- Est ce qu'il te rappelait quelque chose ? Oui pas vrai ? Je peux le voir sur ton visage.

Kai le connaissait trop bien à présent, parce qu’en effet son visage lui rappelait quelqu’un, mais qui ? Avec tous les calices qui lui étaient passés entre les mains, si on pouvait le dire ainsi, c’était une mince affaire. Et impossible de se rappeler. C’était quand ? Il y a 6 mois ? 1 an ? 5 ans ? Plus ? Il faudrait lui demander…mais était-ce la meilleure chose à faire ? Vivian lui avait dit d’être prudent.

Le léopard l’attira vers la voiture, ce qu’il jugea comme un geste de prévention et il fut soulagé qu’il ait encore ce genre de réflexe. Ça pouvait lui sauver la vie !

- Si jamais tu as vendu un de ses proches, il faut le retrouver...Et le lui rendre. Je pense que ce sera la seule solution. Mais si jamais tu l'as attaqué, a l'époque, je ne vois pas comment on peut s'arranger...Ca ne semble pas etre le genre à accepter des excuses....
- Si je l’avais attaqué je m’en souviendrais. Je m’en souviens toujours, parce que c’est rare que j’affronte les gens directement et par les mains. C’est l’autre solution, j’en suis sûr maintenant…mais c’est impossible de les retrouver ! J’en ai vendu des centaines et des millions Kai, comment veux-tu que je sache ?

C’était horrible dit comme ça mais la vérité. En plus Len ne gardait pas de traces de ses « affaires », par souci de sécurité et grâce à quoi d’ailleurs Kai n’avait jamais pu le coffrer. Ils étaient dans une impasse.

- Peut etre que je devrais y retourner, le pousser à me dire ce qu'il a contre toi ?

Sa réaction fut immédiate, il attrapa le léopard par le poignet et le colla contre la voiture, le regard sévère.

- Toutes ces marques sur ton corps ne te suffisent pas ?! Ces derniers jours ne te suffisent pas non plus ? Tu crois que je vais te laisser aller là-dedans comme une brebis dans le repaire d’un loup en pensant qu’il va être gentil avec toi ? Mais réveille-toi Kai ! Dans quel monde tu vis ? Cet homme n’en a rien à faire de ta vie ! Tu crois vraiment que ça me plaira de te voir te traîner comme une larve tout ça pour savoir ce qui l’a mis en colère contre moi ?

Sa colère était puissante oui, il ne supportait pas quand son mari parlait ainsi, sans se soucier de lui. Il le savait encore trop faible et s’en voudrait de le laisser aller seul là-dedans. Mais en même temps lui ne pouvait pas y aller seul et le laisser sans défense dans la voiture. Alors le meilleur moyen était d’y aller à deux. Le vampire finit par le relâcher et s’excusa d’avoir été si brutal.

- Bon, on va y aller ensemble et souviens-toi, on fait attention à nos gestes et à nos paroles. Ne t’inquiètes pas, je ne le laisserai plus te toucher désormais.

Il lui sourit et prit sa main pour se diriger vers le bâtiment, avant d’y entrer. Là, ils prirent l’ascenseur jusqu’à l’étage du bureau du directeur. Dans le couloir il n’y avait personne mais Len ne s’y fia pas. Une fois devant la porte, il toqua et on lui dit d’entrer. Sûrement attendait-il quelqu’un à la place d’eux. Il ouvrit la porte, entraînant Kai à sa suite et fixa l’homme d’un air sérieux, alors que lui faisait la même chose, oubliant complètement son danseur derrière.

- Aoyama Len, enfin.

- Je...je sais Len...Mais je ne sais pas quoi faire et je veux que ca cesse, absolument...Je ne veux pas qu'on soit obligé de laisser notre bébé chez les autres pour le protéger, et je ne veux pas avoir à me cacher non plus. S'il te plait Ren...tu me fais mal...

Bon ok il avait été dur sur ce coup-là, mais comment lui faire comprendre qu’il ne voulait pas qu’il pense ça ? Que c’était trop dur de ce dire que par sa faute la personne qu’on aimait souffrait atrocement ? Néanmoins il s’excusa rapidement parce qu’il se sentait coupable et Kai lui montra bien qu’il ne lui en voulait pas du tout. C’était bien lui ça ! Même quand il l’avait rejeté si violemment il ne lui en avait pas voulu !

Alors ils allèrent ensemble, soudés comme jamais, jusqu’au bureau du directeur où il entra tout de même après avoir frappé. Ce n’était pas parce qu’il était un vampire qu’il n’avait aucune règle de politesse ! Et en croisant le regard de l’homme, il sut que c’était eux qu’il attendait comme ça. Il devait vraiment avoir quelque chose sur le cœur ! Et évidemment, il le connaissait et prononça son nom et son prénom de façon confiante.

Len affronta son regard sans crainte ni peur, mais sans colère non plus. Il était vide de sentiments parce qu’il savait que ce n’était pas en s’engueulant avec l’homme qu’il résoudrait leurs problèmes. Mais il sentit très bien que Kai n’avait pas la même réaction.

- Depuis que ma fille est morte à cause de vous, je n'ai cessé de vous chercher, mais vous étiez bien protégés. Comme j'étais content quand j'ai vu que votre clébard est venu me manger dans la main sans faire d'histoire ! Comment un monstre peut il espérer avoir une famille ? Ca me dégoûte !

Alors tout lui revint, il se souvenait de la jeune femme parmi tant d’autres qu’il avait séduite pour l’attirer dans son piège, une femme qu’il ne connaissait pas oui mais qui s’était accrochée désespérément à lui dès leur premier échange !

Il ne bougea même pas en voyant le pieu, ne tiqua pas mais réagit lorsque Kai se retrouva soudainement devant lui…entre le pieu et son cœur. Il s’affola et on pu lire une réelle peur dans ses yeux.

- Vous lui ressemblez. Toujours à défendre ce qu'elle croyait. Sauf que cet homme est le mal incarné, et je ne pourrais mourir en paix tant qu'il ne le sera pas, mort.

Le léopard ne bougea pas et soudainement il eut envie de vomir devant cette scène. Il était un monstre, cet homme avait raison. Il méritait amplement de mourir. Mais si seulement il pouvait réparer les choses…pourquoi ne pas avoir écouté Vivian quand il en était encore temps ?

- Vous avez raison, je suis un monstre. Je ne mérite rien ni personne. J’ai tué sans remords dans le passé. Plus que quiconque je devrais mourir.
Mais je ne laisserai pas Kai mourir pour moi, jamais. J’ai fait des choses horribles, irréparables et je me souviens de votre fille. J’ai honte.

Ça ne sembla pas arrêter la fureur du directeur qui fit un geste avec le pieu dans leur direction et Len enlaça son mari, en fixant sérieusement l’autre homme des yeux.

- Laissez-moi tout réparer. Je vais la retrouver, elle n’est sûrement pas morte. Vous avez reçu un vêtement d’elle plein de sang non ? Tromperie. Elle est vivante, et je vous la ramènerais. Peu importe le prix. Alors vous déciderez de mon sort après ça.

Kai le supplia une dernière fois et ils attendirent la décision du directeur. Son bras tenant le pieu bougea…

Cette pratique était courante. Ils faisaient croire aux familles que la personne était morte et ainsi pouvaient l’utiliser comme calice sans qu’ils n’aient personne sur le dos. Len l’avait souvent fait, ça marchait à chaque fois. Là aussi l’homme y avait cru. Mais comment lui faire comprendre que ce n’était qu’une tromperie de vampire ? Autant essayer, de toute façon il ne pourrait jamais plus le détester que maintenant.

- Je vous en prie !

Le vampire resserra sa prise sur le corps de Kai, conscient qu’il commençait à lui faire mal mais il avait peur et ça l’horrifiait de le voir supplier ainsi pour lui. Il se rendit compte après que l’homme ait jeté le pieu qu’il était tendu comme un arc. Mais au moins ne menaçait-il plus de les tuer !

- J'aimerais savoir ce qui peut construire une relation pareille. Je vais vous croire... Parce qu'il (il montra le plus jeune) vous aime sincèrement. Mais si jamais vous mentez. Je n'hésiterais pas une seconde à faire ce que j'ai a faire. Je n'ai plus rien à perdre.
Maintenant, allez-vous-en.
- Je vous la ramènerai, répéta-t-il une nouvelle fois.

L’instant d’après il ne leur accordait plus aucune intention et Len suivit son mari dehors, soulagé lui aussi que ce soit terminé. Pour l’instant. Une fois arrivés à la voiture Kai se jeta littéralement sur lui, lui offrant un baiser où il y avait soulagement et crainte. Ce n’était pas encore terminé, loin de là. Il le serra plus contre lui, lui aussi heureux qu’ils soient en un seul morceau.

- Est ce que tu te rappelles a qui tu as vendu sa fille ?

En voyant le visage du directeur il s’était souvenu de cette fille joyeuse et trop encline à tomber amoureuse qu’il avait rencontré. Au départ il ne pensait pas la prendre mais vu qu’elle s’était accrochée à lui il n’avait eu que le choix de la vendre avec les autres. Facile, une fois droguée il l’avait mêlée aux autres et elle s’était retrouvée vendue parmi tant d’autres.

Mais son nom lui échappait, juste son regard vif et ses cheveux ébène lui revenaient. Par contre ses clients étaient souvent les mêmes alors il chercha dans sa mémoire ce jour-là où il l’avait vendue. Ce fut plus facile et douloureux que ce qu’il avait pensé. Il s’en souvenait parfaitement, de l’éclat dans les yeux du jeune vampire lorsqu’il avait vu la jeune femme. Oui il l’avait vendu à un vampire de 106 ans à peine. Et ceux-là étaient les pires niveau calice. C’était un russe, Alessander peut-être. Il traînait toujours au même endroit, dans la partie sud du dôme. Il savait déjà ou le trouver, mais comment la récupérer.

Il informa son compagnon de toutes ces informations et, comme lui, il prit un air déterminé. Il fallait la récupérer, pour cet homme. Pour qu’il ne vire pas plus dans le côté sombre.

- Il devrait être là cet après-midi ou cette nuit. J’aimerai d’abord essayer de le convaincre de me la revendre mais je doute que ce soit aussi facile. Il faut se parer à tout. Tu es prêt pour ça ? Cet homme n’est jamais seul, tout comme moi.

Len scruta le beau visage sérieux de Kai en-dessous de lui et joignit ses lèvres aux siennes. Avec tout ce qu’il s’était passé, ils n’avaient pas eu un seul moment vraiment intime comme il en souhaitait et peu importe qu’ils soient dehors sur un parking, adossés à la voiture, il ne se gêna pas pour faire comprendre au léopard qu’il le désirait toujours ardemment.

- Après tout ça je compte bien me faire pardonner…en nature.

- Pour le meilleur et pour le pire, Len. Je viens avec toi, je suis prêt à me battre.
- J’aimerai qu’il n’y en ait pas besoin.

Ce qu’il passa après montra à quel point cette séparation trop brusque et ces nombreux jours de refus de Kai les avaient marqués. Len ne le désirait jamais plus qu’en ce jour, à cet instant précis. Il aurait tout fait pour avoir un moment intime avec lui, n’en ayant pas eu depuis des semaines. Ça lui manquait tellement de sentir son corps brûlant contre le sien, si glacial. Pourtant il s’arrêta bien vite et ils montèrent dans la voiture.

Le vampire savait bien où Alessander habitait pour lui avoir souvent livré des calices assez tard dans la soirée. Il ne craignait pas les vampires qui rôdaient dans cet immeuble infesté de créatures, bien au contraire. Il avait bien montré à certains d’entre eux qu’il était bien plus fort et maintenant on le respectait, pour son âge et son expérience. Et il avait aussi ses propres alliés ici.
Alors il monta sans crainte les escaliers et frappa à la porte. Le blondinet lui ouvrit avec grand sourire. Son regard amusé croisa celui dur et froid de Len mais il ne s’en formalisa pas.

- Salut, Aoyama, je ne pensais pas te voir dans le coin de si tot ! On m'avait dit que tu t'étais rangé avec un animorphe. Il jeta un regard à Len. Je vois bien ce qui a pu t'y retenir.
- Alessander, toujours porté sur la chose à ce que je vois. Je fais ce que bon me semble. Mais je ne suis pas ici pour te saluer mais demander à récupérer une de tes calices.
- Ah bon ? Depuis quand le grand Aoyama Len reprend des calices inutiles ?

Au lieu de lui répondre il fit le tour de la pièce des yeux, des humains dans les vapes étaient présents et il la vit…la fille du directeur. Seulement elle avait perdu cet air amusé et mignon. Elle était vide.

- Celle là, fit-il en la désignant du doigt. Je t’en offre 20 000 wons.
- C’est tout ? Tu peux repartir et je te les offre !
- 30.
- Mmmh.
- 50.
- Ouah, je suis fatigué.
- 100 000 wons.

Alessander le regarda avec des yeux sournois.

- Je veux bien te la donner pour rien...Seulement, je m'ennuie en ce moment, mon lit est froid.

Len crut mourir de colère quand il vit son regard se poser sur l’Animorph. Alors là pas question ! Jamais il n’échangerait Kai surtout quand on savait quels vices sexuelles le vampire exerçait sur ses proies. Son léopard était bien assez détruit comme ça !

Et pourtant…il croisa le regard suppliant de l’humaine et se rappela qu’il n’était pas seul, qu’il y avait encore un moyen de sauver tout le monde. Seulement il allait devoir faire une chose horrible qui, il le savait, les blesserait. Mais il n’y avait rien d’autre à faire. Len comptait utiliser ses relations pour tout récupérer avant que ça ne tourne au massacre et, effrayé de croiser le regard de son aimé, il se contenta de vriller le sien dans celui d’Alessander.

- Bien. L’Animorph en échange de l’humaine.

Sentir le regard de Kai sur lui était horrible et il espérait qu’il comprenne son plan. Pourtant à voir la façon dont il lui lâcha la main, il douta que ce soit le cas. Il eut juste le temps de lui murmurer sans savoir s'il avait entendu "Pour le meilleur et pour le pire".

- Aaaaah, ça c’est Aoyama Len ! On te retrouve enfin ! Bien, merci pour le petit cadeau, je vais bien m’amuser.

Len se retint de lui arracher la tête quand ses sbires empoignèrent le léopard qui se débattait mais faiblement. Parce qu’il savait bien qu’il était trop terrassé par sa décision. Alessander lui poussa l’humaine dans les bras et le vampire sortit, le téléphone déjà dans la main.

- Vivian ? Je vais avoir besoin du plus grand nombre de vampires possibles. En moins d’une heure.

Les yeux, la posture, le cri de Kai…tout lui enfonçait un couteau dans le cœur mais il se disait qu’il ne pouvait pas faire autrement, que quitte à ce que ça le blesse il devait le faire quand même. Pour ces humains. Il prit un air dur et indifférent, pourtant c’était loin d’être le cas en-dessous. Alessander lui donna l’humaine et il sortit. Le reste fut rapide, sans bavure.
Len appela Vivian, lui demanda de réunir tous les vampires aptes à combattre qu’il connaissait pendant que lui faisait de même avec les siens. Rangé ou pas, le vampire 300tenaire avait toujours une forte influence et domination sur ses sbires et 1 par 1 ils répondirent présent à son appel. On le salua même chaleureusement !

A la base Len s’entourait de 15 à 20 vampires maximum, là il visa plus haut, connaissant le sadisme de son adversaire. 50 vampires assoiffés de sang pour la plupart attendaient autour de lui et il donna les ordres.

- On ne tue pas, on blesse méchamment. Priorité : récupérer ce qui m’appartient, c’est-à-dire l’Animorph. Celui qui l’a ne le touche pas, même pas un cheveu ou je lui brise le cou et arrache le cœur, c’est compris ?
- Oui !
- Pas de sang, ou peu.

Ils se mirent en marche, ou plutôt coururent vu qu’il avait quand même mis près d’1h pour tous les réunir, et qu’1h suffisait à Alessander pour détruire et souiller à jamais son mari. Bien sûr le Russe les attendait de pieds fermes mais ses petits soldats ne faisaient rien contre ceux carnassiers et sans pitié de Len et ce dernier passa entre tous les combattants, marchant jusqu’à la porte de la chambre où il sentait sa présence. Kai était là, il le savait.

Pour plus de sûreté, Len vida son esprit, son cœur et son âme, pas question de faire une erreur de tactique à cause des sentiments, et cassa la porte plus qu’il ne l’ouvrit avec quelques doigts. Heureusement qu’il s’était mis en condition parce que s’il ne l’avait pas fait voir Kai se faire étrangler devant ses yeux l’auraient fait tout détruire, eux y compris. A la place en 1 milliseconde il se trouva derrière Alessander et posa sa main sur sa nuque en appuyant avec deux doigts.

Pris de cours, le vampire se trouva bloqué quelques instants et cria, les larmes aux yeux, avant de se dégager et relâcher sa prise. Automatiquement Len se plaça devant son mari et fléchit légèrement les jambes en position d’attaque.

- Tu es foutu Alessander. Tu n’as plus personne dehors pour te venir en aide alors va-t-en, disparais.
- Je ne suis pas une mauviette comme toi Aoyama. Je ne vais pas me faire embobiner par des grands yeux noirs de chien galeux et bâtard !

Le poing vola, frappa et le russe voltigea dans la pièce mais fut aussitôt debout.

- C’est tout ce que t’as trouvé ?

Et ce fut à son tour de se jeter sur lui, toutes griffes et dents dehors. Len amortit sa chute sur le lit mais se cogna néanmoins la tête contre le rebord pointu, lui faisant voir des étoiles pendant quelques secondes. Qui suffirent à Alessander pour s’emparer de Kai, qui flanchait.

- Enlève tes sales pattes de buveur de sang !
- Ohohohoh mais je te signale que t’en es un aussi !
- Lâche !
- Ja-mais, fit-il en léchant la joue rebondie de son mari qui ne récupérait toujours pas.
- Je ne joue plus Alessander. Lâche-le.
- Tu ne m…

Le russe se tut soudainement en voyant le rictus mauvais de Len et surtout les grognements de la cinquantaine de vampires derrière lui qui n’attendaient que de lui faire mal.

- Un dernier mot ?

Décidément les vampires étaient des êtres abominables. Voir un tel couteau aiguisé sous la gorge de son mari l’horrifiait et Alessander l’avait bien compris et s’en servait contre lui. Cela faisait bien longtemps qu’il s’était rendu compte que Kai l’affaiblissait mais il pensait pouvoir combler ça. Non apparemment.

Heureusement le léopard n’était pas trop faible et réussit à faire diversion en brisant le genou du russe qui se remit aussitôt évidemment. Mais Len eut assez de temps pour intimer l’ordre aux autres de le maîtriser. Ce qui ne s’avéra pas facile du tout. Alessander était entre le vampire expérimenté et le nouveau-né, sa force était à son maximum et bizarrement le tricentenaire se fit blesser plusieurs fois légèrement avant de pouvoir lui porter un coup. Et même avec 50 vampires il n’y arrivait pas. Ça le mettait hors de lui et décuplait sa rage.

Il vit bien Kai se jeter sur lui et au mauvais endroit, en plein sur le flan d’Alessander qui l’avait largement vu arriver. Len avait essayé de rattraper le léopard mais il brisa la vitre et il ne le vit plus. Non plus parce qu’à la place s’élevait un faucon majestueux et Len souffla de soulagement. Il s’en était sorti, comme d’habitude. Et malgré toute cette violence et le sang qui commençait à dégouliner, il sourit à l’oiseau qui vint aussitôt se poser sur son épaule.

Len repartit dans la bagarre, bien décidé à en finir. Rha mon dieu que cette interdiction de tuer était saoulante ! Sinon ça ferait longtemps qu’il aurait mis en pièce le russe ! Alors là il se contenta de lui briser des os un après un, tandis que Kai s’affairait à lui percer le crâne ou les yeux. Ce qui aurait pu être utile c’est vrai. Mais il était vraiment très résistant et se relevait tout le temps, mis KO un temps ses acolytes et quelques minutes plus tard, ils en étaient rendus encore au même endroit. Alessander debout, et toujours pas de victoire à l’horizon.

Et plus ça prenait du temps plus Len s’énervait. Et plus il s’énervait et plus il devenait violent et incontrôlable. A un moment il faillit arracher la tête à son adversaire mais se reprit aussitôt en croisant le regard volatile de Kai. Non, tuer = expulsion et il ne le voulait pas. Alors il fallait faire autrement mais comment ? Comment se débarrasser du russe sans le tuer ?

En fait la réponse vint toute seule et il ne la choisit pas. Ça se passa la seconde après que Kai vola une nouvelle fois dans la pièce sous forme de faucon. Il eut juste le temps de le voir se retransformer sous le choc de l’impact contre le mur qu’une douleur lui transperça le ventre. Lui qui ne ressentait rien sentit alors une chaleur l’envahir, suivit d’un froid glacial.
Il tourna la tête pour voir ce qui lui procurait ça. Un pieu, pas plus long que son bras, était fiché dans son torse. Il ne savait pas si son cœur froid et mort était touché parce qu’il n’arrivait pas à réfléchir.
Un filet de sang rouge vif sorti de la commissure de ses lèvres et coula le long de son menton. Puis, chose étrange il suffoqua. Sa tête commença à lui tourner et il tomba sur les genoux, une de ses mains sur le pieu, n’arrivant pas à se résoudre à l’enlever.

- Tu…vas…expulsé, réussit-il à dire à Alessander.
- M’en fous, je t’ai eu.

Puis Len tomba pour de bon et murmura avant de fermer les yeux :

- Kai…

(...)

Un vampire allongé sur un lit depuis maintenant plus d’1 mois. Aucune des deux personnes qui sont tous les jours à son chevet, un jeune homme aux cheveux noirs et un autre blond, ne savait s’il se réveillerait un jour. Le blond assurait qu’il prenait du temps pour guérir, que le pieu était passé à seulement quelques millimètres du cœur du blessé. Mais combien de temps allait-il mettre avant de rouvrir les yeux ?

Et puis à minuit, Len ouvrit les yeux et pris une grande bouffée d’air en portant sa main à sa poitrine.

- Kai…

Il n’avait rien vu venir, mais ce qu’il su c’était que sa vie, pourtant longue, allait peut-être finir là. Il ne pensait pas Alessander capable de le tuer dans l’enceinte du dôme, lui valant expulsion et procès. Pourtant le pieu dans son torse ne mentait pas, le sang qui en coulait non plus. Il se tourna, désespéré, vers Kai, il avait peur de mourir. Sa main tremblante chercha à enlever le pieu pour laisser la guérison se faire mais il était à présent trop faible. Len se laissa tombe au sol et entendit le léopard hurler son prénom, avant de vraiment fermer les yeux en murmurant le sien.

C’est difficile à imaginer mais il n’y eut rien après. Même pas de puits sans fond ou une pièce noire. Non juste le vide, comme s’il était vraiment mort. Il ne s’était même pas entendu crier de douleur. Len avait déjà connu ça en devenant un vampire, lorsque son cœur s’était arrêté de battre pour Natsumi. En fait c’était comme dormir, on ne se rend pas compte qu’on dort que lorsqu’on se réveille, et bien là c’était pareil. Dormait-il ou était-il mort ? Seul Vivian et son calme purent le déterminer car un vampire ne respirait pas donc aucun moyen de savoir s’il était vivant ou pas. En fait le blondinet et le léopard se basaient sur leurs espérances.

Le pieu avait fait un énorme trou dans sa poitrine, à quelques millimètres de son cœur. L’onguent et la capacité régénératrice de Len, quoique faible, avaient réussi à le reboucher partiellement. Mais à ce moment-là, pendant ce mois et ces deux semaines, on aurait pu le comparer à blanche-neige dans sa tombe de verre. Le vampire était tout simplement allongé sur le lit, dans une pièce qu’on lui réserva, les deux mains posées sur le torse, blanc comme la neige et surtout…immobile. Pas même un signe de respiration. Les yeux clos, la bouche fermée…une sorte de statue.

Et comme Blanche-Neige, quoique les circonstances ne soient pas les mêmes, il se réveilla. Mais plus brutalement. Le vampire ouvrit brutalement les yeux et inspira une grande bouffée d’air, sa gorge siffla. Sa main se figea sur sa poitrine et il mit du temps avant de se rendre compte que son mari était là, maintenant réveillé et les yeux écarquillés. Il murmura son prénom et serra la main chaude sur la sienne.

- Len...Oh Len ! Tu es vivant, Je le savais, je le savais !
- V-vivant ?

En fait sous le choc et la durée du coma, le vampire avait oublié les évènements et pour lui il se réveillait d’un sommeil normal, à part que la douleur dans sa poitrine lui donnait envie de crier. Alors il ne comprenait rien de ce que disait Kai.

- Pourquoi tu as cru me perdre ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Il regarda tout autour de lui et reconnut la chambre, qui n’était pas la sienne.

- Kai, pourquoi je dors chez Vivian ? Il s’est passé quoi hier soir ?

Len ne sut pas non plus interpréter le regard de son mari et le questionna un moment sur sa présence ici quand il croisa des yeux le calendrier de la chambre. Il se releva d’un seul coup, provocant un cri sous la douleur et Vivian apparut, tout aussi ravi et inquiet que Kai à ses côtés.

- Vivian, ton calendrier n’est pas à jour n’est-ce pas ?
- Non Len euh…, il se tourna vers Kai. Il a oublié ? Tu ne lui as pas dit ?
- Dis quoi !

Ça commençait à l’effrayer, et cette douleur dans sa poitrine qui semblait ne pas partir ! Le blond s’assit à côté de lui et lui prit une de ses mains.

- Tu ne te souviens pas du directeur ? De votre quasi-divorce ? D’Alessander ? Du…pieu qui a failli te tuer et t’as gardé 1 mois et demi dans le coma ?

A ces mots la douleur dans sa poitrine s’intensifia.

Il ne comprenait rien. Pourquoi il ne se souvenait pas de la veille ? Pourquoi la dernière fois qu’il avait vu Kai il était en forme et maintenant ressemblait à un zombie qui n’avait pas dormi depuis des jours ? Et surtout pourquoi sa poitrine lui faisait si mal qu’il avait envie de hurler milles morts ?

- Je n'ai pas eu le temps de tout lui dire...

Dire quoi ? Que lui cachait-on ? Son mentor s’assit sur le bord du lit et lui dit…qu’il avait failli divorcer, qu’il s’était battu…que la douleur dans sa poitrine et son amnésie était dû à ce pieu qui avait failli transpercer son cœur. Mais pourquoi il ne se souvenait pas ? La douleur se fit plus forte et Len se plia en deux sur le lit, le front en sueur. Il n’entendit qu’à peine l’échange des deux autres et grogna de douleur quand Kai l’allongea sur le lit. Et même s’il l’espérait, le baiser n’effaça rien de son malaise.

- Tu ne te rappelles plus de rien... ? De quoi tu te rappelles en dernier ?
- Euh…nous sommes revenus de notre lune de miel il y a quelques semaines à peine non ? Non ?

Fit-il en voyant l’air désolé de son mari.

- Kyohei a bien 3 mois non ? à peine 3 mois…

Il se rendit compte de la vérité, il avait perdu la mémoire, perdu ce qui avait forcé ce coma. Il avait failli mourir et ne savait même pas pourquoi ! Le vampire grimaça sous l’onguent et l’horrible blessure avec la forme circulaire qui transperçait toujours un peu sa peau. Le pieu était là…comment s’en était-il sorti ? Que s’était-il passé ? Des tas de questions qui demandaient des réponses.

- Je pourrais tout te raconter...mais je préfères que tu dormes avant, d'accord ?

Il devait avoir raison, même si lui voulait savoir tout de suite. Chose étrange et qui n’allait pas avec ses souvenirs, le contact de Kai contre lui sembla lui avoir manqué, comme si ça faisait des mois qu’il n’avait pas dormi avec lui. Quasi-divorce ? Que c’était-il passé ?
Les caresses du léopard finirent de l’achever, ce que la blessure prenait bien soin de faire et Len s’endormit rapidement d’un sommeil du juste.

(...)

Le vampire se réveilla en premier, avec toujours plus de questions dans sa tête et aucun souvenir qui lui revenait. Kai dormait toujours profondément, comme s’il ne l’avait pas fait depuis longtemps, ses mains ancrées sur ses hanches. Vivian entra à ce moment-là, le bébé dans les bras ce qui finit de perturber Len. Il n’était plus comme dans ses souvenirs, une petite dent était là quand il souriait. Son bébé avait grandi sans lui. Lui qui ne le souhaitait pas quelques semaines plus tôt maintenant regrettait de ne pas avoir été auprès de lui.

- J’ai besoin de sortir quelques heures, je peux te le laisser ? Je fermerai la porte à clé.
- Pas de souci.

Len se releva un peu sans réveiller Kai et prit Kyohei dans ses bras. Aussitôt le petit commença à machouiller ses mains et ses doigts, ce qui s’avéra efficace avec ses petites dents. Le vampire joua avec lui, le fit rire et gigoter.

- Bah oui mon bébé, papa il était parti mais regarde, il est là maintenant. Tu sais toi ? Ce qu’il s’est passé ? Tu vas me le dire ?

Il le serra contre lui et se rendit compte que Kai était réveillé. Ce dernier se releva un peu et Len mit le bébé entre eux deux avant d’embrasser doucement son mari. Là encore, un sentiment de manque le prit. Ils jouèrent un peu avec le bébé et finalement, parce que décidément le vampire n’arrivait pas à se lever, le léopard apporta de quoi manger au lit-même. Vexé et furieux de se sentir ainsi infirme, il mâcha en silence, laissant Kyohei mordiller ses doigts et finalement lâcha :

- Qu’ais-je fait pour en arriver là ?

Len regarda le bébé dans ses bras et lui sourit en voyant ses deux petites dents. Il avait grandi, très grandi…trop grandi. Sans lui. Ça lui faisait mal de l’apprendre ainsi. En fait il se sentait si infirme, impossible de bouger autre chose que ses bras et ce en grimaçant. Alors il joua ave Kyohei jusqu’à ce que Kai se réveille, l’air plus en forme que lui.

- Comment tu vas, baby~? Content de retrouver ton papa ?

Il sourit tristement, et demanda ce qui avait bien pu le rendre ainsi, aussi…faible et humain.

- Tu veux tout savoir ?
- Il le faut, je ne peux pas rester comme ça.

Dans le flou, dans le vague, dans l’ignorance de ce qui avait failli lui coûter la vie. Il devint plus attentif.

- Il y a plus de un mois et demi tu as découvert que je me faisais battre par mon patron.
- QUOI ?

Comment avait-il pu oublier ça ! Pas possible, il lui avait dit non ? Comment ne pas se souvenir d’une telle chose ? Le léopard continua tout de même, lui raconta comment il avait agi en l’apprenant, ce qui le dégoûta, comment ils s’étaient retrouvés à chercher une calice d’un directeur, calice qui appartenait à Alessander, jeune vampire très cruel. Mais plus il en entendait sur ses choix, plus il avait envie de vomir. Abandonner Kai là-bas, essayer de s’en séparer, être un vampire sans cœur…Méritait-il ce pieu au fond ? Bien sûr il ne pouvait pas les abandonner ici mais Len se disait aussi que ça aurait pu être une délivrance.

Et puis les souvenirs lui revinrent, la bataille, la douleur de le perdre, sous la pluie, quand ils s’étaient retrouvés, quand Alessander lui avait planté de sang-froid malgré les interdictions un pieu dans la poitrine. Comment il s’était senti partir ce jour-là. Comme la première fois. Encore une fois il devait sa vie à Vivian, ça commençait à devenir répétitif !

- Mais ce n'est que du passé maintenant, tu vas aller mieux, c'est l'essentiel, que l'on soit tous réunis.

Le vampire le serra contre lui, serrant les dents contre la douleur puis s’en écarta brusquement.

- C’est bon, je me souviens. On n’en parle plus.

Ils restèrent silencieux dans le lit jusqu’à ce que Vivian revienne. Aussitôt Len demanda à sortir et lui parler, c’était urgent. Mais à peine le pied posé par terre, il tomba au sol, incapable de se relever, les jambes et les bras aussi flasques que de la jelly. Furieux, les larmes aux yeux, il refusa de l’aide que pourtant les deux personnes lui proposèrent et se tint à la table de chevet pour se trainer jusqu’au salon, où Vivian finit par le soutenir jusqu’à ce qu’il s’asseye sur une des chaises en soupirant. Pendant que Kai allait changer Kyohei, il s’entretint avec son mentor.

- Vivian…je me souviens mais…il y a une chose à faire, c’est urgent.
- Quoi ?
- La porte…condamne-la.
- He ? Pourquoi ?
- Tu as vu l’état dans lequel je suis ? Je ne tiens même pas debout, un bébé me battrait ! Et tu n’es pas sans savoir que nombreux sont les vampires et autres créatures qui veulent une vengeance sur moi. Alessander n’a sûrement pas gardé sa bouche fermée sur mon état, alors pour le bien de tout le monde il faut rester confiné ici jusqu’à ce que je sois capable de me défendre.
Bon ça ne s’applique pas à toi mais s’il-te-plait, condamne portes et fenêtres. Il ne faut pas qu’on nous trouve.

Le blondinet hocha la tête gravement et il se leva, Kai prenant soudainement sa place sur la chaise en face de lui. Il lui sourit doucement et toussa…en se rendant compte que sa main était devenue rouge.

- Merde.

Même en étant humain il n’avait jamais été si faible que maintenant. Et ça Len détestait. Qu’on le prenne pour un infirme, qu’il soit infirme tout court. Il se persuadait dans sa tête qu’il allait très bien ce qui le faisait penser qu’il pouvait marcher. Mais une fois debout ce n’était pas le cas. Vivian finit par lui acheter des béquilles car sinon il ne pouvait pas mettre un pied devant l’autre. Il avait longtemps refusé de les utiliser mais le plus vieux s’était énervé sérieusement contre lui et il se rendit compte qu’il avait l’air d’un gamin capricieux.

Len voyait très bien que ses deux compagnons se détérioraient autant que lui niveau santé, un jour même il ne réussit pas à réveiller Kai, ce qui l’avait affolé et il avait faillit sortir de l’appartement en trainant le léopard pour l’emmener à l’hôpital. Vivian l’avait ramené à la raison, il s’était réveillé 12h plus tard.

Mais depuis ce jour le jeune vampire n’avait plus ouvert la bouche, s’enfermant dans un mutisme puissant que seules les crises de fièvre et les toux venaient interrompre. Sérieusement, il en avait marre de cracher du sang et parfois il lui venait l’envie de pleurer et d’en finir. Mais à chaque fois à ce moment-là il entendait soit la voix de Kai soit les babillements du bébé et il changeait d’avis.

Tous les jours Vivian sortait aux nouvelles et en parlait avec Kai, le laissant à part. En fait la plupart de son temps il le passait couché dans son lit, la tête tournée vers le mur. Mais ça ne l’empêchait pas de tout entendre, même quand ils chuchotaient sur son état de santé ou sur le procès. Tout ça le mettait sur les nerfs.

Un soir il sentit Vivian rentrer un peu plus inquiet que d’habitude et il tourna la tête vers le salon, se relevant un peu.

- Qu'est ce qu'il s'est passé ?
- Il a décidé de faire appel. Apparemment, il aurait des témoins « surprise ».

Il comprit que ce n’était pas bon signe. En en avait vraiment marre, quand allaient-ils se rendre compte que cet homme avait tenté de le tuer de sang-froid ? A sa place on l’aurait expulsé depuis des siècles ! Et dire que lui s’était retenu de tuer qui que ce soit dans l’enceinte du dôme pendant des années…

Le vampire attrapa ses béquilles et, avec un grand effort, se hissa hors du lit en grimaçant. Il se traîna vers le salon et s’assit lourdement en face de son mentor, à côté de Kai. Et même s’il souffrait toujours son visage et toute sa posture n’en laissa rien paraitre. Il se tenait droit et fière, comme il l’avait toujours été dans chaque circonstance.

- Je vais au procès.

4 petits mots qui aussitôt affolèrent les deux autres. Pourtant Len restait calme et ne changerait pas de décision.

- Y’en a marre, ça fait presque 2 mois que vous bataillez avec ça. Ce gars m’a planté un pieu presque dans le cœur, ses intentions étaient claires. Témoin ou pas ça ne pourra jamais effacer ça.

Il ouvrit sa chemise et montra l’horrible plaie qui était toujours en cours de cicatrisation, pas tout à fait refermée.

- Les juges veulent des preuves, ils ne nous croient pas s’ils n’en ont pas sous les yeux. En y allant je nous ferais gagner. On n’invente pas ce genre de blessures. Si tu me laisses y aller Vivian on s’en débarrassera plus vite.
- Tu es faible Len, et si on en profitait pour essayait de te tuer à nouveau…
- CA SUFFIT ! J’irai, avec ou sans vous. C’est mon honneur qui est en jeu.

Son regard glacial et déterminé suffit à convaincre son mentor. Restait plus que le plus humain d‘eux trois…

Il n’aimait pas ce qu’il était, un être faible sans plus aucun intérêt. Il avait perdu de cette aura qui le caractérisait, plus rien de sa magnificence passée. C’était pitoyable et déplorable. Pourtant quand Vivian revint avec les nouvelles, il trouva là un moyen de faire un trait sur tout ça, de redevenir le vampire et l’homme qu’il était avant. Il vint en cloquediquant vers le salon où son mari et son mentor discutaient et mentionna le fait qu’il voulait et qu’il irait au procès. Il n’y avait pas d’autres manières n’est-ce pas ?

Comme il s’en doutait l’un acquiesça en silence et l’autre refusa immédiatement. Kai était vraiment trop difficile à gérer parfois.

- Non...Non Len ! Tu tiens à peine debout ! Si il y a un de ses copains dans l'assistance, tu ne t'en sortira pas à nouveau...Tu ne peux pas faire ca, tu m'a promis de ne pas nous laisser mais tu veux aller risquer ta vie au tribunal sans hésiter !

Il ne souhaitait pas le faire pleurer mais c’était son choix, il avait un plan, bien sûr qu’il n’y allait pas sans y avoir pensé au préalable ! Il n’était pas si stupide pour se jeter dans la gueule du loup. Kyohei, décidément devenu de plus en plus sensible à leurs humeurs, commença à pleurer et Vivian le prit pendant que Kai s’en allait dans la chambre. Les deux vampires se jetèrent un regard et Len reprit ses béquilles pour avancer à lenteur d’escargot jusqu’à la pièce. Il mit longtemps mais là n’était pas le problème, comment calmer le léopard sans s’enfoncer encore plus ? Il se posa avec lourdeur sur le lit et passa sa main dans ses cheveux avant de lui tourner la tête.

- Kai, tu me connais. Je n’ai pas décidé ça sans y réfléchir. Je sais que c’est ce qu’il faut faire. Mes vampires seront partout, autour de toi et de Kyohei principalement et moi je resterai avec Vivian. Tu les as vus, au moindre problème me concernant ils ne se feront pas prier. Aie confiance, je sais ce que je fais.

Pour la première fois depuis quelques jours il lui sourit, ce qui finit de le convaincre. Il l’embrassa doucement pendant quelques secondes jusqu’à ce que sa plaie le ramène à la raison.

Len s’était habillé comme il le faisait souvent, en noir principalement, rouge et violet. Ses cheveux frisés étaient harmonieusement coiffés et s’il n’avait pas les béquilles on ne verrait pas qu’un pieu était passé à quelques millimètres de son cœur. Le stress de Kai se répercutait sur tout le monde et sa confiance en souffrait. Encore une fois il refusa toute aide pour avancer alors ils mirent longtemps dans le couloir pour arriver à la salle. Là, ils rencontrèrent le directeur et Len se méfia. Ça le surprit qu’il veuille les aider.

- Ne croyez pas que je vous pardonne ce que vous avez fait, mais vous avez une merveilleuse famille et je ne vous laisserai pas etre séparés aussi cruellement.
- Merci.

Ce simple mot les surprit tous, car Len ne remerciait jamais. Pourtant là après ce qu’il avait fait à cet homme il les aidait, alors il ne pouvait que lui être reconnaissant. Mais tout ça s’éclipsa quand le vampire sentit la toux venir et aussitôt il se soutint sur une béquille en demandant un mouchoir de l’autre main. Vivian, rapide comme l’éclair, lui en mit un dans la main et Len toussa à s’en déchirer les poumons, tachant complètement le tissu de rouge. Le directeur le regarda avec des yeux écarquillés.

- Alors c’est vrai…
- Quoi ? vous croyez que je faisais semblant ?

Il avait été plus méchant que voulu mais aucun ne put répliquer parce qu’on les appela à entrer, ce qu’ils firent.
Le vampire repéra tous ses sbires et s’assis devant, sur un des bancs à côté de Vivian. Il respira un grand coup, resta exceptionnellement assis quand le juge entra mais la douleur dans sa poitrine se réveilla lorsqu’Alessander entra, un sourire vainqueur sur le visage.

Aussi étonnant que ça puisse paraitre, Len n’avait jamais participé à un procès. Essentiellement parce qu’en 300 ans il ne s’était jamais fait prendre ! Tout ça lui était inconnu et pourtant malgré la douleur qui persistait, il resta très calme même quand Alessander entra, contrairement à Kai. Il n’avait pas peur de lui. Len n’avait peur de personne sauf de lui-même. Il soutint son regard et on aurait pu dire que ce fut lui qui gagna à ce jeu.

Vivian fut appelé en premier, avec sa sagesse, son réconfort et sa clairvoyance qui contrastaient étrangement avec son corps et sa mentalité parfois d’adolescent. Si on devait résumer, le discours du vieux vampire était un atout.

Celui du directeur aussi. Un humain qui défendait un vampire avec émotion, ce n’était pas si courant que ça et ça toucha le jury. Bien sûr l’homme n’omit pas de mentionner que tout ça était arrivé par la faute de Len.

Il comprit vite le petit jeu d’Alessander : le faire plonger avec lui. En citant toutes les horreurs qu’il avait pu faire (et encore il ne le connaissait pas depuis longtemps !), il sembla faire d’avis le jury. Et en rajouta des couches et des couches pour le discréditer, dire à quel point il était quelqu’un de mauvais, mesquin, froid et sans cœur. Il fallait s’y attendre venant de sa part.

Celui de Kai l'aida à trouver ses mots.

- Nous appelons Aoyama Len à la barre.

Ah, son tour. Le vampire se leva du banc, soutenu par Vivian à ses côtés et prit ses béquilles. En le voyant marcher difficilement jusque là, il y eut des murmures et deux ou trois rires. Evidemment certains se bidonnaient en voyant combien le grand Aoyama Len était affaibli. Il n’y tint pas rigueur et prit son temps pour aller s’installer, seul. Ensuite il releva fièrement la tête, prêt à défendre sa cause.

- Je suis un vampire. Rien que ça devrait me faire condamner pas vrai ?

Des murmures, désapprobation. Vivian fronça les sourcils. Non il ne cherchait pas à s’enfoncer plus, c’était réfléchi.

- L’immortalité…un grand rêve, une horreur. Il n’y a rien de pire que de voir les autres mourir pendant que nous on reste là. Avec notre vie vide et sans intérêt. Je n’ai pas voulu de ce statut, même maintenant je n’en veux pas.
Et pourtant, rien ne changera. Enfin si une chose peut changer : moi je peux changer. Ma personnalité, mes actes peuvent changer. Il suffit de vouloir.
Un vampire ne fait pas du mal aux gens forcément pour le plaisir. Moi c’était pour me venger. Me venger des humains qui en délaissent d’autres, qui laissent mourir des membres de leur famille sans honte, sans respect. Si ça ne tenait qu’à moi aujourd’hui je ne serai plus là, mais encore une fois je n’ai pas choisi. Croyez-vous que vous auriez agi différemment de moi si votre petite sœur, la seule personne qui vous comprenait et que vous chérissiez toute votre existence mourrait à cause de vous ?

Au souvenir de Natsumi sa gorge se bloqua, il retint difficilement une larme de couler.

- Un vampire peut changer, un vampire peut aimer. Moi j’aime. J’ai trouvé quelqu’un qui m’a fait changer et ce n’est pas un autre vampire qui va me l’enlever.
Oui je l’ai abandonné délibérément, parce que Kai et Vivian m’ont montré que la vie d’un humain compte. Cet homme méritait de revoir sa fille, alors je n’ai pas hésité à sacrifier, à compter sur mon mari pour la récupérer. J’en ai payé le prix.

Il passa une de ses mains sur son grand T-shirt noir moulant et le souleva, montrant aux gens la plaie qui cicatrisait encore. Il y eut des ris de dégoût, évidemment.

- Même un vampire ne devrait pas mériter ça. Maintenant j’ai une vie, un mari, un mentor, une passion et un fils. Vous voyez là-bas ? C’est mon fils. Le mien.

Len fit coucou au bébé qui agita les bras en souriant vers lui, arrachant quelques rires.

- Pendant 300 ans j’ai détesté ma vie. Aujourd’hui je l’aime. Alors je ne demanderai qu’une chose : laissez-moi juste la vivre avec eux.

Il s’inclina et se leva pour reprendre sa place. Tout ça l’avait fatigué et il tituba, se retenant de justesse à la table et au bras de Kai qui, comme par magie, était à ses côtés. Il lui murmura :

- Je t’aime…je t’aime…

Len le laissa l’accompagner aux bancs et le prochain témoin fut appelé.

- Nous appelons Monsieur Saburi à la barre.

Comme Vivian, il ne cilla pas un instant devant Saburi, parce que son mentor respirait une confiance en lui qui le rassurait. Ce vampire était foutu. D’ailleurs la manière dont il s’emmêla les pinceaux le fit presque rire et bientôt le jury se retira, pour revenir plus tard.

Comme il l’espérait, Alessander fut banni et celui-ci commença à proférer des insultes avant de partir. On ne le reverrait plus jamais. Bien qu’il ne soit pas prêt physiquement, Len s’était préparé mentalement à ce qu’on ordonne son expulsion à lui aussi. Non pas qu’il voulait que ce soit ainsi, mais les témoignages, même le sien, tendaient vers cette solution. C’est pourquoi qu’on annonce que les charges contre lui étaient retirées qu’il fronça les sourcils. C’est tout ? Ils oubliaient comme ça ?

Ah non, il savait bien qu’ils avaient quelque chose derrière la tête, quelque chose qui ne lui plu pas.

- Avec la coopération de Mr. Aoyama j'espère pouvoir ramener plus de personnes a leur famille et neutraliser ce réseau de vente d'humain.

Le vampire n’acquiesça pas et se renferma sur lui-même alors qu’autour de lui les deux hommes étaient heureux et le montraient. Il ne remarqua même pas leur départ, pas non plus qu’il s’était assis à l’avant de la voiture, le front posé contre la vitre et les yeux dans le vague. Non pas qu’il ne souhaitait pas aider, mais démanteler ce genre de réseau était de une, impossible et de deux un suicide pur et dur. En faisant ça il aurait tous les vampires du dôme sur le dos. Il ne pouvait tout simplement pas, quelques uns oui, mais pas tous.

Une fois rentrés il attendit que Vivian ait commandé pour Kai et le tira silencieusement un peu l’écart.

- J’ai faim Vivian. Beaucoup trop faim. Ça fait des jours que je n’ai rien mangé.
- Tu viendras avec moi demain.

Len soupira et alla se coucher directement, enleva ses vêtements trop serrés et opta pour des plus larges, voire trop grands. Il entendait les deux autres faire « la fête », célébrer cette victoire que pourtant lui n’arrivait pas à ressentir. Pourquoi n’était-il tout simplement pas content pour eux ?

Il était couché sur le côté dos à la porte quand Kai entra, tard dans la nuit.

- Tu dors Len ?

Quelle question ! Un vampire ne dormait presque pas, bien que lui ait besoin chaque nuit de récupérer plus qu’un autre.

- Non.

Il le sentit monter dans le lit et comme presque chaque soir il s’écarta jusqu’à arriver à l’extrémité. Depuis qu’il s’était réveillé il n’arrivait plus à supporter aucun contact avec lui, il avait peur d’avoir mal et après avoir vu toute sa méchanceté dévoilée au tribunal, il se détestait encore plus. Mas surtout le fait qu’il n’arrivait pas à se dire qu’il pourrait aider ces humains. Il se sentait coupable d’être encore là. Les mots sortirent tous seuls alors que comme chaque soir, Kai s’était résigné à son silence.

- Je ne vaux pas mieux que lui, au fond je ne vaux pas mieux. Je ne peux pas faire ce qu’on me demande, je ne démantèlerai pas le trafic, je ne peux pas. Récupérer tous ces humains c’est…impossible. Et je n’en ai pas envie.

Il sentit très bien que la dernière phrase n’avait pas plu à Kai. Mais c’était comme ça. Il ne voulait pas passer sa vie restante à courir après des vampires. Il voulait…être comme avant. Etre normal. Mais non, il préférait cuisiner plutôt que de faire ça.
Et sa décision était tranchée.