Len avait apprécié ces quelques mois en compagnie de Kai comme les humains appréciaient l’eau quand ils mourraient de soif. C’était bon et revigorant.

Ils avaient déménagés, le vampire avait réussi à trouver pour pas cher grâce à ses contacts, un appartement encore plus grand que le sien avec une salle où l’Animorph pourrait danser à sa guise. Et bien sûr il y avait une magnifique cuisine très moderne dont il était fier.

Ce jour-là, il ne faisait rien de spécial. Un nouveau livre était sorti et il l’avait acheté la veille pour le lire en cette journée de grand soleil. Les rideaux opaques bien fermés pour lui éviter les rayons blessants, il lisait tranquillement sur le canapé du salon, oubliant pendant un instant ce qui l’entourait. Il vit passer un moment Boule tout près de lui. Le chaton lui avait léché la main et était reparti aussi vite, laissant un demi-sourire sur le visage du jeune homme. Ça avançait, tranquillement mais ça avançait.

Peu de temps après il sentit l’odeur et donc la présence de Kai derrière la porte et s’étonna pendant un temps qu’il ne rentre pas. Il devait encore avoir perdu ses clés et les cherchaient désespérément dans ses affaires ! Vu que ce n’était pas la première fois, il ne fit rien et se replongea dans son livre qu’il avait d’ailleurs presque fini ! Depuis qu’il ne vendait plus de calices aux « méchants » comme les appelaient l’Animorph, Len s’ennuyait à mourir seul la journée, et en plus il ne pouvait pas sortir quand il y avait du soleil.

Il entendit enfin le léopard rentrer mais moins sûrement que d’habitude. Il ne releva pas la tête tout de suite. Toujours son manteau sur le dos, son petit-ami vint s’assoir près de lui et posa sa tête sur ses genoux, un air grave et inquiet sur le visage. En le croisant au détour d’une page le vampire s’arrêta immédiatement de lire et s’affola. Il détestait particulièrement quand il affichait ce genre d’air. Ça n’annonçait rien de bon en général. La dernière fois qu’il l’avait vu il avait inondé toute la salle de bain en glissant, voulant se rattraper sur le lavabo qu’il avait complètement détruit. Pourtant le ton qu’il prit était cette fois-ci beaucoup plus grave.

- Je...j'ai quelque chose à t'annoncer. Mais je suis pas très sur que ca va te plaire...

Len posa son livre en fronçant les sourcils. Quelque chose à lui annoncer ?

- Qu’est-ce qu’il y a ? C’est par rapport à la danse ? Il te faut quelque chose ? Tu as des ennuis ?

Il le vit se mordre la lèvre inférieure puis murmurer un « non rien » éloquent.

- Bon maintenant que tu as commencé tu me dis…

Un miaulement l’arrêta dans ses paroles et il vit Boule gratter à la porte. Quelqu’un se trouvait derrière et il se précipita vers la porte en entendant toquer. « Oh non pas celle-là » pensa-t-il en voyant la voisine sur le palier. Un vrai pot de colle qui passait son temps à les draguer tous les deux !

- Vous désirez ?
- J’ai vu passer Kai-chou tout à l’heure…
- Kai, pas Kai-chou, s’énerva le vampire.
- Oui et il a oublié tout ça dans le hall, je pensais que ce serait bien de lui ramener. Je peux entrer ?

Len regarda les objets qu’elle tenait dans les mains, un landau, des vêtements minuscules, des peluches…Il y avait erreur.

- Ce n’est pas à nous vous vous trompez, fit-il en l’empêchant de rentrer.

Mais une voix derrière lui affirma le contraire.

- Non, c'est pour moi.

Len regarda avec horreur son petit-ami prendre les sacs en se rendant compte que ce n’était pas une blague. Il aurait voulu dire « Depuis quand tu mets des couches Kai ? » mais les mots ne sortaient pas de sa bouche. Qu’est-ce que tout ça faisait dans les bras de l’Animorph et surtout, dans LEUR appartement ? A son grand soulagement la voisine partit plus rapidement que d’habitude et tant mieux parce que le vampire voulait des explications à tout ça et il comptait mettre tous les moyens en œuvre pour les avoir. Fronçant les sourcils, il le vit poser les sacs sr la table, comme si c’était normal. Comme si c’était des courses banales…mais non, c’était des biberons, des petits vêtements, des jouets grotesques…

- Tu expliques ?
- Avant de sauter aux conclusions et t'énerver, laisse moi te raconter....

Alors c’était comme ça qu’il le voyait ? Il « sautait aux conclusions » ? Néanmoins, réprimant sa colère grandissante, il l’écouta attentivement parce qu’il l’aimait assez pour lui laisser ce privilège.

- Je viens d'apprendre que j'avais un demi-frère...Il...Il est décédé dans un accident à Kyoto. Avec se femme. Un accident tragique...Il avait un fils. Et lui connaissait mon existence. J'étais sa seule famille vivante, et dans son testament, il m'a désigné comme tuteur légal de Kyohei si il venait à mourir.
Ils m'ont posé la question à la mairie, si je voulais remplir les papiers d'adoption ou non et....

Et Len devina la réponse, qui fit remonter à la surface toute sa haine et sa colère. Kai le regardait avec tellement d’assurance qu’il en fut troublé. Il se mesurait à lui, il essayait de lui poser ses conditions, il lui annonçait quelque chose que le vampire n’était pas prêt et ne serait jamais prêt à entendre.

- J'ai dis oui. Je veux m'en occuper. Quand mes parents sont morts, personne n'a voulu de moi et j'ai toujours été seul. Je ne veux pas que ca arrive à pauvre bébé qui n'a rien demandé.

Il comprenait ses raisons mais pas son comportement. Non ça il ne le comprenait pas.

- Et tu comptais me le dire quand ? Quand j’aurais trouvé un berceau devant la porte un matin ? En me réveillant ? En entendant des cris dans le salon ? Tu ne m’as pas demandé mon avis ? Tu as pensé que, oh bah oui je partage cet appartement moi aussi alors je peux y faire ce que je veux ! Pourquoi je n’ai pas eu mon mot à dire hein ? Parce que là, la façon dont tu as agis Kai, c’est seul. Complètement seul. Je ne suis pas dans tes plans, tu aurais dû me le dire pour les papiers, on y aurait réfléchi ensemble. Mais maintenant c’est trop tard. Tu m’as laissé de côté en agissant en solitaire. Je ne veux pas de ce bébé, je suis un vampire, pas une nounou. Parce que ce sera comme ça n’est-ce pas ? Je m’en occuperais la journée quand tu ne seras pas là et puis c’est tout ? Non pas pour moi merci, les gosses ce n’est pas mon truc. C’est ta famille, pas la mienne. Du moins c’est comme ça que tu me l’as fait ressentir. Tu peux tout laisser ça là, je reviendrais chercher mes affaires plus tard. Tu peux garder l’appartement, j’en trouverais un autre facilement. Sois heureux avec ton bébé !

Il cacha les larmes qui lui montaient aux yeux, il se sentait trahi parce que prévenu à la dernière minute. Comme si son avis ne comptait pas. Len franchit le seuil de la porte sans se retourner, se demandant comme il allait franchir la barrière du soleil.

Len avança plus rapidement en entendant ses pas dans l’escalier qui le suivaient. Tant pis pour le soleil, il longerait les murs en s’emmitouflant et puis c’est tout. Il entendit sa voix mais fit la sourde oreille. Le vampire plissa les yeux devant les rayons éblouissants du soleil et commençait déjà à se sentir mal, pourtant il s’apprêtait à sortir quand même quand on l’attrapa par le poignet et ramena à l’intérieur. Aucun doute sur la personne.

- Len ? Tu veux te tuer ???!

Et alors ?

- Lâche-moi, t’as autre chose à faire…

Kai sortit alors tout son discours d’une traite et le vampire l’écouta. Il avait eu peur alors à quoi il servait lui ? Comment avait-il pu décider de sa réaction face à la nouvelle à sa place ?

Non, lui il avait dit qu’il l’aimerait toujours dans 500 ans, et il lui aurait bien sorti méchamment que lui n’aurait pas ce temps-là pour le faire car il mourrait très tôt mais se retint en voyant son regard. Il était déjà assez mal comme ça mais Len pensa l’être plus. Il dégagea son bras de sa main et se tourna en sens inverse. Le léopard le suppliait de rester mais il ne savait plus vraiment ce qu’il devait faire. « Parlons-en », c’était ce qu’il n’avait pas fait avec lui et qui l’avait forcé à partir. Non il n’en parlerait pas, du moins pas maintenant.

- Ne t'en vas pas, Len...
- De toute façon je ne peux pas sortir du dôme. J-j’ai besoin de temps Kai. Je ne peux pas revenir comme ça en faisant semblant d’être d’accord et d’accepter. Ce que tu as fait…c’était comme avec mes parents. Ils prenaient des décisions me concernant et il me le disait après. Même si tu avais peur, tu aurais dû le dire. Ne suis-je pas là pour ça ? Te réconforter et t’aider ? Je ne sais plus…j’ai un doute. Un bébé ce n’est pas rien, et franchement je ne suis pas apte à faire ça. Trop de risques. Il faut que j’y réfléchisse…seul. Je te ferais part de ma décision.

Il prit la veste qu’il avait à peine eut le temps de prendre en quittant l’appartement et se camoufla le visage et les mains avant de se tourner vers Kai, sanglotant.

- Ça ne sert à rien de pleurer. Concentre-toi plutôt sur ton nouveau rôle. Tu es papa maintenant, tu n’as plus le temps de pleurer pour des broutilles et t’apitoyer sur ton sort. Et ne fous pas le feu à la cuisine.

Len lui jeta un dernier regard et couru aussi rapidement que possible vers l’ombre d’un autre bâtiment où il se protégea. Il fit ça longtemps, passant d’appartement en appartement ainsi et se sentit vite faiblir. Il finit par arriver sous le porche d’un grand hôtel et il demanda une chambre pour la nuit. Une fois installé dedans, il se rendit compte à quel point il avait oublié ce que ça faisait d’être seul. Les sentiments qu’on éprouvait. Et maintenant plus que tout il avait besoin de quelqu’un à qui parler. Le vampire sortit son portable et tapa rapidement un numéro. Le correspondant décrocha automatiquement. Sa voix douce et calme le calma tout de suite et lui vida un peu son esprit qui travaillait.

- Vivian ? J’ai besoin de tes conseils.

Il resta bien quelques heures allongé sur le lit à l’écouter parler, prenant la parole de temps à autres après lui avoir expliqué le problème. Et puis, au bout d’un moment, Len s’endormit sur le lit, fatigué par les évènements et le soleil.

Vivian n’avait su qu’à peine le réconforter le premier jour et Len s’était endormi encore plus troublé qu’avant. Le vampire aimait l’ordre, le bien fait, et un enfant c’était tout sauf de l’ordre. Est-ce qu’il était comme ça avant ? Il avait si bien accepté de s’occuper de Natsumi bébé alors pourquoi là était-ce différent ?

Kai l’appelait en moyenne 3 fois par jour, ça lui faisait mal mais il ne répondait presque jamais. En fait juste une fois pour dire qu’il n’était pas mort. Les pleurs et supplices de son petit-ami au téléphone auraient dû le faire revenir et l’aurait fait revenir s’il ne sentait pas une gêne en lui. Pourquoi il avait l’impression de passer pour le méchant encore une fois ? Et Len répondait toujours la même phrase : il faut que je réfléchisse encore, je ne sais pas ce que je vais faire.

Quand à lui il appelait Vivian de temps en temps et, vers la fin de la semaine, ils se retrouvèrent au café d’un coin de rue. Son mentor était en forme alors que Len n’avait pas mangé depuis plus d’une semaine, loin de se douter de ce qui arriverait. D’ailleurs ce fut la première chose qu’il remarqua.

- Quand t’es-tu nourri pour la dernière fois ?
- Ça n’a pas d’importance, je ne suis pas là pour ça. Vivian je ne sais pas quoi faire. Je me sens…trahi ou sous-évalué. Un couple ça prend des décisions ensemble non ?
- Tu ne peux pas non plus en vouloir comme ça à Toshio. Honnêtement Len, comment aurais-tu réagi s’il te l’avait demandé AVANT les papiers ?

Le vampire baissa les yeux au sol. Il aurait dit non, il se serait énervé mais au moins là il aurait été totalement en tort.

- Je comprends avec ce qui t’es arrivé que tu ressentes un peu de trahison, mais pourquoi l’avoir comparé à tes parents ? Ce n’est pas la même chose et ça a dû le blesser.
- J’étais énervé…je ne sais plus quoi faire.
- Est-ce que tu veux de ce bébé ou pas ?
- Je ne sais pas.
- Tu sais ce que je crois moi ? Tu as peur. Peur de t’attacher à cet enfant, ce qui arrivera. Mais c’est un humain et il mourra. Et tu as peur de la mort. Pas la tienne non, mais celle des autres. Tu aimes Toshio et tu vas le voir mourir, tu vas aimer ce bébé et tu vas le voir mourir aussi. C’est compréhensible car douloureux. Mais ne penses-tu pas qu’il vaut tout de même mieux partager 70 ans de ton existence avec eux plutôt que rien du tout ? Si tu t’en vas maintenant ta vie sera vide Len, et dénuée de sens. Tu as besoin de lui, et il a besoin de toi. Sinon pourquoi t’appellerait-il en pleurant tous les jours ?

Le vampire se tut puis finit par partir devant le silence de son élève.

Quand il rentra à l’hôtel ce jour-là, il vit un message sur son téléphone. De Kai. Len pleura toutes les larmes de son corps ce soir là.

Il sortit de l’hôtel, rendit les clés et se dirigea rapidement vers l’appartement. Il était encore dans le doute mais peut-être qu’en arrivant il aurait un déclic. Et en effet, c’est en voyant Kai galérer avec le siège auto et râler dessus qu’il se rendit compte que, bébé ou pas, il ne pourrait pas le quitter. Il s’approcha de la portière.

- Tu le fais mal, cette sangle passe en dessous du siège. Donne, je vais le faire.

Son cœur se gonfla en voyant Kai et sa bêtise. Cet idiot venait de se cogner la tête contre le plafond de la voiture au son de sa voix et il la frottait maintenant en grimaçant, ce qui le fit sourire. Mais peu de temps en voyant l’état dans lequel il était, c’est-à-dire pas mieux que lui. Il avait des cernes sous les yeux et paraissait un peu plus mince. Il n’y avait plus ce rose caractéristique de sa joie de vivre sur ses joues. Len attacha déjà le siège auto avant de se relever et de fixer le léopard qui, étrangement, ne s’était pas jeté sur lui comme il l’avait espéré. Avait-il changé d’avis entre temps ?

- Len... Tu es la. Je suis désolé, pardonne moi. Écoute, je sais que j'ai été idiot. Non pire que ça je sais que je t'ai fait mal et j'ai l'impression de mourir a petit feu en pensant a ce que je t'ai infligé. Je ne voulais pas agir comme tes parents, j'ai été tellement idiot ! Je pensais qu'on se disputerais si on le faisait et ça a été encore pire.
- J’ai exagéré, tu n’es pas comme eux. Et quoique tu aies fait on se serait disputé de toute manière.

Son petit-ami lui semblait plus…mature. Est-ce qu’une semaine pouvait l’avoir changé complètement ? Où était passé l’enfant qui, à ce moment-là, aurait éclaté en larmes comme une fontaine ?

- S'il te plait reviens avec moi.... Pas parce que j'en ai besoin mais parce que je veux partager ma vie entière avec toi. Tu verrais Kyohei, il est tellement adorable ! Je suis sur que tu ferais un père merveilleux. Un père, en aucun cas une nounou. Je ne t'ai jamais vu comme cela. Tu... Tu crois pouvoir me pardonner mon idiotie ?

Le vampire baissa les yeux en se mordant la lèvre. Il avait tellement peur de ce que ça voulait dire…être « père ».

- Il s’appelle...Kyohei ? C’est un garçon ? Ecoute Kai…je te pardonne parce que tu n’es pas seul en faute. Mais je ne sais pas si…père serait le rôle qui me conviendrait. En fait j’ai peur…de refaire comme avec Natsumi. Je suis désolé de remettre ça à jour mais je vais déjà devoir te perdre dans une 60aine d’années et je sais que ce sera douloureux mais je l’ai accepté. Je veux être avec toi jusqu’au bout. Mais m’attacher à ton bébé voudrait dire souffrir encore une fois et j’ai peur de voir mourir une personne que j’aurais élevée et aimée toute sa vie. En plus j’ai peur de faire des erreurs, il pourrait arriver n’importe quoi et je m’en voudrais. Alors…je vais revenir parce que je t’aime mais pour l’instant je ne considérerai pas cet enfant comme le mien. Je t’aiderai pour le côté pratique évidemment, mais je ne suis pas son père. Comprends-moi.

Il voyait très bien que ce n’était pas ce qu’il voulait vraiment, qu’ils ne seraient pas une « famille » à part entière mais pour l’instant il ne pouvait pas faire autrement.

- A l’aéroport ? Je vais conduire.

Malgré son évidente faiblesse il prit le volant et le trajet se fit en silence. Len était soudainement très gêné à cause de sa décision de renier en quelque sorte cet enfant. Il n’avait rien fait le pauvre, mais lui ne pouvait pas se résoudre à supporter une deuxième douleur même s’il était bien conscient comme avait dit Vivian que, peu importe ses efforts, il finirait par aimer Kyohei comme son propre fils.

- On est arrivé.

Encore une seconde de plus dans ce baiser et le vampire l’aurait mordu sans son accord. Trop de salive, trop d’odeur…Heureusement que Kai s’écarta car lui n’était pas enclin à le faire. En montant dans la voiture il se demanda combien de temps il allait pouvoir tenir encore. Depuis qu’il était en présence de son petit-ami, sa soif s’était faite plus puissante et il sentait les deux petites pointes de ses dents commencer à percer. Ce n’était pas bon mais il devait l’accompagner.

Sa main sur la sienne dans la voiture ne fit qu’accélérer le processus mais il n’osa pas la retirer, de peur de le vexer. Len était tendu, l’aéroport serait plein de gens et, en se garant sur le parking, il hésita à rester à l’intérieur. Pourtant il suivit Kai qui semblait très excité. D’ailleurs ce dernier se retourna gravement vers lui et, prenant sa main, il le tira derrière un bosquet qui ne les cachait qu’à moitié. Le vampire se laissa faire comme une loque, plus les secondes passaient et plus il faiblissait.

Les gestes de l’Animorph étaient doux et il ferma un instant les yeux, tentant de repousser cette envie.

- Mords moi...

Il les rouvrit tout de suite, paniqué. Alors ça se voyait tant que ça ? Pas question.

- Non, il y a trop de monde, c’est hors de question. Et puis l’assistante sociale repartira avec le bébé si elle ne te voit pas en forme. Moi on s’en fout. Je resterais dans la voiture s’il le faut.

Mais il aurait dû se douter qu’il serait têtu et n’en démordrait pas. En plus il le tentait en approchant son cou de sa bouche. Avec le peu de force qui lui restait, Len le repoussa.

- N-non. Pourquoi tu fais ça ? Je vais très bien, je peux tenir encore un jour ou deux.

Ce qui était totalement faux et son corps le lui prouva. Len tomba sur ses genoux en même temps que ses dents sortaient complètement et il se rattrapa de justesse aux branches avant de se mettre à quatre pattes par terre, autant pour se cacher que pour se reprendre un peu.

- Et dire que les gens nous croient invincibles…

Non comme Vivian l’avait dit, les vampires étaient dépendants des autres, ce qui leur donnait une certaine faiblesse. La sienne était d’autant plus grande vu qu’il ne se contentait que d’un seul calice et seulement quelques jours par mois. La douleur était lancinante, il commençait à sentir d’autres odeurs, d’avoir envie de mordre chaque passant…et merde, il allait devoir céder.

- O-ok. Mais pas longtemps.

A peine à quelques centimètres de lui, Len plongea dans le cou de son petit-ami pour le mordre à pleine dent mais, soucieux de la suite, il ne prit que peu de sang, à peine de quoi lui permettre de tenir quelques heures.

- Que ça. On n’a pas le temps, j’en reprendrais plus tard. Maintenant on va chercher ton bébé.

Le jeune homme se rendit compte qu’il n’arrivait pas à l’appeler par son prénom, peut-être pour éviter de créer un lien entre eux-deux ? Kai semblait en assez bonne forme tout de même et ils marchèrent jusqu’au hall de départ et d’arrivées.

- Tu sais à quoi elle ressemble l’assistante sociale ? C’est bien elle qui l’amène non ?

Len scruta les gens autour de lui et sursauta lorsque Kai fit un signe de main à quelqu’un, s’avançant vers une femme d’âge moyen portant des bouts de tissus dans ses bras. Et un bébé dont il se tint d’abord à l’écart.

C’était lâche mais il refusa de l’accompagner, retardant autant que possible le moment où il le verrait. Il ne le détestait pas mais Len pensait qu’il lui compliquerait encore plus la vie. Kai et lui n’auraient peut-être plus de temps pour eux-deux et ne pourraient plus faire ce qu’ils voulaient, comme partir soudainement en vacances, gambader comme des fous dans les bois…partager un moment intime au bord du lac. Comme si tout ça n’était plus qu’un souvenir.

Le vampire, grâce à son ouïe surdéveloppée, entendit toute la conversation et soupira d’aise lorsque la femme précisa qu’il était calme. Au moins il ne passerait pas son temps à leur hurler dans les oreilles ! La femme finit par s’éloigner de Kai alors que ce dernier revenait vers lui, tenant le petit être amoureusement dans ses bras. Que venait-il de ressentir au juste ? De la jalousie ? Parce que connaissant son petit-ami, il ne pourrait pas s’empêcher de passer les ¾ de son temps avec le bébé, en plus d’être au cours de danse.

Len pensait que le petit garçon allait réagir comme tous les autres enfants, comme tous les animaux, comme Boule. Il le fuirait, il aurait peur de lui et pleurerait. Pourtant le bébé souri et rigola même en le voyant, frappant des mains dans sa direction. Sous le coup de la surprise, le vampire recula alors que le léopard s’approchait de lui, sûrement pour le présenter. Len secoua la tête en signe de négation et se retourna pour partir en premier, évitant le regard et de son petit-ami et de l’enfant.

- On devrait rentrer, je crois qu'il a faim, et toi aussi.
- Mmmmh.

Fut la seule chose qu’il put dire de tout le trajet jusqu’à l’appartement. Il avait laissé Kai conduire pour éviter de se retrouver sur le siège à côté de celui du bambin et fuya le regard de l’Animorph dans le rétroviseur. C’était pire que ce qu’il pensait, il était pire que tout ce qu’il avait imaginé.

En effet le bébé ne faisait pas de bruit et seul Kai parlait de temps en temps, mais ni lui ni le petit ne lui répondaient si bien qu’il se retrouva seul à faire la conversation. De même en sortant de la voiture, il monta en premier à l’appartement et déglutit en y voyant tous les changements. La salle de danse était aménagée, très joliment il dut le reconnaitre, et des meubles avaient été déplacés pour créer un espace au bébé.
Automatiquement Len se réfugia dans la cuisine, seul lieu qui lui était réservé à présent et commença nerveusement à tout ranger et re-ranger. Il délimita les placards : celui-ci contiendrait toutes les affaires nécessaires à l’enfant et le reste serait pour eux. Enfin non, pour Kai vu que lui ne mangeait pas. Il attendit, assis sur la petite table ronde de la pièce jusqu’à ce que son petit-ami le trouve et commence à préparer un biberon. Le vampire aurait aimé l’aider, mais il resta juste là, les bras ballants. Ça ne lui ressemblait pas. Et puis de toute façon il aurait été inutile vu que Kai semblait très bien s’en sortir tout seul. Finalement il se leva.

- Je vais aller dormir quelques heures, je ne pense pas que tu aies besoin de moi d’ici là. On verra ce soir pour…ça, fit-il en touchant son propre cou. A plus tard.

Len rentra dans la chambre propre, s’allongea sur le lit sans enlever ses vêtements ni retirer les couvertures et ferma les yeux, ravi que le sommeil ne tarde pas pour une fois.

Il dormit plus longtemps que d’habitude mais moins bien. Quand il se réveilla à peine quelques heures après s’être couché, Len trouva Kai tout près de lui et pendant un instant il n’osa pas bouger de peur de le réveiller. Il entendit alors des mouvements dans la pièce d’à côté et, oubliant quelques secondes qu’il y avait désormais un autre occupant, il s’était levé pour se défendre. Puis il se rappela la présence du bébé et surtout la sentit. Le vampire se répétait intérieurement de ne pas se lever, de rester coucher mais il n’obéit pas à son cerveau et quitta le lit, se faisant soudainement stopper à peine un pied posé au sol.

- Ou vas tu ?

Kai semblait encore à moitié endormi ce qui facilita la tâche au jeune homme qui se dégagea doucement.

- Rendors-toi.

Fit-il en lui caressant la joue puis les cheveux. Il attendit que sa respiration redevienne régulière et profonde puis sortit de la chambre pour passer dans la pièce d’à côté. Elle était complètement transformée mais Len ne s’attarda pas sur la décoration et s’approcha du landau, gardant quand même une certaine distance. Le bébé dormait et bougeait en même temps, peut-être faisait-il un rêve ? Et soudain une question lui vint à l’esprit : est-ce que comme son tuteur il était un Animorph ? Possible après tout.

Le vampire recula lorsque l’enfant ouvrit soudainement les yeux en le regardant et il fut troublé, parce que c’était exactement les mêmes que ceux de Kai. Bruns, doux et emprunts d’une grande bonté, avec une pointe d’innocence enfantine. Déstabilisé par sa découverte, il sortit précipitamment de la chambre et s’adossa au mur de la cuisine. Il n’aurait jamais dû le regarder, quel idiot !

Il faisait encore jour dehors mais il n’y avait pas de soleil donc le vampire se décida à sortir pour prendre de l’air, et réfléchir. Il n’avait pas eu le temps de le faire depuis l’arrivée de l’enfant et à vrai dire il hésitait à fuir. Mais il ne le ferait pas, ce n’était pas lui. La nuit finit par tomber, les étoiles se levèrent dans le ciel bleu sombre et Len commença à rentrer à l’appartement, ne souhaitant pas inquiéter d’avantage le léopard qui devait être réveillé à présent. De plus il avait horriblement soif. Par malheur il croisa la voisine dans l’escalier et cette dernière ne lui lâcha les bottes que devant sa porte, lui racontant sa vie et ses déboires amoureux dont il se fichait royalement. Il l’aurait bien mordu tiens…

Une fois rentré, il soupira puis vit Kai qui s’occupait du petit bien réveillé et se dirigea sans faire de bruit jusqu’au canapé où le livre qu’il lisait il y a une semaine se trouvait toujours. Il le continua, vidant complètement son esprit de tout autre chose. Son portable vibra en plein milieu d’une action et le vampire souffla d’exaspération mais décrocha quand même. C’était Vivian qui demandait des nouvelles. Il lui dit juste qu’il était rentré, qu’ils se verraient plus tard pour lui expliquer plus en détails ce qui se passait maintenant.

- Tu t’es nourris ?
- Bientôt. Je ne suis pas un gosse ! Je le ferais quand toutes les conditions seront favorables.
- Ouai c’est ça, je la connais celle-là.

Len raccrocha peu de temps après, reprit sa lecture et il était tellement absorbé qu’il ne sentit pas Kai s’assoir près de lui. Sentant son regard insistant, il reposa encore une fois son livre et se tourna vers lui.

- Quoi ?

Len était trop faible pour résister et de toute façon il ne le voulait pas vraiment. Il vit à peine son livre disparaitre de ses mains mais sentit très bien que Kai était monté sur ses genoux. Il voulait l’arrêter mais n’y arrivait pas, se contentant seulement de dévorer ces lèvres qui lui avaient tellement manquées.

- Len...Len...murmura t'il entre deux baisers et en se faufilant contre lui. Pourquoi est ce que tu m'évites ? Je ne t'en veux pas, jamais, est ce que tu m'en veux encore ? Je ne veux pas qu'on soit des étrangers l'un pour l'autre ca ne nous ressemble pas.
- Les choses ont changées, elles vont changer. J’anticipe, je m’habitue déjà à ce que je devrais vivre.
- Tu sais parfaitement que je ne suis qu'a toi et à personne d'autre. L'arrivée d'un enfant ne changera rien à tout cela.
- C’est ce que tu crois…

Il n’arrivait pas à lui dire ce qu’il pensait, que le bébé prendrait plus d’importance au fil des jours, qu’ils n’auraient plus de temps pour ce genre de chose dans le canapé. Ils seraient fatigués, peut-être même que le vampire devrait reprendre un calice ? Pour faciliter la tâche à Kai. Mais il ne dit rien, cherchant juste à cacher à son petit-ami au-dessus de lui qu’il mourrait de faim à nouveau. Mais il sembla l’avoir remarqué.

- Nourris toi. Tu en as besoin.

Il le vit défaire ses vêtements à la base de son cou et une colère incompréhensible le prit. Il se détourna et grinça des dents.

- Vous me prenez pour qui tous ? Un monstre assoiffé de sang ? Si je dis que je n’ai pas besoin de ça alors je n’en ai pas besoin ! Merde !

Et même s’il savait qu’il avait tort, il vira Kai de ses genoux pour se lever. Malheureusement il était resté assis trop longtemps et sa faiblesse revint au triple galop. Pour la première fois depuis longtemps, Len s’évanouit à même le sol.

Il se réveilla en sursaut à peine 30 minutes plus tard, la tête lourde et les dents sorties qui lui faisaient mal. Il n’y avait personne à côté de lui mais il sentait la présence des deux autres de l’autre côté de la porte. Le vampire tenta de se lever, trébucha, renversa la table de chevet et se releva en se tenant à la poignée de la porte. Il était dans un état pitoyable et n’était pas décidé à en changer…ou pas.
Kai entra à ce moment-là et le fit s’assoir sur le bord du lit. Il lui parlait mais lui ne l’entendait pas. Len se rendit compte alors de ce qu’il était en train de faire : il se laissait devenir une bête. En se privant il revenait à sa première condition de vampire nouveau-né, il ressentait la même envie en lui. Pourtant quand les doigts fins de son petit-ami touchèrent ses dents, il ne broncha pas. Quand ses petites mains l’attirèrent à lui et lui ouvrirent la bouche, il ne résista pas. Et c’est telle une poupée de chiffon qu’il mordit inconsciemment dans le cou de Kai.

Et puis le sang fit son effet. Il coula dans sa gorge, remplit son corps entier. Son cerveau devint plus clair, l’engourdissement partait, il se sentait maître de lui-même. Il passa lentement ses mains dans la nuque puis les cheveux du léopard, caressa ensuite son dos mais ne se rendait pas compte qu’il commençait à dangereusement le vider. Le vampire sentit son pouls s’affaiblir et le lâcha avec un hoquet d’horreur. Et il fondit en larmes.

- Je suis désolé…

Len regarda Kai à moitié allongé sur le lit et pleura nerveusement. Mais qu’est-ce qu’il avait fait ? Etait-il…Non, le léopard prit sa main en souriant avant de s’endormir ce qui fit trois fois plus de mal au vampire. Il aurait souhaité qu’il le déteste pour ça.

En voyant qu’il ne réagissait pas quand il caressa sa joue, il le coucha à son tour dans le lit avec les forces qu’il avait retrouvé, il était au maximum. Mais à quel prix ? Il avait déjà vu des humains plongés dans un tel sommeil qu’ils ne se réveillaient que des mois plus tard, à cause d’une morsure trop longue. Est-ce que ce serait le cas ? Non, c’était un Animorph, il était beaucoup plus fort. Du moins il l’espérait.

Et puis dans la pièce d’à côté le bébé cria et pleura. Que devait-il faire ? Aller s’en occuper ? Non, ce n’était pas à lui de faire ça. Mais alors quoi ? Les pleurs étaient incessants et le vampire ne tarda pas à se lever pour quitter la chambre, relevant au passage tout ce qu’il y avait fait tomber. Il était d’une stupidité !
Le bébé était dans le salon, couché dans son petit parc avec ses petits objets qui tournaient au-dessus de lui mais ça ne semblait plus l’amuser. Il criait à s’en déchirer les poumons, les bras tendus vers l’avant. Alors Len sentit l’odeur caractéristique d’un bébé, outre celle du talc et du bon savon, et il grimaça. En plus c’était lui qui allait devoir le faire !

Il s’approcha doucement du parc, se demandant s’il accepterait qu’il le prenne. Len savait que s’il faisait ça, ce serait une grave erreur, le commencement d’un cercle vicieux. Mais il avait réduit Kai à l’état de larve donc il se devait de se faire pardonner. Même si pour cela il devait essuyer un enfant de 3 mois ! Lui qui détestait la saleté…

Il se pencha et frôla la toute petite main de la sienne qui se referma sur son index avec une force incroyable. Au moins il le laissait le toucher. Len se pencha au-dessus de lui mais évita de le regarder dans les yeux de peur de ressentir à nouveau ce trouble.

- Bébé on ne crie plus.

Mais « bébé » ne semblait pas réagir à ce mot et le vampire soupira. Bon, ce serait occasionnel alors.

- Kyohei…

L’enfant ferma la bouche et le regarda avec ses grands yeux. Et mince, il l’avait eu. Le petit recommença à pleurer et Len le porta jusqu’à la table à langer où il le coucha, déshabilla et constata les dégâts.

- Rhâ les humains, quelle saleté ! Remarque tu ne feras jamais pire comme chantier de bataille que ton…papa quand il mange !

Mais…il parlait à un bébé ? Et en plus ce dernier l’écoutait attentivement en claquant des mains, l’air de dire « continue, je veux en savoir plus ! » Le vampire finit rapidement sa besogne, regarda l’heure et alla le coucher dans son lit après avoir tout rangé. En le portant doucement dans ses bras, il sentit le parfum du léopard sur lui mélangé à l’odeur de bébé. En gros il voyait dans sa tête un mélange de Kai et de Natsumi.

Après l’avoir couché il se rendit à la cuisine, la nettoya de fond en comble et lu deux livres de recettes qu’il connaissait par cœur.

Plus tard, c’est assis sur le canapé devant la télé que Kai le trouva, après un long périple d’équilibre.

- Len ? Len ! Tu es là hein ??
- Où veux-tu que je sois mon Robin ?

Fit-il dans un sourire.

Il avait l’impression d’être redevenu lui-même, comme si un corps étranger l’avait habité depuis 1 semaine. Il accueillit à bras ouvert Kai qui semblait toujours assez mal en point.

- Tu es la... J'avais peur mais tu es la ....
- Je ne partirai jamais, je te l’ai promis.

Et c’était vrai, il ne partirait pas. Il était là avant le bébé après tout ! Le vampire lâcha un petit rire lorsqu’il entendit le ventre de son petit-ami grogner, les coupant dans leur moment intime. Heureusement il avait prévu ça et des petits pains au chocolat chauds attendaient dans le four, avec du café bouillant, du pain, du beurre et de la confiture. Suivit par Kai, il se dirigea vers la cuisine et sortit tout sur la table.

- Kyohei ne t'a pas posé trop de soucis??

Len ne put que pousser un grognement entre le oui et le non. Il n’avait pas vraiment envie de lui dire ce qu’il avait fait, ne voulant pas lui donner trop d’espoir pour la suite. Il l’avait juste changé, pas accepté pour autant. Le léopard n’insista pas, ce qui le soulagea et il le regarda manger avec un appétit féroce tout ce qu’il avait posé sur la table ronde. Il le vit reprendre des couleurs et lava la vaisselle pendant qu’il s’occupait du bébé. Il finit tout rapidement et alla se rassoir sur le canapé, les genoux croisés.
Kai se coucha près de lui, ses paupières se refermaient déjà.

- J'ai demandé a la voisine de venir garder Kyohei demain. Tu dois en avoir marre de rester enfermé toute la journée... Mais demain soir, prenons le temps d'une soirée en amoureux....

Len fut d’abord ravi, puis inquiet. Il ne voulait pas donner l’impression de se plaindre, l’Animorph avait à peine put profiter de son bébé à cause de lui qui avait tout fait foirer. Alors il pensa à refuser, même s’il mourrait d’envie d’avoir Kai pour lui tout seul pendant plus d’une minute d’affilée. Et puis il en avait vraiment marre de la voisine, il n’avait pas confiance en elle et elle en profiterait sûrement pour s’incruster chez eux. Hors de question.

- Non, je le garderai.

Mais son petit-ami s’était déjà rendormi. Il continua de regarder la télé.

Il dit au revoir à Kai près de 6 heures plus tard, jetant un coup d’œil au bébé dans la petite chaise derrière lui. Une fois la porte fermée, il commença à le regarder bizarrement puis à pleurer. Ah non ! Ne sachant pas vraiment quoi faire, il regarda sa couche, rien. Il essaya de lui donner à manger. Non plus. Il le posa avec ses jouets. Il les repoussa violemment, devenant de plus en plus rouge.

- Mais qu’est-ce que tu veux à la fin ? fit le vampire, très énervé.

Les pleures du bébé lui tapaient sur le système, il aurait peut-être dû le laisser à la voisine au final. Exaspéré, il le laissa pleurer pendant quelques minutes, se boucha les oreilles, essaya de lui redonner à manger et finalement le prit dans ses bras en se posant sur le canapé, un livre à la main. Et là, il se tut, le regardant avec ses grands yeux bruns. Il le fixait même, puis lui fit un grand sourire.

- Complètement taré…

Il commença à lire et Kyohei tapa sur ses pages, cherchant à les tourner à sa place et, fatigué de son jeu, il le repositionna sur ses genoux et lut à voix haute. Ça marcha, il se calma et l’écouta. En fait il était vraiment calme, voire trop pour un bébé de 3 mois.

La journée passa rapidement en fin de compte, il lui fit à manger, le laissa dormir et vers la fin de l’après-midi, il s’assit sur le canapé pour lui donner le biberon.

Le biberon tiède dans la main, il allongea doucement le bébé contre son long bras, il était plus léger qu’une poussière pour lui, et mit la tétine devant sa bouche. Kyohei l’ouvrit en grand, tirant un sourire moqueur au vampire.

- T’es aussi morfale que ton père toi, je ne vais pas chômer plus tard.

Plus tard…alors il pensait déjà à l’avenir ? Ça le surprenait lui-même. La petite quenotte de l’enfant s’accrocha à son collier en argent et attrapa sa main qui tenait le biberon. Il y avait mis du lait avec une touche d’épice dedans et il semblait apprécier, le liquide diminuant. Len le regarda téter, d’abord en s’ennuyant un peu puis son regard croisa celui rieur du bébé et inconsciemment il souri.

- Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? Enlève-moi cet air de Kai sur le visage ou je te montre mes horribles dents. Tu veux les voir ? Tu me défies ? Ahlàlà c’est de famille ou quoi ? Je te préviens, tu finis tout et hors de question de me vomir dessus. T’as vu ça ? C’est de la marque. Peut-être que t’en auras un jour, si t’es sage. Bah quoi ? C’est comme ça tu peux rien y faire, ce n’est pas toi qui fais la loi ici.

Il continua de parler sans vraiment s’en rendre compte et il était en train de contempler le bébé finir le biberon quand Kai arriva derrière lui. Il l’avait complètement oublié ! C’est Kyohei qui le vit en premier, tout content mais c’est Len qui reçu le premier baiser, tout content lui aussi. Comme une guerre !

- Et les gens disent que vous êtes invincibles.

Le vampire fit la moue mais ne résista pas au baiser passionné que lui offrit son petit-ami. Un joli coup de pied de l’enfant sur son torse les stoppa tous les deux. Il avait fini de manger.

- Allez, le rot maintenant. Et souviens-toi, pas de vomi ou je te fais laver mes vêtements !

Il porta le bébé contre son épaule et lui tapota le dos jusqu’à entendre le petit bruit qui le fit étonnement sourire.

- J'ai trouvé quelqu'un pour veiller sur lui ce soir... non pas la voisine. Mais Monsieur va faire connaissance avec son "grand-père".
- Grand-p…Tu as vu Vivian ? C’est lui qui t’as proposé ça ? Ecoute Kai ce n’est pas grave pour la soirée amoureux, on attendra encore un peu. Kyohei vient juste d’arriver, il faut que t’en profites.

Len se rendit seulement compte qu’il l’avait appelé tout haut par son prénom et que, bizarrement, le bébé était toujours dans ses bras à lui. Pourquoi ne pas l’avoir redonné à Kai tout de suite ? D’ailleurs ce dernier se leva en souriant malicieusement.

- Eh ! Qu’est-ce que tu prépares encore ? Je t’ai dit que je n’aimais pas les surprises. Pffff, fit-il en baissant la tête vers l’enfant, ton père est une vraie tête de mule. J’espère seulement que tu ne seras pas pareil…

Il se leva, toujours avec le bébé dans ses bras et regarda ce que faisait le léopard.

- Vivian a d’autres choses à faire que de s’occuper d’un bébé, même si secrètement il doit en être enchanté. Et j’ai fini de me plaindre, tu devrais en profiter aussi !

Ça n’arrêta pas l’Animorph qui s’affairait à faire le sac du bébé, qu’il déposa dans son petit parc. Un sourire taquin sur les lèvres, il ferma un peu la porte pour se cacher de l’enfant et colla son torse à celui de Kai, passant ses mains sous son haut. Il était brûlant. La tête dans son cou, il murmura.

- A moins que ce ne soit toi la surprise…