eu tord. Que la solitude ne lui convenait plus et qu’il avait besoin d’eux autant qu’ils avaient besoin de lui. Len avait juste peur que la seule personne qui le comprenne totalement meure par sa faute.

La couche de glace se fissura, puis cassa pour laisser remonter à la surface tous les sentiments incontrôlables. Il ne pouvait pas le laisser là. Il courut jusqu’au banc et sans réfléchir, s’agenouilla devant Kai en entourant sa taille de ses bras, la tête contre son torse comme un enfant en faute.

- Pardon ! Pardon ! Je suis tellement désolé ! Pardon…Je t’en prie pardonne-moi ce que j’ai fait, j’ai…besoin de toi…

Quelques secondes après Kai s’évanouissait dans ses bras.

C'est vrai que le leopard ne serait pas allé jusqu'à se donner la mort. Il avait toujours méprisé le suicide. Il aurait pensé si il avait été seul et que Kyohei, Vivian ne comptaient pas sur lui pour revenir. Mais la peine était si terrible qu'elle le rongeait de l'intérieur alors qu'il savait qu'ils atteignaient le point de non retour.
Ce soir la, il se dit que c'était la dernière tentative qu'il ferait et que si Len ne répondait pas présent, alors c'était que réellement il n'en avait plus rien a faire et alors il briserait sa promesse et se vengerait contre cet humain qui lui avait enlevé son mari.

Il était bien loin de se douter du regard posé sur lui. Il était bien trop fatigué. Ses sens marchaient au ralenti, et ses yeux se fermaient tous seuls, il commençait même a se pencher dangereusement vers l'avant quand soudainement, quelque chose le heurta. Il essuya ses yeux et poussa un cri de surprise en voyant Len se serrer contre lui. Il crut rêver pendant un moment, jusqu'à ce que le vampire ne se mette a parler.

Alors il comprit que Len avait finit par revenir a la raison, qu'il ne le quitterait pas. Le soulagement parcouru son corps comme une douche brulante. Il se sentit tellement mieux qu'un large sourire lumineux s'afficha sur ses lèvres. Il posa sa main dans les cheveux noirs de son vampire.
Il aurait aimé pouvoir lui dire qu'il était totalement pardonné, mais il en eut pas le temps. L'instant d'après, il s'évanouissait, succombant a l'épuisement accumulé depuis ces deux jours.

(...)

Une douce chaleur l'envahit au fur et a mesure qu'il ouvrait les yeux. Au début, il crut qu'il était encore chez Vivian et qu'il l'avait encore récupéré quelque part dans un quartier mal famé comme la nuit précédente. Il retint difficilement un sanglot et enfoui son visage dans son coussin.
Non, attendez. Ce n'était pas un coussin. C'était trop frais et trop dur.

Il sursauta et releva la tête en se rendant maintenant compte que des doigts frais caressaient son front. Son regard se posa dans celui de son mari et tout lui revint. Le message laissé sur son téléphone, Len qui apparait de nulle part, le soulagement...

Il enfoui son visage dans le ventre de son mari qui l'entourait de ses bras. Pendant quelques minutes, le jeune homme se tut parce qu'il était trop bien pour gâcher cela avec des mots, rien que le fait que Len soit près de lui suffisait a le combler.
L'horrible fièvre qui l'avait fait s'évanouir était retombée grâce a l'effet de la peau fraiche du vampire, il vit que le jeune homme avait soigné toutes les plaies qu'il n'avait pas pris le temps de panser lui même bien sur.

-Tu as veillé sur moi tout ce temps ?

Murmura l'animorph en attrapant la main qui se baladait dans ses cheveux pour en embrasser la paume. 
Il la posa contre sa joue et ferma les yeux, se sentant léger et tranquille.
Pour le moment bien sur, les choses ne s'arrêteraient pas la, le bourreau etait toujours bien tranquille a essayer de briser d'autres vies. Il fallait qu'ils les arrêtent mais pour ça il seraient maintenant a deux et cela ne pouvait que les rendre plus puissants.

-Je suis tellement désolé Len. Je ne voulais pas t'infliger ça. Je pensais te protéger en me taisant.

C'est vrai, il pensait lui éviter de la souffrance physique et mentale pour le protéger mais il n'avait fait qu'empirer les choses avec ses bêtises. Décidément, il faisait tout de travers en partant de bons sentiments s'en était a devenir fou. La prochaine fois il ferait peut etre mieux d'un peu moins écouter son coeur mais sa tête.
Ses doigts se mirent a tracer des cercles sur son ventre. Finalement, tout commencer a s'arranger pas vrai ? Sa présence près de lui le confortait dans cette idée. 

-Je t'aime tellement...

Oh oui et cette journée sans lui avec la certitude d'avoir été abandonné par son mari était très certainement la pire qu'il avait jamais vécu.

 

Len se traita d’idiot dans sa tête un nombre incalculable de fois. Comment avait-il fait pour l’abandonner ? Pour les abandonner ? Il se rendit compte que son plus grand ennemi, c’était lui-même. Il s’était tellement persuadé que ce qu’il faisait arrangeait tout le monde qu’il n’avait pas vu à quel point au contraire tous en souffraient, lui y compris. Il aurait tellement voulu entendre Kai lui dire qu’il lui pardonnait, pour qu’il puisse se pardonner à lui-même mais le léopard se contenta de sourire chaleureusement et aussi rapidement, il s’effondra dans ses bras.

Sans hésiter, le vampire le porta jusqu’à l’appartement et le posa sur le canapé pour lui enlever ses vêtements et le sécher. Son front était brûlant et il murmurait des choses incompréhensibles. Le seul mot qu’il distingua fut son prénom.

Vivian avait raison, il s’était négligé au vue des traces récentes sur son corps. Pourquoi avoir fait ça pour lui ? Il n’en valait vraiment pas la peine. Une fois changé il le porta jusqu’au lit où il le mit sous les draps avec lui, avant d’enlever son propre T-shirt et de faire en sorte que son visage seulement soit en contact avec la fraîcheur de son corps de vampire.
Le jeune homme avait une respiration calme maintenant et ses bras entouraient sa taille comme par automatisme. Pendant de longues heures Len le regarda dormir, caressant du bout des doigts son visage, ses cheveux et ses bras. Il était tellement bien.

Kai finit par bouger, le prendre pour un oreiller apparemment ce qui le fit sourire et finalement il leva la tête vers lui, comme émerveillé. Il avait envie de dire « Et oui je suis là tu ne rêves pas » mais il se tut, pas fou au point de briser cet instant magique.

- Tu as veillé sur moi tout ce temps ?
- Je veillerais sur toi tout le temps, je ne recommencerais pas.

Il le pensait vraiment. Il ne voulait plus le faire souffrir ainsi tout ça pour une petite erreur et un sentiment de trahison. C’était stupide.

Il le serra un peu plus de son bras libre lorsque le léopard s’excusa. Il connaissait ses motivations, c’est juste qu’il avait eu du mal à les assimiler. C’était impensable qu’on souffre pour lui. Il ferma les yeux un instant en sentant le contact des doigts de Kai sur sa peau, ça lui avait tellement manqué ces derniers jours, même quand il le repoussait. Apparemment l’homme qui faisait ça savait que le contact était primordial entre eux-deux et avait joué là-dessus pour les séparer. Le pire c’était que ça avait marché, Len était tombé droit dans le panneau.

- Je t'aime tellement...
- Je t’aime plus que tout.

Des simples mots qui le réchauffèrent. Ils restèrent bien une heure de plus ainsi mais pour l’instant ça ne comptait pas. Le vampire avait prévenu Vivian que Kai était avec lui et celui-ci au téléphone n’avait pas pu s’empêcher d’exprimer sa joie. Il ne changerait jamais. Un vrai ado.
Au bout d’un moment Len sortit du lit mais avant de partir de la chambre il fit une chose qui le démangeait depuis longtemps : il embrassa Kai doucement et son cœur se fit léger. Se forçant à se séparer de lui, il alla chercher le plateau de petit-déjeuner qu’il avait préparé à l’avance, comme avant et l’apporta dans le lit avec un demi-sourire. Ne résistant pas à l’envie, il l’embrassa encore puis vint se placer derrière lui, les bras et jambes entourant son corps et la tête posée sur son épaule.

- Maintenant tu manges mon Robin.

- Je te crois...Je ne t'en veux pas...Jamais.

Ces paroles, bien que réconfortante, ne purent effacer la trop grande culpabilité qu’il ressentait à présent. Il avait fait la même erreur que 300 ans auparavant, il avait abandonné volontairement un être qui lui était cher et maintenant la culpabilité était la même, et ne partirait jamais. Il ne pouvait s’en vouloir qu’à lui-même de répéter ainsi ses erreurs. Il croyait avoir appris la leçon, peut-être un peu vu que cette fois, il n’avait pas attendu que la personne meure pour s’en rendre compte. Il fut soulagé que Kai n’ait pas eu à subir le même sort que Natsumi, ce qui hier était le point de se réaliser.

Sa main dans la sienne, il jouait avec ses doigts jusqu’à frôler son alliance qu’il n’avait pas enlevée. Où était la sienne ? Il ressentait maintenant un incroyable vide en regardant ses mains, pourtant toujours parée des plus belles bagues qui soient. Il se souvint que lorsqu’il l’avait enlevée, il avait eu mal.

Le petit ronronnement de Kai lui avait manqué et le fit sourire agréablement. Il se rendit compte que c’était de simples moments comme ça qui étaient merveilleux, juste prendre un petit-déjeuner au lit à deux, même si techniquement Len ne mangeait pas. Le léopard mangeait aussi goulument qu’un enfant de 4 ans, serait-il possible qu’il se soit laissé mourir de faim depuis qu’il lui avait fait son dernier repas ? Le connaissant, c’était très probable.

Le vampire sourit malicieusement en le voyant pousser avec entrain le plateau et l’accueillit dans ses bras, heureux de sentir contre ses lèvres celles charnues de son compagnon. Qu’il dévora comme s’il ne les avait pas touchées depuis des années, ce dont il avait l’impression. Ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas été aussi proches. Ils se séparèrent à regret et si Len ne le savait pas encore un peu faible, il aurait fait plus qu’un baiser.

- Merci d'avoir changé d'avis...
- Non je…j’étais en train de refaire la même erreur qu’avec elle. Je ne m’en rendais même pas compte. Merci de m’avoir envoyé ce message. Peut-être que si Natsumi avait fait la même chose elle aurait vécu plus longtemps…Ou si j’étais moins borné !

Il avait dit ça avec un petit rire qui sonnait faux. La culpabilité ne partirait donc jamais. Il serra aussi Kai contre lui pour chasser cette émotion.

- Et maintenant ? Qu'est ce qu'on va faire ?
- D’abord…j’aimerai récupérer quelque chose qui m’appartient de droit, fit-il en montrant son annulaire dénudé.
Ensuite…j’ai parlé avec certains des vampires de la liste. Tout comme moi, leurs activités sont ou ont été assez…répugnantes. Mais j’ai eu beau chercher, je ne trouve pas mon lien avec eux et ton patron. S’il m’en veut pour quelque chose, pourquoi ne pas me le dire clairement à moi ? Pourquoi faire passer la douleur par toi ?
En y réfléchissant, je pense que…j’ai dû le faire souffrir d’une quelconque manière, et c’est le seul moyen qu’il ait trouvé pour se venger de moi. Mais si c’est le cas, alors les autres pourquoi sont-ils sur cette liste ? Ce serait impensable qu’il en veuille à autant de gens en même temps !

Len s’arrêta un peu en réfléchissant.

- Je vais continuer de chercher ce lien qui m’unit à toutes ces personnes. Et même à lui. En fait, il faudrait que je vois à quoi il ressemble, peut-être que je me souviendrais de son visage. C’est pourquoi…je vais te demander…de m’accompagner là-bas sans qu’il te voie et de me montrer son visage. Mais si tu ne veux pas, je comprendrais très bien.
Cependant, si tu le veux bien, j’aimerai aller présenter mes excuses à Vivian, lui montrer que tu vas bien et voir notre bébé.

- Peut être... Enfin imagine que lorsque tu étais trafiquant... Peut être que tu aurais pu vendre un de ses proches ?

C’était faisable, en fait il pensa que c’était sûrement ça. Sinon quoi d’autre ? Comment expliquer qu’on lui en veuille au point de faire du mal à des humains pour le faire souffrir ? Il ne pensait pas que son ancienne vie aurait autant de répercussions sur la nouvelle, mais en même temps il aurait dû s’en douter, qui ne voudrait pas se venger ? Kai le premier si par malheur Len avait vendu ses parents en tant que calice.

Il se détestait de lui demander une telle faveur, sachant ce que le léopard avait subit entre les mains de cet homme. Le vampire sourit en voyant comment il faisait le courageux pour lui, parce qu’il était mort de peur, le petit tremblement de son corps contre le sien le lui prouvait. Il tenta de le rassurer comme il le put, ce n’était que lui montrer son visage, il n’aurait rien à faire d’autre.

Pour l’instant ils décidèrent d’un peu oublier ça pour aujourd’hui et de retourner voir leur famille. Len eut une petite frayeur lorsque que Kai vacilla en sortant du lit et le rattrapa de justesse par les bras, l’aidant à marcher. Il l’avait plus abîmé qu’il ne le pensait, et pour se faire pardonner il l’aida au maximum, voulant presque aller le nettoyer à sa place dans la douche au cas où il s’évanouirait, il pourrait se faire mal en tombant ! Il abandonna finalement l’idée et bientôt ils se retrouvèrent dans l’entrée de l’appartement de Vivian, qui se jeta vers eux avec un grand sourire enfantin sur le visage.

Len regarda le léopard partir voir le bébé, se disant que non, des merveilles il n’en avait pas fait du tout. Au contraire. Le vieux vampire ne lui laissa pas le temps de réfléchir et l’attira contre lui.

- Un peu de retenu Vivian, rit-il.
- Tu m’as fait peur idiot. Ne refais plus jamais ça ! Inquiet ou pas, ta place est auprès de Kai et de Kyohei, n’en doute jamais. Je te connais Len quoique tu en dises, et je sais ce qui est bon pour toi.
- Oui…
- Tttt eh ! je suis sérieux ! Si tu les abandonnes encore une fois, il ne se relèvera pas. Tu es peut-être un peu plus fort, tu sais cacher tes émotions et les contrôler mais un Animorph est à moitié humain, et il est faible. Surtout Kai, la cicatrice est encore présente en lui et si tu t’amuses à la rouvrir quand tu en as envie…
- J’ai eu tort.
- J’ai confiance en toi, tu ne recommenceras pas je le sais. Je sais aussi que tu pensais bien faire. Je ne peux pas t’en vouloir, tu es aussi blessé à ta façon, dans ta manière de penser ou de vouloir protéger les autres. Te sacrifier pour eux.

Len se tut, il ne pouvait rien dire. Il ne l’avait pas vu comme ça, comme un sacrifice.

- Il avait été très envie de voir son papa....

Le vampire ne l’avait pas vu revenir mais accueillit tout de même avec un grand sourire le bébé, heureux aussi de le voir. Il le mordit encore. Kai avait encore disparu mais quand il revint, Len vit tout de suite le petit anneau briller dans sa main et, comme la première fois, il lui tendit la sienne. L’alliance au doigt, les gens qu’il aimait autour de lui, il se sentait enfin entier. Sa main ne lâcha pas la sienne pendant toute la conversation qui suivit, futile mais qui montrait bien qu’ils étaient passés à autre chose.

- Bon on va y aller ?

Il avait dans l’idée de rentrer à l’appartement, faire à manger à Kai et passer l’après-midi dans le canapé, devant la télé à ne rien faire. Oui, ça c’était l’idéal avant de foncer dans les problèmes.

Après quelques minutes passées avec Vivian, ils rentrèrent d’un commun accord chez eux. Kai semblait avoir retrouvé sa bonne humeur et des couleurs, comme si rien ne s’était passé. Ce fut évidemment Len qui conduit pendant que le léopard jouait avec le bébé.

- Il a tellement grandi en si peu de temps, tu ne trouves pas mon ange ?

Il avait toujours du mal avec cette appellation mais ne lui avait jamais dit. Il pensait que ça ne lui correspondait absolument pas.

- Il pousse plus vite que du bambou !

Ça le fit rire et il continua de jouer jusqu’à ce qu’il gare la voiture. En sortant, le jeune homme se tendit comme un arc, guettant autour de lui et le vampire passa son bras autour de ses épaules en protection. Ils se dépêchèrent de rentrer et quand ce fut fait, la porte fermée à clé, il commença à ranger toutes les affaires, rouvrit la pièce de danse où il avait entassé le reste et réarrangea la chambre. Tout naturellement il s’installa sur le canapé, alluma la télé sur la chaîne des dessins animés en sachant très bien que Kai allait venir avec le bébé. Ce qui ne manqua pas ! Il se posa près de lui, le bébé et son biberon dans les bras et se colla contre lui.

Est-ce qu’ils avaient de la chance ? Très certainement, ou peut-être pas assez à son goût. Ils en avaient tellement traversé qu’il était difficile de dire s’ils avaient beaucoup de chance. Il réfléchissait à ce sujet quand Kai éternua plusieurs fois, faisant presque trembler les murs de l’appartement et paniquer le bébé.
Aussitôt Len se redressa et posa sa main sur son front : il était brûlant, comment ne l’avait-il pas remarqué ? Il se leva pour aller chercher de quoi le soigner, lui fit prendre de force des médicaments malgré ses protestations et l’enveloppa dans une couverture sur le canapé, une tasse fumante de thé à côté de lui.

- Tu es malade Kai, je ne vais pas te laisser mourir à cause d’un petit rhume que j’ai provoqué après tout ce qu’on a vécu non ? Alors tu restes assis et tu te reposes.

Le vampire s’assit à côté de lui, els jambes croisées et passa son bras autour des épaules du léopard, sa main lui caressant les cheveux. Son contact, son odeur même lui avaient manqués. Au bout de quelques minutes il finit par s’endormir et pendant ce temps-là il alla s’occuper de Kyohei, puis alla faire à manger.
Il fit un repas copieux, chaud et qui sûrement lui donnerait envie. Il laissa le tout au four pour que ça garde la chaleur et alla se rassoir sur le canapé, regardant avec attention les dessins animés. La température de Kai baissait à nouveau et au bout d’un moment il s’affala sur lui, le forçant à le pousser un peu et le réveiller. Il sourit devant l’air endormi de son mari et lui déposa un baiser avant de lui apporter sur un petit plateau qu’il posa sur la table son repas.

Les yeux du léopard s’agrandirent et son ventre fit un bruit énorme, qui fit éclater de rire le vampire devant son air gêné. Len avait fait un peu de soupe, des patates, de la viande et du riz. Il alla même jusqu’à lui donner à manger jusqu’à ce que Kai râle et il le regarda manger, remontant un peu la couverture sur lui quand elle tombait. Mon dieu qu’il adorait faire ça ! Quand il eut tout fini, parce que oui le plateau fut rapidement vide, ils se collèrent l’un contre l’autre et regardèrent le drama du soir sur un enquêteur avec son chat.

- Il pousse plus vite que du bambou !

A ça, le jeune homme ne pouvait qu'acquiescer. Ça semblait etre un truc de famille. Il ne savait pas pour son frère mais lui en tout cas avait très vite atteint sa taille adulte, qui n'était certes pas exceptionnelle, mais quand même ! Quand a son père, il était très grand. Il essaya d'imaginer le bébé aussi grand que son grand père et cela ne réussit qu'à le faire rire.

Le leopard etait un septique quand au fait que l'homme aurait pu essayer de faire du mal au bébé ou a Kai, ou même a Len quand on savait qu'à deux, ils auraient pu très facilement le maitriser sans qu'il ne fasse que les égratigner. Maintenant que de toute façon son mari était au courant de tout, il ne risquait rien a riposter. Ou du moins rien de plus que ce qu'il risquait maintenant. Mais le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher de se sentir comme épié et cela ne lui plaisait pas du tout. Au contraire, il avait très peur et Len le sentit et il posa sa main sur son épaule. Immédiatement ses tremblements cessèrent et il sentit l'urgence s'éloigner. Après tout il n'était plus seul pas vrai ? Cette idée de pouvoir se reposer un peu sur Len, l'apaisa un bon moment. Juste assez pour qu'ils montent dans l'appartement ou il put se calmer.

Finalement comme si rien ne s'était passé, les jeunes hommes de retrouvèrent a regarder les dessins animés de façon presque insouciante même si d'une certaine façon, leurs esprits étaient très préoccupés par tout ce qu'il arrivait. Pendant un moment du moins, jusqu'à ce que le jeune animorphe se mette a éternuer a qui mieux mieux. Il donnait une autre raison de s'inquiéter a son vampire, bien sur, qui immédiatement pris les grandes mesures. Tasse de thé brulant et couverture en tête. Bien que ces attentions le touchent, l'animorphe estimait que Len avait bien autre chose a faire.

-C'est qu'un rhume Len ! Je n'ai pas besoin de tout ça.

Mais le buveur de sang ne l'entendait pas vraiment de cette oreille et réussit a lui faire accepter le traitement en lui disant :
- Tu es malade Kai, je ne vais pas te laisser mourir à cause d’un petit rhume que j’ai provoqué après tout ce qu’on a vécu non ? Alors tu restes assis et tu te reposes.
Le leopard fit une petite moue mais su rapidement qu'il avait raison. Il avait réellement besoin de repos. D'ailleurs, a peine il posa le bébé dans le transat et qu'il se fut blottit contre le vampire, sa fraicheur lui fit du bien. Les éternuements et la toux cessèrent un moment avant qu'il ne sombre dans le sommeil. 
C'est Len qui le réveilla gentiment a vingt heures pour lui dire de manger. Et maintenant que la fièvre s'était calmée, il ne pouvait qu'avoir que devant toutes ces merveilles.... Il ne pouvait résister. Il mangea goulument, et c'est les joues pleines a craquer qu'il demanda doucement :

-Désolé, tu as du t'occuper du petit seul....Il dort ?

Il débarrassa et alla vérifier que le bébé dormait a poings fermés, lui rallumant sa veilleuse, puis revint au salon et se rallongea sur le canapé, la tête sur les genoux de son mari, somnolant a nouveau. Il faut dire qu'il avait du sommeil a rattraper. Baillant et se frottant les yeux, soudainement il décida de se retourner et s'enfouir son visage dans le ventre du vampire. Le leopard ne tarda pas a se rendormir.

(...)

Le lendemain, Len, qui ne voulait pas le bousculer, ne le réveilla pas, meme après qu'il ait conduit le bébé chez Vivian pour le temps ou ils allaient, enfin, essayer d'arrêter l'homme qui leur avait fait vivre un enfer. Le jeune homme espérait bien s'arranger pour s'impliquer un maximum la dedans et son mari ne pouvait le nier, il avait besoin de lui pour y arriver.
Le leopard avait repris des forces quand il se leva. Un peu trop peut être car il sautait partout dans l'appartement quand Len revint de chez Vivian. 

-Alors ? Et maintenant ?

Il était a peu près prêt pour affronter son bourreau. En tout cas il était déterminé a ne plus le laisser faire du mal comme ça a qui que ce soit.[/list]

- Désolé, tu as du t'occuper du petit seul....Il dort ?
- Ça va. Il s’est endormi il y a quelques minutes.

L’instant d’après ce n’était plus un Kai qu’il avait contre lui, mais un félin, qui baillait, se retournait dans tous les sens et de frottait les yeux, jusqu’à s’endormir, roulé en boule et la tête contre son ventre, tout en faisant encore ses bruits étranges de ronronnement. Len continua de regarder la télé, la main posée sur la tête de son mari, lui caressant le visage ou les cheveux. Geste machinal qui dura longtemps.

Le vampire s’assoupi 1 à 2 heures, et replaça le léopard sur le canapé alors qu’il se levait. Il fit chauffer le biberon, alla chercher le bébé qui babillait déjà tout seul et le changea. Puis il lui donna à manger, ce fut facile et rapide, étonnant comme cet enfant était calme. Voyant que Kai n’était toujours pas réveillé, il décida d’aller seul conduire Kyohei chez Vivian pour avoir plus de liberté. Une fois là-bas, il eu bien sûr droit aux avertissements de l’adolescent.

- Vous ne faites rien de dangereux. Si c’est trop risqué, tu arrêtes. Je compte sur toi parce que je sais très bien que Kai foncera la tête la première là-dedans ! Un minimum de clairvoyance, c’est tout ce que je te demande.

Il finit par lui promettre de faire attention, parce que sinon il n’aurait jamais pu rentrer chez lui ! D’ailleurs à son arrivée le léopard était déjà debout, excité comme pas possible.

- Alors ? Et maintenant ?
- Eh eh eh du calme là. Ce n’est pas comme si on allait au karaoké ou au parc d’attraction ! Il faudra être prudent, avisé et surtout calme. Se contrôler. Pas de transformation tant que je ne le dis pas et fait attention à ce que tu dis, et à ce qu’il te dit. Ne te laisse pas influencer. Bon je crois que c’est tout, pour l’instant tu vas juste me montrer qui c’est.

Après avoir réussi à le calmer, ils sortirent de la maison, prirent la voiture direction l’agence et le vampire se gara sur le parking le plus proche, en cas de fuite. On ne sait jamais. Il hésita un instant avant de sortir devant l’air soudainement fébrile de Kai. Il était moins fort que ce qu’ils pensaient tous les deux, et même s’il voulait mettre fin à tout ça, c’était peut être encore trop tôt. Cependant la décision du jeune homme fut prise et il sortit le premier, Len le suivant de près.

Ils marchèrent jusqu’au bâtiment et, tapis dans un coin de mur, ils attendirent que son bourreau se montre. Ce qui, d’après les tremblements de son compagnon, ne tarda pas. Le vampire lui serra la main.
- Lequel ?
Kai lui désigna un des hommes, celui plus à l’écart, devant les autres. Le visage sévère et peu avenant, il faisait froid dans le dos mais il ne semblait pas si méchant. S’il n’avait pas vu les marques sur le corps de son mari, il aurait eu peine à y croire. Aussi discrètement que des fantômes, ils se faufilèrent à la suite des autres, dans la masse d’hommes et de femmes qui venaient danser. Eux aussi se faisaient martyriser ou c’était juste Kai ?
Il distingua à ce moment-là le visage du directeur et il crut le reconnaitre. Un trait familier, le nez peut-être, un peu trop gros, ou la bouche, pas assez pleine. Il ne savait pas. Mais ça confirmait leur théorie, ce qui l’horrifia.

Aurait-il vraiment vendu un de ses proches ?