Une belle journée, ce sera une belle journée. Elisabeth se répétait cela pour cacher son appréhension de ce qui l’attendrait à la mairie. Comme probablement tous les habitants de la ville, elle avait reçu cette lettre si mystérieuse et à la fois si aguicheuse qui les invitait à participer à une activité en l’honneur de la fête de Pâques. Une activité mystère, disait la lettre. La licorne était bien sûr hésitante à y aller, au début, mais comme cette activité semblait mettre en émois toute la ville, elle se dit que peut-être, elle pouvait y aller sans trop risquer de se sentir infantilisée. La date prévue, donc, elle se leva comme à son habitude à des heures de fous, s’habilla d’un jean, d’un t-shirt quelconque et d’une veste, et tourna en rond jusqu’à l’heure prévue de l’activité où elle se rendit à la mairie. Du peux qu’elle avait compris, les participants à cette activité étaient jumelés deux par deux, mais elle ne saurait qui est son partenaire qu’en se rendant là où l’activité devait commencer, c’est-à-dire à l’orée d’une forêt qui ne lui disait rien qui vaille.

Une fois arrivée à la mairie, on lui tendit le sac à dos que les deux joyeux lurons devraient transporter durant l’épreuve. Son contenu était plutôt décevant. Rien à manger, rien à boire, pas d’abri. Ce qui signifiait que soit l’activité ne durerait qu’une journée, ou qu’ils auraient à se débrouiller pour trouver de la nourriture afin d’éviter d’avoir la dalle pendant la journée, et devraient se bâtir eux-mêmes un endroit où dormir. Pourtant, pour Elisabeth, Pâques ne rimait pas spécialement avec survival et elle doutait que ce soit l’idée, aussi. C’était une activité récréative, non? La jeune femme regarda un peu plus au fond du sac, pour n’y trouver qu’une trousse de premiers soins et une lampe de poche. Elle déglutit. D’abord, pour elle, la trousse de premiers soins était limite inutile. Puis, pour la lampe de poche, peut-être que sa lumière naturelle aurait pu faire l’affaire. Elle y repensa à deux fois. Si elle décidait d’utiliser sa magie curative devant l’inconnu qui lui servait de partenaire et que celui-ci s’avérait ne pas être comme elle…Caaataaastroooophe. Instinctivement, la licorne serra le sac à dos contre sa poitrine et pressa le pas vers l’endroit qu’on lui avait assigné. Ne restait plus qu’à rencontrer son partenaire.

Celui-ci, bien sûr, ne tarda pas à arriver. Elle vit d’abord sa silhouette se détacher un peu plus loin puis, à mesure qu’il avançait, elle pu commencer à discerner ses traits. Elle fut rassurée un bref instant. Il s’agissait de Sunny! Le type qui travaillait dans une bonbonnière, à proximité de sa boutique de fleurs! Elisabeth fut rassurée un bref instant. Pourtant, en se remémorant le contenu du sac à dos, elle se demanda si Sunny était le coéquipier le plus approprié pour cette activité. Il avait l’air si…Délicat? Non, non, se réprimanda-t-elle. Pas de jugeote basée sur les apparences, Eli’. En effet, ce n’était pas la meilleure chose à faire, surtout si elle devait compter sur ce coéquipier pour l’aider dans sa quête pour trouver…un œuf. Oui, tout à fait. Ce ne devait pas être si terrible. Ils y arriveraien!

Alors que Sunny arrivait à sa hauteur, Elisabeth continuait ainsi d’essayer de se motiver, et lorsqu’il s’arrêta, elle lui fit un immense sourire, un peu inapproprié pour quelqu’un à qui elle avait à peine parler, ne serait-ce qu’en allant faire un tour pour s’acheter une petite collation sucrée. Elle corrigea vite le tout, puis vint à sa rencontre.

« Hey! Qui aurait cru que nous, rivaux naturels, se retrouverions jumelés ensembles là-dedans, hein? Dit-elle avec un petit rire. »

Elle marqua une pause, pinçant les lèvres, puis les relâcha avant de continuer.

« Mais, passons. Je crois que nous pouvons toujours nous côtoyer à l’extérieur de notre métier sans en faire une compétition. Je ne crois pas que tu connaisses mon nom. Elisabeth. »

Oulah, c’est qu’il en tirait, une tête, le petit coréen. Ça n’avait vraiment pas l’air de lui plaire d’être là. Génial. Elisabeth ne fit rien paraître de son agacement face à cette constatation. S’il ne voulait pas participer, pas de problème. Elle trouverait bien le moyen de s’arranger toute seule. Tant qu’il n’agissait pas comme un boulet, elle n’avait pas de problème à le traîner, mais elle sentait très bien qu’il ne faisait pas cela de gaieté de cœur. Peut-être que si elle lui montrait qu’il n’y avait pas de mauvais sang à se faire, ou alors que cette chasse aux œufs pouvait s’avérer plus intéressante qu’elle n’en avait l’air, cela lui remonterait le moral? Où alors lui changerait les idées pour au moins le temps de la chasse. Un sourire chaleureux se peint sur les lèvres de la blondinette alors qu’elle lui désignait la forêt.

« C’est donc là que nous devons aller. Prêt? »

Elle attendit qu’il lui réponde avant de passer le sac sur son épaule et de s’avancer vers l’orée du bois. Plus ils s’enfonçaient, plus ils faisaient sombre, mais les feuilles laissaient tout de même filtrer une lumière tamisée qui donnait une aura verte à toute végétation environnante. Le coin n’était pas si mal. Un peu inquiétant, mais pas si mal. La blondinette essayait de se frayer un chemin à travers les bois touffus, gardant l’œil ouvert à tout mouvement, ou plutôt à toute forme ronde pouvant avoir l’air d’un œuf. Car c’était bien ce qu’ils étaient venu chercher, un œuf. Quelle quête infantilisante tout de même. Ça avait au moins le mérite d’être plus complexe. Tout en marchant, elle jetait des coups d’œil de temps en temps derrière elle à son coéquipier.

« Tu vois quelque chose? Demanda-t-elle à un moment, pour voir s’il se donnait peine de chercher un peu. »

Elisabeth n’avait pas dit ça méchamment. Elle n’allait pas prendre en grippe un coéquipier. S’il ne souhaitait pas participer, libre à lui. Il avait ses raisons et elle n’avait pas, surtout pour une activité toute bête organisée par la mairie, à être fâchée contre Sunny. Tandis qu’elle mettait un pied devant l’autre, elle entendait le tintement de la trousse de premiers soins et de la lampe torche dans son dos. C’était un cliquetis irrégulier, mais rassurant. Ils n’étaient pas sans ressources dans ce bois touffu. Il y avait toujours un moyen de s’en sortir si les choses tournaient au vinaigre. Justement, un mouvement dans les buissons un peu plus loin attira son attention et elle s’arrêta, empêchant Sunny d’avancer plus loin. Elle se retourna et lui fit signe de ne pas faire de bruit. La silhouette quadrupède naviguait d’un buisson à l’autre, comme si elle ne les avait pas repérés, mais comme si elle ne faisait que rôder. Il s’agissait d’une bête imposante, avec deux oreilles qui se dressaient sur le dessus de son crâne. Un loup? C’était ce qui lui semblait le plus plausible. La jeune licorne fit un pas de côté pour essayer de la contourner en profitant du fait que le vent n’avait pas porté leur odeur jusqu’à elle, mais elle mit le pied sur une brindille qui craqua sur son pied. La bête leva la tête en sa direction, braquant son regard de tison sur elle. Elisabeth déglutit. Le temps de le dire, la bête s’élançait sur elle, traversant en quelques foulées la distance qui les séparait. Ce n’était pas un loup, mais un lycan! Se projetant sur le côté, la blondinette évita de justesse la mâchoire de la bestiole.

« Vite, il me faut une petite cuillère en argent! S’exclama-t-elle sans réfléchir. »