- Vas te faire fo*tre !

C’était d’une grossièreté sans nom et ça renforça l’idée qu’avait Len des Animorphs et des Lycans. De pauvres bestioles sans manières. Il le fit taire pour de bon et, le mettant sur ses épaules, se dirigea rapidement vers son appartement. Il devait se dépêcher, l’aube approchait et il ne voulait pas se retrouver à porter cet être plein de sang dans une rue bondée de vampires assoiffés. Toshio glissa plusieurs fois et le jeune homme pensa que même évanouit, il l’embêtait encore.

Le trajet fut court et sans problème, il monta quatre à quatre les escaliers de l’immeuble et arriva à son étage, le 6ème. Il aimait beaucoup la vue sur la ville, de sa baie vitrée il pouvait tout voir et se sentait supérieur à ceux qui ressemblaient à des mouches en-dessous de lui. Prenant bien soin de fermer à clé la porte consolidée et prévue pour les attaques, il laissa tomber négligemment l’Animorph sur le sol froid et blanc de son refuge. Il se dirigea vers la salle de bain où il enleva veste, T-shirt, chaussures et pantalon, puis boxer avant de prendre une douche chaude qui lui fit du bien. Mais ça ne l’empêcha pas de sentir toujours cette odeur de sang frais sur lui, qu’il n’arrivait pas à retirer. C’est pour ça qu’il n’aimait pas se battre entre autre.

Il en ressortit quelques minutes plus tard, propre et habillé d’un simple T-shirt en col V noir et d’un jean tout neuf, noir également. Il se traîna pied nu vers l’entrée où son ennemi était toujours étendu au sol inconscient. « A ton tour » pensa-t-il en soulevant habilement l’Animorph. Ce dernier avait laissé des traces rouges sur le sol immaculé qui le firent grogner. Len détestait la saleté et le désordre encore plus que les humains. Tout en faisant attention de ne pas se salir, il porta Toshio jusqu’à la salle de bain où il lui retira son haut poisseux, révélant une belle musculature et des bleus un peu partout. Sa peau vers ses côtes avait pris une teinte violette, il devait se dépêcher avant que ça n’empire où il perdrait son client.

Il l’assit au sol, le dos appuyé contre la baignoire et prenant bien soin de recouvrir le sol, il épongea méthodiquement le bras et le dos de son adversaire. Il ne s’était jamais retrouvé à faire ça en 300 ans de vie vampirique et il ne comprenait pas vraiment pourquoi il ne tuait pas simplement cet animal et qu’il en trouvait un autre beaucoup mieux et moins puissant. Ses yeux sombres s’attardèrent sur le visage paisible de Toshio, il paraissait inoffensif ainsi et il se demanda encore une fois ce qui l’empêchait réellement de le faire passer de vie à trépas. Peut-être la même chose qui faisait que lui-même était toujours en vie depuis 300 ans. Il jeta l’eau rougie et appliqua de la pommade régénérante sur les profondes blessures qui se refermèrent après quelques secondes, comme si elles n’avaient jamais vraiment existées. Cette pommade lui venait d’un trafiquant avec qui il avait dû batailler pendant des semaines avant de le faire flancher. Encore une super affaire, pensa-t-il.

Une fois propre, il porta de nouveau le jeune homme vers sa chambre vide de vie, blanche et sans une once de sentiments ou de souvenirs. De toute façon tous ses souvenirs étaient bien enfouis en lui, personne n’avait besoin de les connaître et encore moins de les voir. Len l’allongea avec une délicatesse qu’il ne se connaissait plus sur les draps noirs et gris, prenant bien soin de l’attacher aux barreaux métalliques du lit. Il pouvait se réveiller à n’importe quel moment. Le vampire se sentit un peu plus soulagé de ne plus sentir ce parfum obsédant, mais il devrait chasser demain au lieu de la semaine prochaine pour se satisfaire. Décidément cet Animorph ne lui apportait rien de bon ! Il alla chercher des bandages et passa ensuite sa main gelée sur le torse brûlant de son ennemi. Il la retira aussi vite, comme brûlé et grogna. Il entoura sa main du tissu et tâta les côtes fêlées, ce n’était pas si grave au final. Il les remit à leur place et banda toujours avec soin le corps musclé avant de lui remettre un T-shirt propre. Et en plus il lui coûtait un vêtement de marque ! Cet animal avait vraiment intérêt à lui rapporter beaucoup.

Len sortit de la chambre en sachant qu’il ne pouvait rien faire d’autre et que, quand il se réveillerait, il aurait encore plus de problème. Pourquoi il l’avait emmené ici déjà ?

Il passa deux jours dans l’appartement à surveiller l’Animorph, lui changeant son bandage et repassant de la pommade sur certaines de ses blessures pas totalement refermées. Il eut un mouvement de recul quand Toshio bougea alors qu’il effleurait sa peau blanche, et cette couleur fit remonter dans sa tête une image douloureuse. Il avait déjà vu un corps à la peau aussi fine et frêle, seulement celui-ci il ne l’avait pas sauvé à temps. Une vague de colère le saisit et il envoya tout valser dans la chambre en se prenant la tête entre les mains. Il n’avait pas le droit d’y penser, il ne pouvait pas, c’était de sa faute, uniquement de sa faute. Le vampire se reprit immédiatement et rangea le matériel, se maudissant intérieurement. Passer ses journées dans le même espace clos qu’un être au parfum si puissant maintenant qu’il y avait goûté et ce sans avoir eu le temps de satisfaire sa soif, était insupportable.

Len était dans l’immense salon vide de toute existence quand il entendit un bruit de chaîne cassée et un rugissement qui aurait fait peur à n’importe qui, sauf à lui. Il se leva tranquillement du canapé et se plaça contre un mur, les bras croisés en attendant que l’Animorph arrive. Ce qui ne tarda pas. La porte fut défoncée, n’avait-il aucune manière ?, tout comme ces décorations inutiles qui ornaient une étagère noire et le vampire pu apprécier le spectacle du léopard en fureur. Pourquoi avait-il eu besoin de déchirer ses coussins au juste ? Ils ne lui avaient rien fait à ce qu’il sache. Mais bon, c’était un primate, il ne pouvait pas non plus lui demander la lune.

- Bien dormi Robin ?

Il avait dit ça d’un ton vénéneux et s’approcha un peu plus, sans crainte apparente. Il ne pouvait plus avoir mal, il le savait. Personne ne pourrait lui faire plus mal que ce jour-là, même pas un animal en colère qui ne réfléchissait pas. En le voyant l’Animorph se jeta sur lui et il l’évita de justesse, n’échappant tout de même pas aux lacérations de ses griffes qui ne lui avaient fait que l’effet d’une piqure de moustique. Ses plaies pourtant importantes se refermèrent aussitôt et il baissa le regard vers son T-shirt lacéré au sol.

- Tu me dois déjà 2 t-shirt Yves Saint-Laurent, lâcha-t-il sans grande émotion.

L’animal ne sembla pas l’écouter et se jeta violemment sur lui. Sa tête heurta violemment le sol mais sa condition de vampire puissant l’empêcha de ressentir la douleur de l’impact. Il pouvait voir le regard noir du léopard au-dessus de lui et commença alors seulement à se défendre. Son pouvoir de régénération n’était plus assez rapide face aux coups de griffes de l’animal au-dessus de lui. Il plaça ses mains sur la fourrure de son ennemi, à la base de son cou et serra de toutes ses forces.

- Ne me force pas à te recasser quelque chose, je viens à peine de te réparer.

Une douleur lancinante cette fois le prit et il sentit un liquide couler le long de son bras. Vidant son esprit, il se mit en condition de combat. Il sentit une vague glaciale le traverser et feula face à l’animal. Ses crocs apparurent, luisants et pointus dans une tentative de lui faire peur et de le faire reculer. Le prévenir que s’il n’arrêtait pas d’essayer de le déchiqueter, il passerait en mode attaque comme tout bon vampire. Mais l’animal ne sembla pas comprendre et Len fit alors une chose qu’il n’avait pas faite depuis longtemps pour cette raison. Il attaqua, se relevant rapidement et fondit dans le cou poilu du léopard où ses crocs se refermèrent de manière naturelle. Au contact de son sang, son cerveau s’affola et il raffermit sa prise. Une once d’esprit qu’il semblait avoir perdu pendant quelques secondes l’empêcha d’aspirer le liquide chaud et délicieux qu’il sentait couler le long de sa bouche. Mais il n’arrivait pas à se détacher, il n’avait pas mangé depuis des jours et cette odeur qui l’obsédait commençait à prendre du pouvoir sur son être tout entier. Ça ne lui était jamais arrivé, c’était puissant et dévastateur.

Et il finit par le lâcher.

Son cœur s’affola, c’était tellement bon, il se sentait si bien…Le liquide qui coulait dans sa gorge était doux, sucré, un peu acide aussi mais lui donnait l’impression de revenir en arrière…il avait le goût des gâteaux que lui préparait autrefois Natsumi. Natsumi…Le vampire ouvrit grand les yeux, une main douce et chaude venait de se poser délicatement sur sa joue froide. Ce toucher…

- Len.....

Personne ne l’appelait plus Len ainsi et le jeune homme se rendit compte avec effroi de son acte. Bestial qu’il regretta automatiquement. Ce n’était pas lui, il avait dépassé ça depuis longtemps ! Il détacha rapidement ses lèvres du cou maculé de sang de Toshio qui avait repris forme humaine sans qu’il l’ait remarqué, trop obsédé par son parfum. Il le regarda avec dégoût, pas pour sa condition, mais à cause de ce qu’il lui avait fait. L’Animorph était nu devant lui, d’une grande faiblesse apparente et livide. Il lui avait pris presque toute son énergie vitale.

- Non, murmura-t-il, non je ne voulais pas…

Une rage indescriptible le prit et s’il y avait eu un pieu à sa disposition, il se le serait enfoncé lui-même dans le cœur comme il l’avait fait 300 ans auparavant. Et pour la même raison à peu de choses près. Len se recula alors qu’il voyait avec horreur le jeune homme se recroqueviller sur lui-même, cachant ses parties intimes et des pleurs d’enfants se firent entendre. Non, pas ça. Pas de larmes. Les sanglots se faisaient de plus en plus forts et lui vrillèrent les tympans, déchirant son cœur qu’il pensait mort depuis longtemps. Il pressa ses mains contre ses oreilles pour ne plus entendre et se maudit d’avoir une si bonne ouïe.

- Non, Natsumi ne pleure pas…Ne pleure pas !

Le vampire s’accroupit en face de lui, essayant de chasser ces images qui arrivaient par centaines, en accord avec les pleurs de Toshio.

- Non ! C’est de ma faute ! Pardon ! Pardon !

Len ne faisait plus la différence entre le passé et le présent, il voyait devant lui le corps frêle et blanc de sa petite sœur quand elle était malade et qu’elle pleurait dans ses bras le soir. C’était insupportable, ça lui faisait plus mal que milles griffures. Il fallait que ça cesse ! Sans réfléchir, il s’approcha de Toshio, posa sa main sur son épaule mais ça n’arrêta pas. Une voix douce sortit de sa propre bouche, une chose dont il se croyait jusque là incapable.

- Ne pleure plus, je suis là. Ne pleure plus.

Sans penser aux conséquences que son acte impliquerait, il passa ses bras autour de l’Animorph et alla le coucher sur le même lit où il avait guérit. Il le borda dans les draps comme il le faisait auparavant pour Natsumi et s’empressa de refermer la plaie qu’il avait faite dans son cou. Il était horrible, pourquoi Vivian lui avait fait ça ? Pourquoi l’avoir transformé en monstre ?
Et ce sentiment d’amour qu’il ressentait autrefois pour sa sœur reprit place dans son cœur glacé par le temps et sa condition, et il épongea le front en sueur de son ennemi. Len alla même jusqu’à caresser ses cheveux et ne prit pas la peine de l’attacher. Non, il voulait juste qu’il parte. Qu’il arrête de pleurer et qu’il le laisse tranquille.

Et dans un moment de faiblesse, le vieux vampire pencha la tête en arrière et laissa couler une larme sur sa joue. Juste une, en mémoire de cette personne qu’il aimait plus que lui et que Toshio ne lui rappelait que trop.

Une petite fille à la peau blanche et aux cheveux ébène, un grand sourire aux lèvres malgré la tristesse qui l’entourait, courait dans le champ près du palais. Il ouvrit grand les bras et elle vint se blottir contre lui, frottant sa tête contre son torse.

- Je t’aime Len, tu resteras avec moi pour toujours, ne ?
- Bien sûr Natsumi, je ne te quitterai jamais.

Le vampire laissa couler cette unique larme qu’il gardait pour elle, il l’avait laissée et ça lui avait coûté la vie.
Une main s’accrocha à la sienne et il pensa d’abord à la retirer, mais la prise était forte et il s’abandonna à cette douce chaleur qui l’envahissait. A sa grande surprise, il ne vit plus de haine dans le regard que lui lança alors Kai, quand ses yeux rencontrèrent les siens. Le vampire effaça sa marque de faiblesse d’une main et s’apprêta à partir quand une voix le retint.

- Len....Je....
- Oublie-tout, rien de tout ça ne s’est passé. Tu vas partir, et peut-être qu’un jour nos chemins se recroiseront.

Il ne sut pas s’il l’avait entendu mais ses yeux s’étaient fermés et Len se prit à sourire…avant de se reprendre tout de suite. Mais qu’est-ce qui lui arrivait ? Ce n’était qu’un calice à vendre comme un autre, un chien qui lui courait après depuis des semaines et qui avait saccagé son appartement !

Il quitta la chambre rapidement, mieux valait ne pas rester plus longtemps près de cet Animorph qui l’avait affaibli de la plus odieuse des manières…en lui faisant se rappeler sa sœur décédée. Jamais plus il ne se laisserait faire. Une fois réveillé, Toshio Kai dégagerait de son repaire et même si ça signifiait en dénouer avec ce perfide Saburi, il était prêt à prendre le risque. Il ne voulait plus avoir affaire lui dorénavant.

Il ne prit pas la peine de nettoyer le salon jonché de débris de porte et de verre, il s’en occuperait plus tard. Le vieux vampire se contenta de se laisser glisser le long du mur blanc, et un long cri de souffrance déchira le silence de l’appartement.

Il passa le reste de la journée ainsi et sortit la nuit, pas pour chasser parce que le sang de l’Animorph l’avait repu pour au moins 1 mois entier, mais parce qu’il se refusait à être là lorsqu’il se réveillerait. Malheureusement le jour suivant le soleil tapait dehors et il dut rentrer rapidement pour éviter de devenir trop faible. Il devait être parti maintenant. Len fit tourner sa clé dans la serrure de la porte et entra. Il n’y avait pas un bruit et il soupira. De soulagement ? Il s’en foutait, il allait revenir à sa vie de vampire blasé et impérieux. Et oublier tout ça. Il sentit alors une odeur qui n’était pas la sienne et se retourna, sur la défensive. Kai se trouvait devant lui, même pas changé !

- Qu’est-ce que tu fais là ? Je t’ai dit de partir hier. Va-t-en, avant que je ne regrette ma décision.

Il serra fort le verre qu’il tenait à la main, jusqu’à le briser lorsqu’il sentit sa présence toujours derrière lui. Regrettait-il ou pas au final ? Oui sa faiblesse. Le verre dans sa main se brisa et il attendit juste que ses coupures se referment toutes seules. Pourquoi il n’en profitait pas pour s’enfuir ? Il l’avait à moitié tué ! Len prit son air le plus dur et impitoyable en se retournant, essuyant sa main sur son jean.

- Dégage !

Kai le regardait avec une regard incertain qui ne fit que renforcer son envie qu’il s’en aille.

- Pa...partir ? Je n'en savais rien.
- Et bien maintenant tu sais, je ne veux plus te voir ici.

Le verre se brisa dans sa main, le vieux vampire était fatigué. Il n’avait pas pris ses quatre heures de sommeil depuis des jours et il devenait trop faible. Même si ses plaies se refermaient automatiquement, restaient gravées en lui les blessures et la douleur. Il lui intima l’ordre de partir mais l’Animorph ne bougea pas d’un pouce, le regardant comme s’il avait un minimum d’intérêt. Qu’il arrête ce numéro de compassion, c’était inutile et offensant. Alors pourquoi au fond de lui ça le rassurait un peu ? Non, jamais plus. Len eut le malheur de croiser son regard noir, et il le supplia mentalement pour qu’il ait envie de le tuer.

- Qu'est ce que tu cherches à jouer le méchant Len ? C'est pas le pouvoir, je connais des vampires très gentils qui ont une grande influence dans cette ville, alors c'est quoi ? Tu veux que tout le monde te déteste à jamais ? La solitude, elle va surement finir par te laisser au bout d'un moment.

Que savait-il de lui ? Comment pouvait-il se permettre de le juger ? Lui-même n’était-il pas un solitaire ?

- Tu ne sais rien Kai, et tu ne sauras jamais. Tu n’es qu’un vulgaire animal assoiffé d’une justice qui n’existe pas, toi et moi le savons. Pourquoi me juger ? On me déteste et alors ? J’en sauve plus d’un ainsi. Cette solitude dont tu parles, n’en es-tu pas toi-même la victime ? Moi je l’ai choisi, et ça me convient. Maintenant pars. Garde en mémoire que je suis ton ennemi.

Il déglutit lorsqu’il le vit s’approcher, à demi-nu, et lui transmis toute sa haine par son regard. Son odeur devenait de plus en plus forte, c’était insoutenable alors qu’il avait ingurgité une grande part de lui. Etait-ce ça qui l’empêchait de le réduire à néant maintenant ? Ce magnifique sang qui coulait dans ses veines. Len pensa alors qu’il pourrait en faire son calice, s’il le voulait vraiment. Pourquoi s’embêter à le donner à quelqu’un d’autre s’il pouvait en profiter lui-même ?
Le visage de Kai se retrouva à quelques millimètres du sien et il lu de la détermination dans ses yeux.

- Pourquoi est ce que tu t'es excusé auprès de moi ?

Le vampire avait espéré qu’il ne s’en souvienne pas. Mais ce n’était pas le cas. Il aurait voulu le gifler pour cet air compatissant qu’il arborait.

- Je ne me suis jamais excusé auprès de toi. Tu dois confondre.

Et, en même temps que son ennemi, son regard se baissa vers le corps dévoilé de Kai.

- De toute façon, je ne peux pas sortir tout nu.

Oui il était vulnérable et, par sadisme, il agrippa le tissu et l’arracha des hanches du jeune homme.

- Il n’y a rien que je n’ai pas vu, les animaux n’ont aucune pudeur, c’est bien connu.

Il le toisa méchamment, attendant sa réponse. Et puis il se dit que plus vite il serait habillé, plus vite il partirait et donc le laisserait tranquille.

- Ce sont les derniers vêtements que je te donne.

Il empoigna l’homme nu comme un ver, serrant son poignet et le tira jusqu’à sa buanderie d’où il sortit pantalon, T-shirt, chaussettes et boxer, qu’il lui balança au visage.

- Et disparait. Parce que la prochaine fois que je te croise sur mon chemin, il n’y aura plus d’excuse. J’aspirerais tout ton sang jusqu’à la dernière goutte, même si c’est interdit. Je me fiche des autres, tu apprendras que les êtres vivants sont doués pour l’indifférence.

Il le laissa sur place pour retourner dans sa chambre.

La justice n’existe pas, ce dont il parlait, c’était juste un moyen que se trouvaient les humains pour se sentir meilleur après une journée de débauche. Pas de justice, sinon pourquoi des parents laisseraient périr leur enfant ?

Il ignora la larme qui coulait sur le visage de Kai et se contenta de lui donner ses vêtements. Alors qu’il sortait de la pièce, une question le retint. Il avait souhaité par-dessus tout qu’il ne la pose pas, une des raisons de son envie qu’il parte de chez lui. Cet homme était beaucoup trop curieux à son goût.

- Qui c'est, Natsumi ?
- N’ose…même pas…prononcer ce prénom, feula-t-il en direction de l’Animorph beaucoup trop près de lui à présent. Tu n’as pas le droit de le dire, je te l’interdis !

La colère l’emporta sur la raison, pourquoi lui dirait-il ça ? Il était prêt à lui arracher la langue pour le faire taire et surtout fuir. Len en avait plus que marre de toute cette pression. En quoi ça importait à Kai ce qu’il avait dit la veille dans sa douleur ? Il entendit alors son murmure, et une proposition qui lui saisit les entrailles, réveillant sa soif.

- Si tu veux bien répondre à mes questions.... Alors je t'offrirais de mon sang.
- Qui a dit que j’en avais besoin ? Tu prêches la justice et tu hurles ton horreur pour mes actes mais tu n’es pas mieux. Tu te vends toi-même pour une chose qui n’a pas d’importance. Es-tu seulement conscient de ce que tu dis ?

L’homme devant lui ne vacilla pas, il semblait sûr de lui et ça le déstabilisa. Qu’est-ce que Kai avait à gagner à se laisser mordre par lui quand il en avait envie ? Parce qu’il pouvait très bien lui mentir en répondant à ses « questions ». Et lui seul serait alors le bénéficiaire. Le goût enivrant de son sang remonta dans sa gorge et il tituba peut-être pour la première fois depuis 200 ans. Il avait faim, il était en manque. Et son calice d’origine n’était pas là pour l’abreuver. De toute façon il l’aurait trouvé fade, ce banal sang d’humain. La proposition résonnait dans sa tête, il ne devait pas accepter, il le savait. Pourtant quand il se rendit compte qu’il en était réduit à se mordiller lui-même pour se contrôler, il décida qu’il en avait besoin. Et il pourrait mentir. Après tout il ne lui avait pas demandé la vérité, juste de répondre non ?

- J’accepte, murmura-t-il sans le regarder. Mais tu es sous mes ordres maintenant, que ça te plaise ou non. Et interdiction de partir d’ici sans mon accord et de se changer en une quelconque bestiole. Fais ça et je m’arrangerais pour que Saburi t’ai dans son lit dans la minute qui suit.

Il n’avait aucune idée de si la menace avait marché ou pas mais il le saurait tôt ou tard. Redevenant le vampire froid et sans sentiment qu’il était, il le regarda impérieusement se rhabiller devant lui, les bras croisés sur sa poitrine. Quand il eut fini, bizarre que ses vêtements lui aillent aussi bien, il montra du doigt le verre et le bois qui jonchaient le sol.

- Nettoie, tu as mis le bordel c’est à toi de réparer. Il faut savoir assumer ses actes. Encore heureux que je ne te fasse pas payer les bibelots.

Sa voix était autoritaire et sans appel, et sans regarder s’il avait suivi ses ordres il alla s’assoir sur le canapé donc les coussins étaient décimés et passa ses mains dans ses cheveux tout en croisant ses longues jambes.

N’ose…même pas…prononcer ce prénom, feula-t-il en direction de l’Animorph beaucoup trop près de lui à présent. Tu n’as pas le droit de le dire, je te l’interdis !

Il savait qu'il avait déjà une partie de sa réponse. Natsumi était apparemment la clé de tout cela, pourtant, la conjecture dans son esprit était totalement impossible. Qu'est ce qu'il l'avait rendu si....Humain ? Qui était elle ?
Ce n'était pas quelqu'un qu'il détestait, plutôt quelqu'un qu'il aimait d'une telle facon qu'il souffrait horriblement en y pensant.
Alors, il lui fit sa proposition, qu'il regretta immédiatement après l'avoir prononcé.

Qui a dit que j’en avais besoin ? Tu prêches la justice et tu hurles ton horreur pour mes actes mais tu n’es pas mieux. Tu te vends toi-même pour une chose qui n’a pas d’importance. Es-tu seulement conscient de ce que tu dis ?

Ok, ca ne lui plu pas du tout d'etre comparé à cette sangsue. Mais que pouvait il y faire ? Cette proposition était risquée. Il allait devoir etre à la merci de ce buveur de sang pendant des semaines. Après quoi il pourrait s'enfuir. Il n'était pas question qu'il reste avec lui jusqu'à ce qu'il le tue un soir sous le coup de la colère.
Il le vit vaciller, et le jeune homme sut qu'il avait réussi sa mission. Alors il en rajouta encore une couche.

-Je ne penses pas me vendre, vu que je ne vais rien en tirer d'autre que des réponses à mes questions. Je sais que tu ne vas meme pas me répondre la vérité. Mais je finirais bien par comprendre tu sais. Je suis peut etre un animal, mais je suis pas bête.

C'est vrai, il avait un incroyable sens pratique. La preuve, il venait de lui offrir sa vie sur un plateau. Il y avait aussi un but un peu moins avouable dans le procédé. Si jamais il arrivait à faire ressortir chez lui la personne qui l'avait rassuré la veille, alors il aurait réussi ce qu'il cherchait à faire au début, à savoir l'empecher d'asservir des humains.

J’accepte, murmura-t-il sans le regarder. Mais tu es sous mes ordres maintenant, que ça te plaise ou non. Et interdiction de partir d’ici sans mon accord et de se changer en une quelconque bestiole. Fais ça et je m’arrangerais pour que Saburi t’ai dans son lit dans la minute qui suit.

Le jeune homme lui fit un regard qui voulait dire qu'il aurait bien du mal à le transformer en petit toutou. Mais il pouvait survivre, plutôt mourir que d'aller chez ce Saburi.

-Je serais jamais sous tes ordres, je suis pas un de tes larbins. Tant que ca s'arrete la, je veux bien accepter la condition.

C'était clair et catégorique, il ne tuerait pas, il ne se mélerait pas à son petit trafic, jamais.

Nettoie, tu as mis le bordel c’est à toi de réparer. Il faut savoir assumer ses actes. Encore heureux que je ne te fasse pas payer les bibelots.

Le jeune homme grimaca en sa direction mais s'éxécuta, car il l'aurait fait dans n'importe quelle maison.
Il enfila un caleçon, tout de même, et s'efforca de tout ramasser sans se couper, bien qu'il ne put éviter quelques infimes coupures sur les paumes. Une fois le tout ramassé, sans un mot, il alla se laver. Il se sentait poisseux.
Et quand il sortit de la salle de bain, une bonne odeur se glissa dans l'air. Passant devant le
vampire en l'ignorant, il alla se coller dans un coin de la pièce.
C'est alors que son ventre se mit à gargouiller.

Manger. Il devait manger, appeler son calice et manger. Jamais il ne se soumettrait à l’Animorph, il n’était pas qu’une sangsue à la recherche de sang. Len tentait de se convaincre qu’il n’avait pas besoin de lui, ce que pourtant son corps entier lui répétait inlassablement le contraire. Il est là, juste à côté de toi, à ta merci alors pourquoi ne pas s’en servir ? Jamais, il s’était battu pour être différent, il n’était pas un monstre, juste une personne qui n’avait pas eu de chance.

- Je serais jamais sous tes ordres, je suis pas un de tes larbins. Tant que ca s'arrête la, je veux bien accepter la condition.

Le vampire ricana, on verra bien. Parce que ce que Kai ne savait pas, c’est que comme n’importe quel calice il pouvait devenir accro à ses morsures et par la même occasion, lui obéir au doigt et à l’œil. Il suffisait juste de le mordre assez régulièrement pour qu’il ne puisse plus s’en passer. Et puis de toute façon hors de question qu’il vienne lors de ses affaires, ce ne serait qu’un poids supplémentaire. Le jeune homme ramassa tout par terre, et Len crut vomir quand il sentit une nouvelle fois cette odeur imbiber la pièce.

- Tu ne peux pas arrêter de te blesser tout le temps ? râla-t-il malgré lui.

Normalement il s’en foutait de sentir du sang mais là c’était insupportable. Heureusement, il sortit de la salle de bain un peu plus tard, propre et dénué de son parfum et le vampire put se détendre un peu. En fait il ne s’était pas rendu compte qu’il était si tendu que lorsqu’il sentit sa mâchoire se desserrer. Un bruit de gargouillement se fit entendre alors qu’il pensait à son prochain échange de calice. Le vampire fit semblant de ne pas avoir entendu mais le son recommença. Il se tourna alors vers lui avec un air énervé et peu compatissant.

- J’avais oublié que les bestioles mangeaient tout le temps.

Il se leva gracieusement du canapé et se dirigea vers la cuisine, où il sortit un plat du frigo contenant une préparation qu’il avait fait lui-même pour son calice. Il rajouta 2-3 ingrédients, le mit au four et sortit sans émotions couverts, assiette et verre propres, qu’il posa délicatement sur la toute petite table. Sans regarder l’Animorph, il fit chauffer de l’eau, cuire des spaghettis comme il savait si bien le faire et quand tout fut prêt, il posa une portion des pâtes sur l’assiette, y ajouta la viande en sauce et une bouteille de bière fraîche, tout ça de manière à ce que le résultat soit beau à l’œil et parfait pour lui. Et ça l’était.

- Mange.

Len sortit de la cuisine et se dirigea vers sa chambre qu’il rangea, changea de draps et installa le lit qu’il réservait parfois à son calice du moment. Petit mais confortable, même si le vampire était à la tête d’un trafic de ces humains, il n’en restait pas moins qu’il ne les maltraitait pas quand il lui servait, même s’il s’en foutait complètement d’eux.

Il finit par sortir son portable et composa un numéro rapidement.

- Dans quelques minutes chez toi, soit sûr d’y être ou je t’abandonnerais.

Cette menace marchait parfaitement avec les calices en admiration devant lui. Il savait qu’il le retrouvait dans l’entrée de son appartement, l’attendant patiemment comme un toutou.

- Je vais manger, fit-il à Kai qu’il ne regarda même pas, enfilant son manteau.

Par chance, il faisait gris dehors.

Len faisait tout pour ne pas le croiser. En 2 semaines il avait plus mangé qu’en 4 mois ! Son système alimentaire était complètement bouleversé, et c’était la faute à la bestiole. Depuis qu’il l’avait goûté, tout lui paraissait fade et rance. Et le fait de manger ne le rassasiait plus du tout, au contraire plus les jours défilaient, et plus il s’affaiblissait. Son état ressemblait presque à celui qu’il avait lors de sa transformation par Vivian quand il refusait de se nourrir. La situation devenait urgente, il ne pouvait plus faire affaire si ses clients le voyaient aussi affaiblit.

Le vampire avait déjà surpris une fois Kai en train de danser, et ça l’avait retourné. De si gracieux mouvements qui sortaient d’un corps aussi musclé et animal était…attrayant. Fascinant.
Il rentra une nuit, tard le matin vers les 2 heures sachant que l’Animorph dormait sûrement. A peine passé la porte, il s’effondra au sol, comme vidé d’énergie. Sa main tremblait, il devait y remédier. Il n’aurait qu’à lui mentir, ça ne lui coûtait rien après tout.

Le vampire entra dans la chambre à peine éclairée par la lumière de la ville qui filtrait à travers les volets et observa le jeune homme se retourner dans son lit. Même endormi il dégageait une odeur enivrante. Il fallait qu’il le fasse.

- Tu es là....murmura t'il en apercevant Len dans l'encadrement de la porte, avec un regard qui ne lui disait rien qui vaille.

Il ne répondit pas et s’approcha lentement du lit, sans un bruit, puis monta dessus jusqu’à se retrouver au-dessus de son ennemi.

- J’ai besoin de toi Kai…maintenant.

Il se maudit pour le ton faible qu’il avait employé et empoigna le jeune homme par les épaules pour le faire s’assoir devant lui. Les draps qui s’enlevèrent dévoilèrent le torse musclé et nu de l’Animorph alors que Len se mettait à genoux entre ses jambes, une de chaque côté des siennes. Ses mains descendirent dans le dos de son compagnon pour le tenir alors que sa tête effleurait son cou blanc et tendre. Le vampire le huma, il sentait si bon ! Lâchant une de ses mains, il la porta vers sa veine saillante qu’il effleura du doigt et bientôt ses lèvres firent de même. Il chercha le bon endroit et sentit bientôt sa veine palpiter contre ses lèvres. Il sortit alors ses dents acérées et lentement, les enfonça dans la peau fragile et douce de Kai.

Une sensation de volupté le prit aussitôt que le sang s’infiltra dans sa bouche, puis dans sa gorge et il se sentit automatiquement beaucoup mieux. Comme un antidote. Il gémit de plaisir en collant un peu plus son corps à celui du jeune homme, sa main droite se perdit dans les cheveux de l’Animorph, le forçant à pencher la tête en arrière tandis que l’autre caressait son dos. Et maintenant il n’arrivait plus à le lâcher. Son corps glissa sur le sien alors qu’ils s’allongeaient l’un sur l’autre, Len à califourchon. Il se perdit longtemps contre la peau de Kai et quand il se sentit vraiment rassasié, il enleva ses crocs. Pendant que ses mains le touchaient, il lécha les deux petites plaies qu’il avait faites dans son cou, puis déposa de doux baisers dessus et se surprit à murmurer une chose qu’il n’avait dite à personne depuis des lustres.

- Merci.

Len se releva et quitta le lit pour aller prendre l’air quand il se souvint de sa promesse. Il était un homme de parole après tout. Mais alors que son cerveau se préparait à mentir pendant qu’il tournait la tête, son être tout entier fit le contraire.

- Aoyama Natsumi.

L'animorphe manqua de se lever pour lui demander ce qu'il n'allait pas, mais le vampire se pencha rapidement au dessus de lui, le laissant bouche bée, et un peu effrayé.

J’ai besoin de toi Kai…maintenant.

Le jeune homme se raidit. Pas vraiment parce qu'il venait de comprendre pourquoi est ce qu'il était ici, mais parce qu'il l'avait appelé la première fois par son prénom. Il devait réellement etre mal, et il lui avait promis de lui donner de son sang. Il n'avait plus qu'a espérer très fort qu'il ne le tue pas par accés de gourmandise.
Il s'attendit à ce que le jeune homme face comme la dernière fois, avec violence seulement, c'était tout à fait différent.
Il le comprit quand il fit s'asseoir avec douceur.

-Len...

C'était un peu d'anxiété qui restait qui venait de s'exprimer, mais le jeune homme fut doué pour le faire totalement disparaître, quand il sentit ses lèvres se promener sur la grosse veine qui saillait dans son cou. Le cœur battant, il attendait le moment fatidique, s'attendant à une douleur insupportable comme la première fois. Seulement cette fois ci, ses dents percèrent sa peau avec une facilité déconcertante, et au début, le jeune homme s'aggripa à son épaule, il se détendit très vite alors qu'un léger gémissement s'échappait de ses lèvres, faisant écho à celui de son « ennemi »

Il n'eut pas besoin de lui tirer les cheveux pour avoir un meilleur accés à son cou, parce que sa tete suivit naturellement le mouvement. Il fut soulagé quand le vampire l'allongea, car il commençait imperceptiblement à faiblir. Le plaisir était encore entrain de le bouleverser, mais cette fois ci, il ne lutta pas contre.

-Len...

Ses yeux se fermèrent imperceptiblement et sa main exerça une nouvelle pression sur son épaule. Il comprenait à présent pourquoi les calices étaient si accrocs à leur maître. Mais c'était comme....Unique, quelque chose les reliaient. Enfin, le vampire le relâcha, et l'animorphe lacha une plainte, comme si...Il ne supportait pas de le voir s'éloigner de lui. La douleur dans son cou s'échappa rapidement.
Ses yeux n'aspiraient qu'a se fermer, pourtant sa main trouva le chemin pour effleurer doucement les boucles noires du vampire.

Merci.

Avait il correctement entendu ? L'avait il réellement remercié ? Alors il ne se trompait pas, il y avait encore une once de bonté en lui. Il sourit et posa ses lèvres sur les siennes, juste une toute petite seconde, et il sentit le goût métallique du sang. Puis il le laissa s'éloigner, et juste avant qu'il ne s'endorme, il l'entendit dire :

-Aoyama Natsumi.

….....................................................

Il se réveilla tard le lendemain, avec la ferme attention de faire des recherches sur cette Aoyama Natsumi. Sa femme ? Sa mère ? Sa sœur ? Mais pourquoi l'avoir appelé comme cela lui ? Il ne comprenait toujours pas. Il était encore très faible et avait des crampes sur tout le corps quand il sortit de la douche et marcha jusqu'au salon. Personne. Il ne devait certainement pas etre rentré. Du moins, c'est ce qu'il crut, quand il entendit une respiration derrière lui.

-Len, c'est toi ??

-Désolé de te décevoir mais non.

Un grognement s'échappa de sa gorge et il fit volte face, découvrant Saburi, qui l'observait avec un œil amusé. Il tenta de se transformer, mais Saburi s'était déjà jeté sur lui quand il releva les yeux.

Il avait encore le goût de sa peau et de son sang sur ses lèvres, mais ce qui le perturba fut le léger baiser qu’il reçu de la part de Kai. Il ne s’y était pas attendu, à ce sourire et cette marque de tendresse alors qu’il venait de lui retirer une grande part de son énergie. Il sortit en entendant toujours dans sa tête sa voix et ses gémissements. Il n’en retirait aucune fierté mais de la peur. L’Animorph semblait avoir apprécié, ce qui voulait dire que s’il recommençait il s’attacherait à lui. Et Kai était un être beaucoup trop intelligent pour rester auprès de lui, il la lui rappelait tellement !

Le vampire sortit dehors, dans la nuit noire en tentant d’oublier toutes ces sensations qu’il avait ressenti en à peine quelques minutes. Ça lui rappelait ses nuits avec Vivian sur les champs de bataille. Rhâ pourquoi le jeune homme lui faisait se souvenir de son passé d’humain ?

Il attendit que l’aube se lève, accroupit près d’un étang à carpes puis rentra chez lui. Len se raidit automatiquement quand il arriva vers l’immeuble, il sentait quelque chose d’anormal, une odeur de vieux et de transpiration. Qui se renforça quand il monta à toute vitesse les étages et il prit peur, pas pour lui, mais pour l’homme à l’intérieur quand il vit la porte entrouverte. Il fermait toujours ses portes. Il se précipita à l’intérieur et lâcha un grognement d’horreur et de colère lorsqu’il vit la scène devant lui, dans son propre salon. Le vieux vampire de Saburi maltraitait sexuellement Kai, dont le visage pâle, inerte et les morsures sur lui indiquaient qu’on l’avait attaqué, et vidé du peu de sang qui lui restait. La première chose que Len ressentit fut la culpabilité, s’il ne s’était pas abreuvé cette nuit-là l’Animorph aurait pu se défendre. Seulement il l’avait vidé de ses forces. Puis vint la rage, si puissante qu’il se jeta sur l’autre vampire qu’il envoya valdinguer contre le mur, qui se fissura.

Len se plaça en position de défense devant le jeune homme qui ne bougeait plus, du sang coulait des morsures qui ravageaient sa peau.

- Kai ! fit-il en le secouant. KAI !
- Je suis juste venue récupérer ma marchandise Aoyama, ricana Saburi.

La colère, l’envie de meurtre et sa nature de vampire prirent le dessus et il se jeta sur son ennemi, commençant à le mordre et à le lacérer sur tout le corps. S’ensuivit une bataille sanglante pendant laquelle ni l’un ni l’autre ne voulait lâcher ou perdre. Len était aveuglé par la rage et un sentiment encore plus indescriptible : une autre personne sans défense allait encore mourir par sa faute. Personne ne toucherait à Kai tant qu’il serait vivant. C’est dans cette pensée qu’il arracha violemment une partie de peau du vampire alors que lui-même se faisait casser le bras. Il sentit les os de son torse craquer sous le poids de Saburi, il faisait au moins 150 kilos de plus que lui ! Ca ne l’empêcha pas de continuer à se battre pour l’être sans vie derrière lui.

Len allait lui arracher la tête lorsque le vieux vampire le poussa contre le mur, sa tête se heurtant contre une pointe dure qui lui brouilla l’esprit et l’empêcha de bouger. Il eut à peine le temps de voir l’autre s’enfuir.
Il se releva avec peine et se traîna vers le corps allongé de Kai, qu’il recouvrit avec ses vêtements sanglants. Et pour la première fois il ne sut pas quoi faire.

- Kai…Pardon c’est de ma faute. Je t’en prie réveille-toi ! Tu es vivant je le sais ! Tu ne peux pas mourir ! Je te vengerais, je le promets !

- Kai… ?

Il le vit ouvrir les yeux avec soulagement mais s’inquiéta aussitôt quand il gémit de douleur sous lui. Len ne voyait même pas le sang qui coulait sur son propre visage, seul lui importait l’état de l’Animorph à présent. Il tenta de le rattraper quand il tomba sur le sol, lâchant une nouvelle fois un cri de douleur mais se rendit compte que ses propres bras ne lui répondaient plus.

- Tu es blessé !

Cette évidence réveilla la douleur qu’il avait réussi à ignorer et le vampire sentit sa capacité de régénération agir sur son corps. Il poussa alors un rugissement qui fit trembler les murs au fur et à mesure que ses os se replaçaient un à un, que son crâne se refermait, le rendant totalement sourd à l’instant. Il n’avait plus aucune force lorsque Kai le coucha au sol et ses bras puissants se refermèrent sur lui, réchauffant son corps gelé. Et par-dessus la douleur, le parfum de son compagnon perça. Il sentait sa tête dans son cou et hurla. Puis lâcha une larme. Son corps fut pris de convulsion, comme lors de la transformation et il sentit chaque partie de son corps bouger en lui. Ça faisait mal. Pourtant il ne regrettait en rien son choix. Len aurait pu laisser l’Animorph à Saburi comme prévu, mais depuis qu’il l’avait mordu, depuis cette nuit quelque chose le forçait à le protéger.

Une goutte d’eau tomba sur son visage et il ouvrit difficilement les yeux pour voir Kai le regarder avec un air meurtri et sérieux.

- Mords-moi...
- Jamais, fit-il avec dégoût. Tu as déjà assez souffert. Va-t-en ! Cache-toi ! E…il cria de douleur à nouveau. Ne meurs pas pour moi, je ne le vaux pas…

Ses yeux se voilèrent sous la morphine que produisait son corps. Dans sa tête le visage de Kai se perdit avec celui de sa sœur. Une main s’agrippa à lui et la voix du jeune homme se fit autoritaire.

- Fais-le.

Len secoua la tête négativement et la régénération sembla s’arrêter. Quoi ? Mais ce n’était pas terminé ! Il comprit alors ce qui n’allait pas. Du sang, il n’en avait plus assez lui-même pour se soigner. Il vit alors la peau blanche de Kai et, tremblant, il y planta ses dents.

- Pardonne-moi.

Le reste ne fut qu’un feu d’artifice devant ses yeux, le sang lui permit de ressouder ses côtes et son corps se tendit comme un arc lorsque le dernier os se remit à sa place. Il sentait toujours son sang mélangé à celui de Saburi sur sa peau mais il s’en foutait. Il y avait beaucoup plus important.

Len se releva avec précaution, il n’était pas totalement guéri mais assez pour s’occuper du corps meurtri de Kai. Il espéra ne pas l’avoir tué. Le vampire le prit dans ses bras et l’emmena dans la salle de bain où il le coucha dans la baignoire qui se teignait déjà de rouge. Il caressa le visage de l’Animorph, un air réellement soucieux sur le visage et comme la première fois, il nettoya minutieusement chacune des nombreuses plaies profondes.
Ça lui prit longtemps, il ne voulait rien oublier. Il passa outre sa nudité pour le laver complètement et appliqua la pommade régénérante sur la totalité de son corps. Il prit des huiles essentielles sur le lavabo et s’en enduisit les mains avant de masser le bas-ventre de Kai, espérant effacer le mal qui devait le torturer à l’intérieur. De colère il lâcha une larme qui s’écrasa sur le carrelage blanc et froid. C’était de sa faute.

Il le porta en titubant jusqu’à son immense lit où il le coucha, avant de s’affaler au sol, épuisé.

Len avait presque totalement recouvert ses forces, malgré les quelques courbatures et sa tête qui le lançait. Il s’était réveillé sur le sol froid et dur de la chambre à coucher, Kai dormait profondément sur le lit, même si de grosses larmes coulaient sur ses joues. Il l’entendit plusieurs fois l’appeler, un cauchemar peut-être ? Le vampire sentit toute sa hargne revenir en voyant son corps détruit par ce…ce…Il allait le tuer. Il ne laisserait jamais Saburi s’en sortir vivant, il s’en fit la promesse. L’Animorph ne lui appartenait pas, les négociations s’étaient arrêtées avant l’échange donc techniquement, Kai lui appartenait entièrement. Et on ne touchait pas à ce qui lui appartenait.

Se rendant compte qu’il était toujours couvert de sang, il enleva ses vêtements, les jeta et pris une douche brûlante qui raviva sa colère. Les taches de sang étaient toujours présentes sur la baignoire et il les effaça. Quand le jeune homme se réveillerait il ne devait surtout pas voir cette horreur qui lui rappellerait les évènements de la veille. Même si l’Animorph faisait le dur et le justicier, il s’était rendu compte qu’il pouvait être sensible. Comme elle…

Len la chassa de ses pensées, il devait être prêt mentalement pour affronter de nouveau Saburi. Cette fois il ne le laisserait pas s’en sortir, foi de vampire ! Il verrouilla chaque porte et fenêtre, les consolida et sortit en fermant la porte à clé, qu’il glissa habilement dessous au cas où à l’intérieur de l’appartement. On ne devait pas les trouver sur lui. Il les entendit cogner contre quelque chose et se retourna vers les escaliers qu’il descendit en quatrième vitesse. La vengeance était la seule chose présente dans son esprit, on ne l’attaquait pas ainsi en pensant s’en sortir facilement après ! Len banda ses muscles et couru sous la pluie battante, ne se souciant pas des gouttes qui lui obstruait la vue. Il marchait par instinct, colère et odorat. Parce qu’il sentait l’odeur poisseuse de cet enfoiré à des kilomètres à la ronde.

Il écuma chaque bar, magasins et ruelles où il sentait sa présence. A chacune de ses connaissances il demanda à ce qu’on le prévienne immédiatement si Saburi apparaissait quelque part. Et grâce à lui, des informateurs il n’en manquait pas. En fait dans presque toutes les rues et établissements publics, il connaissait quelqu’un qui lui était loyal comme un chien à son maître. Il fit presque toute la ville ainsi, se demandant où le vieux vampire avait pu aller ainsi, blessé. Parce que lui non plus ne l’avait pas épargné même si ça n’avait pas été satisfaisant selon lui.

Passa de bonnes heures, pendant lesquelles sa fureur redoubla devant son incapacité à trouver son ex-client et ennemi. Il refit un tour vers la maison de Saburi, y entra une nouvelle fois de force et maltraita sur son passage ses serviteurs qui n’avaient aucune idée d’où il était. Dans sa rage, Len détruit toute la maison du sol au plafond, ne se souciant guère des blessures qui se refermaient automatiquement ou du désordre qu’il commençait à mettre dans la ville. Il DEVAIT le retrouver. Pour se rattraper de toutes ses erreurs.
Alors qu’il courait une nouvelle fois dans les ruelles sombres, il sentit une présence derrière lui, on le suivait ! Il accéléra, se cacha contre un mur à un coin de rue et quand son poursuivant passa devant lui il lui sauta dessus, toutes griffes et dents dehors.

Il s’arrêta juste à temps pour voir les yeux sombres du léopard qu’il reconnut.