C’était vraiment une belle attention de la mairie d’avoir organisé un tel évènement, en une si jolie journée en plus. En recevant cette lettre, Lance avait été sceptique, avait cru à un canular jusqu’à ce qu’il en parle avec son frère Edge qui en avait reçu une semblable et qui était enthousiaste comme un gamin de 6 ans qui recevait un camion de pompier à Noël. Alors depuis le temps, il s’était fait une idée et s’était convaincu que ce serait peut-être bien amusant. Il y voyait une occasion de se défaire un peu de la morosité qui venait le prendre parfois dans les cabanes reculées loin de la ville où il était un peu obligé de séjourner. Après tout, il n’y avait aucun risque, ce n’était qu’une simple et banale chasse aux œufs comme dans le temps, non? En tout cas, c’était ce que croyait le jeune homme, faisant confiance aux autorités de la ville, peut-être à tort. Il s’était donc rendu à la date de ladite activité au point indiqué.

Fait surprenant et quelque peu décevant pour le citadin dans l’âme, il se retrouva bien vite à l’orée de la forêt. Oui bon, il comprenait l’idée de la petite chasse aux œufs champêtre, mais… Pas encore la forêt, pleine de boue et de bêbêtes de toute sorte? Il passa par-dessus cette idée un moment, intrigué par le sac à dos en plein milieu du point de rendez-vous. Se demandant si quelqu’un ne l’avait pas laissé là par mégarde, il se permit d’aller le fouiller. Pas de cartes, rien qu’une trousse de premiers soins, une lampe de poche… Et des seringues? Venait-il de tomber sur le sac d’un junkie qui viendrait se venger dans les prochaines minutes? Lance, en regardant autour pour voir qu’il était seul, se permit de jeter un coup d’œil à celles-ci. La notice qui les accompagnait le fit déglutir. Qu’est-ce que ces trucs faisaient dans une simple chasse aux œufs? Était-ce une simple chasse aux œufs? Dans quoi s’était-il embarqué? Il imaginait son frère jubiler en s’embarquant dans une autre aventure, incertaine, dangereuse et pire, salissante. Eh bien, il n’était définitivement pas comme ça.

Alors qu’avec un soupir, il remettait les seringues avec le reste du matériel, il entendit des bruits de pas s’approchant. Ce devait être le partenaire inconnu avec qui il était jumelé. Il se retourna donc avec un sourire avenant juste pour apercevoir… Yanna? S’il ne croyait pas que le hasard avait pris un intérêt envers lui, il aurait eu peur que la jeune femme ne le suive partout. Il ne savait pas encore s’il était content de la voir approcher ou pas, car il ne savait pas trop ce qu’il pensait d’elle, ça changeait souvent. Mais se rappelant de l’horrible malaise de la soirée où il l’avait vue la dernière fois, il prit sur lui de ne pas avoir l’air d’un décérébré doublé d’un timide maladif en l’accueillant en gentleman : « Mademoiselle Yanna, quelle agréable surprise! » Décidemment, ce serait une journée intéressante, ça il n’y avait pas de doute à ce sujet. Finalement, il était plutôt content que le sort se soit arrêté sur elle. Avec le contenu des seringues dans le sac, il était bien content de faire équipe avec quelqu’un connaissant sa condition, et ayant les capacités de vite se sauver s’il avait à l’utiliser. Mais il n’aurait pas besoin… N’est-ce pas? Ce n’était qu’une chasse aux cocos… N’est-ce pas? Plaçant le sac sur une de ses épaules, il demanda : « Alors, d’humeur aventureuse? ». Et cette fois, pas besoin de faire semblant d’être content pour tuer le malaise, quel soulagement.

Cette fichue lettre l’avait intriguée toute la semaine. Après avoir été lue et relue, elle reposait désormais sur la table de chevet de la jeune femme, qui ne savait encore quoi penser de cette curieuse invitation. Certes, tout ceci était charmant : une invitation à une chasse aux œufs ! Elle se voyait encore courir après les poules en chocolat dans son petit jardin d’Oxford… Seulement, ces souvenirs remontaient à loin, et qu’on pense encore à elle pour ce genre d’évènement alors qu’elle approchait des vingt-six ans, cela ne manquait pas de la surprendre, voire même de l’inquiéter. Après tout, cette ville et les rumeurs dont elle était l’objet étaient fort intrigantes, et elle ne parvenait pas à se débarrasser de la méfiance que lui inspirait ce simple petit bout de papier. Pourtant, après une longue discussion avec sa colocataire, qui avait reçu une invitation identique, elles décidèrent de se laisser tenter, et de rejoindre leur point de rendez-vous mutuel. Après tout, le mystère qui entourait cette chasse n’était pas sans leur rappeler d’agréables souvenirs, d’aussi loin qu’ils puissent remonter. Et puis, ça ne pouvait pas être si terrible, n’est-ce pas ? Ce n’était qu’une chasse aux œufs, après tout.
Le jour J vint rapidement, et les deux jeunes femmes se séparèrent pour rejoindre leur lieu de rendez-vous. Yanna espérait ne pas devoir faire face à un partenaire ronchon, ou pire, peu bavard, ce qui ne manquerait sans doute pas de lui faire faire demi-tour. Elle avait grand besoin de se dégourdir les jambes, ainsi que de se changer les idées, et puisque même le temps semblait être de son côté, elle était déterminée à ce que cette journée se déroule dans les meilleures conditions possibles.
S’enfonçant dans les bois, elle parvint finalement au point de rencontre, où son partenaire l’attendait déjà. Il semblait plongé dans la lecture d’une notice quelconque, qu’il rangea prestement alors qu’il semblait avoir perçu sa présence. Gênée par les ombres, elle ne le reconnu pas immédiatement, mais lorsqu’il se tourna vers elle, la jeune femme eut le plus grand mal à conserver son sourire. S’il parut tout aussi surpris, voire troublé, qu’elle aux premiers abords, il sut se reprendre vite et retrouver les manières de gentleman qu’elle lui connaissait déjà bien, malgré le peu de temps qu’ils avaient pu passer ensemble. Et puisqu’il prenait sur lui de cette façon, elle se dit qu’il serait bien malpoli de ne pas faire de même et de céder à son envie de tourner les talons, pour rejoindre sa jolie petite maison en courant. Aussi lui sourit-elle, une main sur les hanches, alors qu’il faisait mine de la provoquer. « Toujours, très cher, toujours. » Elle tenta l’excès de familiarité pour se mettre à l’aise et, curieusement, elle se sentit déjà plus détendue. La soirée qu’ils avaient partagé quelques jours auparavant avait certes été désastreuse, mais avait au moins eu l’avantage de briser un peu plus la banquise qui les séparait. Si tutoyer Lance, voire se montrer carrément effrontée, pouvait l’aider à se sentir plus à l’aise, soit, elle ne se priverait pas. « J’espère que tu es prêt, car je ne suis là que pour gagner. » dit-elle alors qu’elle s’enfonçait déjà en courant dans les bois, non sans laisser échapper un rire qui se voulait provoquant.

Il était content de voir qu’au moins, ils n’étaient pas tous deux soit en train de chercher des bosquets pour se cacher, ou de guetter le serveur pour briser le malaise, c’était peut-être pas grand-chose pour les gens normaux, mais pour eux, on aurait dit un bon pas en avant. Il avait même droit à du très cher? Peut-être était-ce simplement pour se moquer de ses manières trop formelles, mais enfin, il le prenait comme un compliment. Il avait bien conscience que sa manière de la désigner pouvait paraitre ringarde ou vieillotte, mais c’était une habitude qu’il avait prise. Même si leur situation bizarre les rendait étrangement proches tout en étant étrangers, il ne se permettait pas de familiarités tant qu’elle ne le faisait pas d’abord… Ou que la situation change d’une certaine façon. Au moins, la blondinette semblait plus enthousiaste que lui d’aller parcourir la forêt à la recherche d’un œuf à voir la motivation dans sa réponse. Madame était compétitive on dirait? De son côté, il avait carrément oublié que c’était une compétition en fait. Il ne savait même plus si le prix était mentionné dans la lettre. Lance n’était pas le plus compétitif de la terre, surtout avec un frère comme le sien, il avait toujours préféré s’ôter du chemin et applaudir, sans amertume.

Il haussa les sourcils en l’entendant le tutoyer. Alors ils en étaient là? Pas de problème. Il avait beau avoir l’air coincé comme ça, mais c’était un poids de moins sur les épaules et un peu moins de distance entre eux. Après tout, il allait se retrouver seul avec elle aujourd’hui, aussi bien être capables de se parler dans les yeux sans rougir. Le choc de leur rencontre dans les bois était maintenant passé depuis un moment après tout. Il la suivit alors qu’elle s’engouffrait dans le bois avec une énergie rafraichissante, oubliant presque, je dis presque, le fait qu’il avait mis des chaussures auxquelles il tenait trop pour l’occasion sans savoir ce que ce serait. Mais une fois sous le couvert des branches, après avoir marché dans le premier carré de terrain plus mou, il se rappela qu’il n’aimait pas tellement la nature. Allez, il n’avait qu’à trouver un œuf, ça ne devait pas être si sorcier… Alors qu’ils marchaient tous deux, il repéra devant eux un drôle de tapis de feuille. Quel soulagement, autre chose que de la terre, le jeune homme au sens du style un peu trop sensible ne flaira pas du tout le piège en y marchant de manière joyeuse. « Cet œuf ne perd rien pou-Woah! » Son annonce avait été brutalement interrompue par le sol qui se soulevait sous ses pieds. Le temps qu’il reprenne ses esprits, il se retrouva contorsionné dans une espèce de filet ballant au-dessus du sol forestier. Dans une position peu enviable, les mailles commençant à imprimer dans son visage qui s’était écrasé dessus, il se permit un faible : « … Rien de cassé? » à l’intention de sa partenaire qu’il sentait écrasée derrière lui.

En vérité, elle était loin d’être aussi sûre d’elle qu’elle n’y paraissait. Ses mains tremblaient comme à chaque fois qu’ils se croisaient depuis qu’ils s’étaient littéralement tombés dessus lors de la dernière pleine lune. Ils se connaissaient à peine, mais il faisait pourtant parti des deux ou trois personnes, excepté ses parents, qui connaissaient son secret. Comment, dans ce cas, décrire leur relation ? Comment lui donner un nom ? Ils n’étaient pas intimes, mais connaissaient ce qu’il y avait d’ancré au plus profond d’eux-mêmes. C’était troublant, mais surtout terrifiant, et il y avait sur ses épaules un poids dont elle ne parvenait pas à trouver la source, et qui lui semblait bien trop lourd à porter.
Quoiqu’il en soit, elle finit par l’entendre prendre sa suite, aussi ralentit-elle le pas, pour le laisser la rejoindre. Il avait annoncé la couleur en s’adressant à elle sans « peur », et elle n’allait certainement pas compliquer les choses en refusant un face à face. La situation avait beau être particulière, ils n’en restaient pas moins adultes, capable de mettre leurs soucis de côté deux minutes pour dénicher un œuf de pâque. Mais alors qu’elle se retournait vers lui, le sourire aux lèvres, en l’entendant s’adresser à elle, le sol se déroba sous leur pied. Les yeux écarquillés, elle eut bien du mal à réaliser ce qui venait de se produire, et seul le poids de Lance au-dessus d’elle lui parvint à revenir rapidement à la réalité. Si elle n’avait rien de cassé ? Visiblement non, mais elle n’aurait certes rien parié là-dessus puisqu’elle pouvait à peine bouger de toute façon. « Je… non. Tout va bien. Toi aussi ? » Elle fronça les sourcils « Enfin, mis à part ce filet. » Qui donc pouvait avoir eu le mauvais goût d’installer un piège de ce type dans un endroit si fréquenté ? L’idée qu’il pouvait avoir été installé là spécialement pour l’occasion lui traversa l’esprit, mais elle refusa de croire qu’une mairie quelconque, établissement sérieux dans toute sa splendeur, ait pu envisager de piéger de cette façon deux honnêtes citoyens.
« Est-ce que… est-ce que tu pourrais... arriverais à te déplacer un peu ? » reprit-elle après quelques minutes « Je ne suis pas certaine de parvenir à respirer… bien longtemps dans cette position. » Pour preuve, le souffle lui manquait déjà, et elle parvenait à peine à articuler. Elle tenta de se dégager, mais elle n’avait guère l’expérience des filets et plus ils bougeaient, plus ce dernier semblait se refermer sur eux. « Je… je vais essayer de… » Ses membres prenant appui, tant bien que mal, de part et d’autre du filet, elle parvint, non sans efforts, à se dégager de sous son coéquipier. Dans la manœuvre, chacun avait dut trouver une nouvelle position, et ils se retrouvaient maintenant face à face. Si Yanna pouvait à nouveau respirer normalement, elle n’était pas certaine de pouvoir supporter cette proximité bien longtemps. Le moindre mouvement les condamnait à, plus que se frôler, se rentrer dedans, et les choses n’étaient pas encore assez claires entre eux pour qu’une telle situation ne la mette pas dans l’embarras le plus profond. Les joues rosies par l’effort et la gêne, elle éclaircit la gorge, évitant à tout prix le regard de Lance : le regarder dans les yeux aurait de toute façon, au vu de leur proximité, conduit le bout de leur nez à se toucher, et elle n’était guère préparée à cela. « Alors, comment est-ce qu’on sort d’ici ? » Mon dieu, mais pourquoi donc était-elle sortie de chez elle aujourd'hui ?

Mais quel chasseur complètement barjo avait installé de tels pièges dans la forêt? Et quel genre de gibier essayait-il de prendre avec un filet du genre? Lance, malgré leur position peu enviable, se permettait le luxe de se poser ces questions, l’idée que cela ait à voir avec l’activité de la journée n’effleurait pas son esprit. Mais ces questionnements arrêtèrent là, car ils avaient des affaires plus urgentes sur les bras, comme trouver un moyen de pouvoir tout deux respirer dans ce piège farfelu. Au moins, ils étaient tous deux indemnes, comme lui confirmait sa compagne d’infortune, avec une certaine hésitation. Lorsqu’elle lui renvoya la question, il répondit en tentant d’être un peu plus convainquant pour ne pas provoquer d’inquiétude : « Ouais, ça va. » Oui bon, comme le disait Yanna, ça allait aussi bien que possible, prisonnier dans un filet suspendu au-dessus du sol, se découvrant une nouvelle et douloureuse flexibilité à travers ses mailles. Ce qu’il n’avait pas saisi était qu’il était plutôt chanceux, s’étant retrouvé au-dessus, écrasant la jeune femme dessous. Celle-ci lui fit remarquer de manière très polie, lui demandant de bouger. Se rendant compte qu’il l’écrasait sans ménagement, gêné, il tenta de bouger, s’excusant à la mesure qu’il essayait en van de se coordonner avec elle: « Oh pardon je vais… Peut-être si je… Par là… » S’en suivit alors un balai de mouvements désordonnés et restreints par leur prison de mailles durant lequel Yanna réussit finalement à s’extirper de sous lui.

Ils se retrouvèrent l’un en face de l’autre, le filet se resserrant sur eux. Lance réalisa alors à quel point ils étaient près lorsqu’il tenta de replacer son genou dans une position plus confortable et qu’il se retrouva à la frôler, pour ne pas dire se frotter sur elle, plus que ce que la convenance appelait. De près comme ça, il se demandait comment il n’avait pas plus remarqué souvent à quel point c’était une belle femme… Oh non, ce n’était vraiment pas le temps de penser à ça, non mais. Alors qu’elle s’éclaircissait la gorge durant ce moment de flottement, il décida de suivre son exemple et regarder ailleurs. Se concentrer sur comment sortir de là, mais quelle bonne idée, de quoi discipliner un peu ses pensées. Il regarda autour, pensa à ce qu’il y avait dans son sac à dos. Non, rien de coupant là-dedans. Il soupira, découragé. Ils n’allaient pas rester pris ici jusqu’à ce que des secours les trouvent? Angoissé par ce sort, il se mit à penser aux seringues. Non, de se transformer dans une telle proximité avec elle serait dangereux au possible. Il n’était même pas sûr de détruire le filet de cette façon. Il pensa alors à quelque chose d’autre de coupant qu’ils pourraient utiliser. Mais il ne savait trop comment le proposer, comme cela ne venait pas de lui. Il tenta néanmoins car il voulait sortir autant qu’elle : « Penses-tu que c’est coupant un… Un bec? » Oui voilà, il était en train de lui demander une telle chose, c’était un peu impoli, il devait le reconnaître, ils devaient bien se débrouiller. Il tenta de tourner la tête vers elle, mais redécouvrant la proximité entre eux, retourna à fixer les mailles du damné filet.

Alors qu’ils s’enfonçaient tous deux dans la plus grande des réflexions, elle ne put s’empêcher de se demander si elle ne s’était jamais retrouvée dans une situation plus délicate et embarrassante que celle-ci. Certes, la découverte de la véritable nature de Lance avait été un choc, mais ils étaient malgré tout parvenus à communiquer plus facilement de leur buisson respectif qu’ils ne le faisaient à présent. Il faut dire qu’elle se sentait bien vulnérable dans ce filet, où elle se devait d’anticiper le moindre de ses mouvements si elle ne voulait pas flanquer au pauvre garçon un coup de bras, ou de pieds. Le fait est, réalisa-t-elle, qu’elle se sentait bien mieux entièrement nue, mais à distance respectable de ce quasi-inconnu, plutôt qu’habillée chaudement en sachant que geste les amènerait immanquablement à se frôler. Plus tendue que jamais, ses pensées se bousculaient. Comment trouver un moyen intelligent de sortir d’ici dans ces circonstances ? Oh, ça n’avait rien à voir avec un souci de considération : depuis leur première rencontre, elle avait trouvé le jeune homme parfaitement à son goût, aussi bien physiquement que dans sa façon de penser. Mais, se dit-elle, là était sans doute l’origine même de sa gêne. Il était en effet bien plus simple de rester calme et posée lorsque la personne à qui l’on devait rester collée ne vous plaisait pas plus que cela, et lorsque, surtout, l’on n’était pas au courant de la seconde nature de celle-ci. Bref, tout semblait contre eux, et si elle n’apprenait pas à faire avec, cette journée serait sans doute l’une des plus longues de sa vie.
Elle en était là de ses réflexions lorsqu’il s’adressa à elle. Ne comprenant pas tout de suite où il voulait en venir, elle ne réagit pas. Toutefois, lorsque le sous-entendu se révéla enfin, elle tourna vivement la tête dans sa direction. Que leur nez se touche et que leur front se frôle lui importa peu, l’espace d’un instant. Elle avait encore du mal à croire qu’il venait de lui demander de se transformer, quand il lui semblait, il y a encore deux minutes, que le sujet était leur plus gros tabou. « Mh, et bien… oui. Je suppose. » Dit-elle finalement. « On ne perd rien à essayer. » Prenant une grande inspiration, elle ôta, tant bien que mal, et non sans quelques « pardon, excuse-moi », sa veste, afin d’éviter de se retrouver piéger dessous lorsqu’elle se transformerait. Jamais encore, elle ne l’avait fait en étant si proche de quelqu’un, et elle craignait, étrangement, sa réaction, tout en sachant qu’il en avait déjà été témoin. Elle ne put s’empêcher de l’observer du coin de l’œil, alors qu’elle se concentrait et, lentement, retrouvait sa forme animale. Là, son attention fut toute prise par sa mission, et une fois sortie de ses vêtements, son bec partit à l’attaque des mailles du filet. Si elles étaient certes épaisses, elles n’en étaient pas moins vieilles, aussi vint-elle à bout du premier maillon sans grande difficulté. Il lui fallut une bonne quinzaine de minutes, mais alors qu’elle tranchait un nouveau maillon, le poids du jeune homme suffit à faire le reste, et le filet s’ouvrit sous lui, le laissant choir sur le sol sans la moindre pitié. Yanna, quant à elle, s’empressa de trouver refuge derrière un nouveau buisson, afin d’y reprendre sa forme humaine.
Le souffle court, avec l’impression d’avoir couru un marathon, elle se redressa lentement. Lorsque ses yeux tombèrent sur Lance, assis un peu plus loin, l’impression de déjà vu la fit rougir, d’autant plus que cette fois, ils étaient loin d’être quitte. Elle avisa ses vêtements, éparpillés autour du jeune homme, et sortit davantage la tête de son refuge végétal. « Tu pourrais… peut-être… m’apporter mes vêtements ? Ce serait gentil. » Après quoi elle tenta un sourire amusé, essayant en vain d’effacer cette gêne qui semblait devenir, peu à peu, la définition même de leur relation.

Il devait avouer qu’il se sentait un peu mal de demander une telle chose. Après tous leurs « capacités », car dans son cas il ne l’aurait pas appelé comme ça, était probablement la source de la gêne entre eux, plus que le fait d’avoir discuté chacun plus ou moins nu dans des buissons. Bien sûr ce n’était pas qu’il la trouvait monstrueuse, loin de là. Il craignait en fait qu’elle le prenne pour un maniaque ou un truc du genre, car il trouvait son pouvoir magnifique, incroyable en fait. Mais elle n’avait pas semblé être d’accord avec lui, et comme lui ne voulait pas parler de sa condition ce n’était guère juste de lui en parler. Donc voilà, malaise, évident, surtout après qu’elle se soit retourné trop brusquement et que le rouge lui monte aux joues alors que tous deux essayaient de taire quant à tout ce qui devait se passer dans leurs têtes. Au moins elle acceptait, dieu merci. Maintenant, la question était, regarder ou pas? Ça n’avait rien d’obscène mais… La fixer dans quelque chose aussi, intime, secret, qu’une telle transformation. Donc pour l’instant, il regardait ailleurs, alors qu’elle se tortillait pour enlever sa veste en s’excusant. Répondant à ses excuses par un « ce n’est rien » étouffé, il se demanda si elle comptait enlever autre chose… Roh mais franchement Lance, se disait-il. Qu’avait-il mangé ce matin? Ça n’avait pas de sens.

Mais lorsque son physique se mit à changer et qu’il le vit du coin de l’œil, il ne put s’empêcher de regarder, c’était plus fort que lui. Et il ne fut pas déçu. Bien sûr c’était bizarre, mais qui avait dit que le bizarre n’était pas magnifique? La plupart du temps, il l’était en fait. Maintenant que la surprise n’était plus là pour flouer sa vision, il pouvait détailler tout, en oubliant la pudeur et la convenance. Il la fixait en effet. Jusqu’à ce que Yanna disparaisse, ne laissant qu’un corbeau, rompant le charme. Le jeune homme avait presque oublié que tout cela servait à les libérer jusqu’à ce que l’oiseau s’attaque aux mailles du filet. Après quelques minutes de travail, il entendit un craquement. On avait beau vouloir se préparer, il n’y avait pas grand-chose que l’on puisse faire contre la gravité. Donc Lance tomba durement au sol, une racine juste dans le bas du dos. Cela fut assez soudain pour lui faire oublier pendant quelques secondes qu’il s’était encore une fois trop bien habillé pour l’expédition et que sa note de nettoyeur n’en finissait plus d’augmenter. Il fut bien content d’être libéré, quand même. Pas que la proximité avec Yanna lui déplaisait mais… Seigneur, c’était peut-être le fait qu’elle le tutoyait ou quelque chose, il se gênait lui-même. Même si avec sa condition, ses fréquentations féminines s’étaient quelque peu étiolées dans le temps, en tout cas! Justement en parlant de ça, c’était le retour dans le buisson pour la blondinette. Il eut un sourire stupide, mais se ravisa très vite, s’en rendant compte. Surtout lorsque celle-ci l’appela pour ravoir ses vêtements. Se levant avec une grimace, remarquant la saleté, il alla chercher les morceaux de son ensemble éparpillés autour de lui. En approchant, il se rappela de la gêne à la mesure de chaque pas. Il s’était un peu conduit en rustre, en la fixant comme ça, il espérait qu’elle ne l’ait pas remarqué. Il lui tendit son dû en la remerciant : « Tu nous a sauvé, merci. » Bon, devait-il dire quelque chose à propos de sa transformation? Pour excuser le fait qu’il l’avait un peu dévoré des yeux. Non, non, il était un gentleman. Donc il enchaîna avec un plus conventionnel : « C’est une chance que tu sois ma partenaire. » Et après cela, il fit un pas en arrière, se tournant un peu pour la laisser se rhabiller, question de discipliner son esprit.

[je pense qu'on va être dus pour un dé après ça (que je te laisse rouler parce que je sais que moi je vais tomber sur le volcan).]

Elle s’était assise et avait ramené ses genoux vers elle, afin de protéger son corps des regards. Certes, la plus grande partie de sa pudeur avait disparu au fil du temps, mais elle n’en restait pas moins humaine et désireuse de garder quelques secrets. Aussi ne sourcilla-t-elle pas lorsqu’elle vit Lance apparaître au-dessus de son buisson, lui tendant les vêtements qu’elle avait réclamé. Son sourire se fit plus franc lorsqu’il la remercia, et elle acquiesça doucement, lui faisant ainsi comprendre que ce n’était rien. Il le lui rendait de toute façon bien avec ses manières de gentleman et par le simple fait de le voir s’éloigner pour lui laisser le temps de se rhabiller, sans qu’elle n’ait à le lui demander. C’était peut-être bête, mais de nos jours, les choses n’étaient plus aussi évidentes qu’elles avaient pu l’être.
Son rire déferla lorsque ses dernières paroles lui vinrent aux oreilles. Elle prit le temps d’enfiler sa veste, avant de quitter son refuge pour le rejoindre. « Tu n’es pas trop mal non plus. J’aurais pu tomber sur pire. » Yanna lui sourit encore, avant de jeter un œil aux bois qui les entourait. Le filet gisait toujours sur le sol. « Je me demande qui a bien pu poser un tel piège. Je ne suis pas experte en chasse, mais il me semble qu’on n’utilise rarement ce genre de filet de nos jours… » Elle fronça les sourcils, chassant de nouveau l’idée qu’on ait pu le poser là pour eux. Mais dans quel but ? se dit-elle. Quel intérêt quiconque pouvait avoir à les piéger tous les deux ? Pour leur don ? Voilà qui n’était pas une conclusion des plus rassurantes, aussi s’efforça-t-elle de l’oublier. Tout ceci ne pouvait être qu’un pur jeu du hasard, et rien d’autre. Elle laissa échapper un léger soupir, alors qu’elle sortait un élastique de sa poche pour nouer ses cheveux. Vu comme cette chasse venait de débuter, mieux valait se préparer au pire. Elle en avait presque oublié, d’ailleurs, la raison de leur venue. Un œuf en chocolat valait-il vraiment une telle prise de risques ? « Bien. » dit-elle une fois prête. « Il ne nous reste plus qu’à continuer, je crois. Espérons qu’on ne tombe pas sur des sables mouvants au prochain tournant. » Elle eut un sourire en coin. « Que ne ferait-on pas pour une sucrerie… » Sur ce, elle entraîna avec elle son partenaire, vers un sentier mal tracé qui s’enfonçait sous les frondaisons. Si elle avait parlé, un peu plus tôt, sur le ton de la plaisanterie, elle n’en craignait pas moins l’apparition de nouvelles épreuves, prenant l’épisode du filet comme un des pires présages qui puissent être.

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Une seule question restait en effet. Qu’est-ce que ce piège pouvait bien faire là? En plein sur les terrains d’une activité municipale? « Aucune idée. », avait-il avoué alors que Yanna soulevait cette interrogation qui flottait dans l’air une fois qu’eux furent revenus sur terre. Il avait beau y penser, il n’était pas le plus connaisseur en nature et en chasse, alors pas moyen de savoir si c’était normal ou pas. Une fois que tout le monde fut bien sûr d’avoir tous ses morceaux et tous ses vêtements, ils décidèrent de continuer leur route, contre toute attente. Le jeune homme était plutôt du genre à annoncer qu’après tant d’émotions il rentrait prendre le thé. Mais on pouvait dire que la bonne compagnie le motivait un peu plus à rester. Il eut cependant un rire nerveux lorsqu’elle mentionna des sables mouvants, vu la tournure des évènements, il priait pour qu’ils ne tombent pas dessus. Et tout cela pour une sucrerie? Ils voulaient vraiment. Alors qu’il la suivait sur un chemin peu évident, il tenta de relativiser : « Eh bien, je doute que cette forêt contienne quelque chose de pire. » Et il ne savait pas à quel point il avait tort.

Ils marchèrent un moment, cherchant plus ou moins une forme ovoïde dans l’herbe et entre les racines. Leurs pas finirent par les mener vers le lac qu’il reconnaissait pour y avoir passé des nuits de pleine Lune peu agréables. Il pensa néanmoins, après avoir grimacé subtilement en le voyant, que ce serait un bon endroit pour y cacher un œuf, non? Ils firent donc l’erreur de s’en approcher. C’est alors que le vaguement bizarre succéda au dangereusement insolite. Il vit quelque chose bouger du coin de l’œil à la surface du lac. Le temps de tourner la tête et cette chose venait de sortir de l’eau, bougeant furtivement à la manière d’un énorme serpent. Quelques secondes plus tard, ce monstre avait attrapé la jambe de son compagne d’infortune, la trainant vers le lac. Il appela son nom vainement en la voyant s’éloigner. Dans sa panique, il ne pensa pas aux conséquences, ne voyant qu’une seule façon de la sauver, sans même se questionner sur ce qu’était cette créature. Il jeta son sac au sol, fouillant frénétiquement pour y trouver la seringue. Pas le temps d’avoir peur, d’être complexé, si ça se trouvait, cette chose allait la dévorer s’il ne faisait rien. En trouvant finalement une, il se la planta brutalement dans la grosse veine du bras, serrant les dents, priant pour que la notice dise vrai.

Heureusement, la transformation prit beaucoup moins de temps qu’à la normale. Ce fut à peine s’il la senti et bien vite, il ne sentit plus rien. C’était une bête velue affublée des mêmes pathétiques vêtements déchirés qui se jetait sur l’énorme chose du lac, toutes griffes dehors. Il ne faisait pas distinction entre son ennemi et celle qu’il voulait sauver, mais la première chose qui rencontra ses crocs fut le cou lisse de l’autre monstre. S’accrochant en plantant ses pattes à travers sa peau, il tenta d’en arracher un morceau à l’aide de sa gueule, mais le monstre se secoua vivement, envoyant valser le loup-garou plusieurs mètres plus loin, jusqu’à la lisière de la forêt où il roula jusqu’à un arbre avec un glapissement aigu. Mais ce faisait, il avait ouvert sa gueule et laissé tomber la jeune femme. Ne restait qu’à savoir si elle serait assez rapide pour se sauver avant que le lycan ne relance son assaut. Le monstre du lac, quant à lui, irrité, commençait à se retirer dans ses eaux avec une sifflement strident.

Alors qu’il lui confiait ses doutes quant à la présence d’un obstacle pire que celui qu’ils venaient de traverser, elle se garda bien de lui rappeler que quelques semaines plus tôt, elle était presque tombée sous les crocs d’un loup-garou. Elle préféra néanmoins faire comme si cela ne voulait rien dire et, qu’en effet, ils ne risquaient plus rien.
Sous leurs yeux, la forêt défilait, et son regard se perdait à droite et à gauche, cherchant l’endroit le plus propice pour dissimuler un œuf de pâque. Ils n’avaient aucun indice sur sa forme, ou sur sa taille, et doutait du fait qu’il fut possible qu’ils trouvent quelque chose ici avant la nuit. Mais serait-ce si désagréable, finalement ? Se dit-elle en jetant un œil à son compagnon. Depuis qu’ils s’étaient échappé de ce maudit filet, la tension qui régnait entre eux semblait amoindri, et elle se surprit à être plus détendu qu’elle ne l’avait encore jamais été à ses côtés. Il n’avait fait aucune remarque sur sa transformation, même si elle n’avait pas manqué de sentir son regard sur elle tandis qu’elle retrouvait ses plumes. S’il avait été choqué, ou mis mal à l’aise, Lance le cachait très bien. Imperceptiblement, elle se rapprocha, et c’est côte à côte qu’ils parvinrent jusqu’au lac. C’était un endroit qu’elle appréciait beaucoup, et qui ne manquerait pas de l’aider à trouver le courage de poser les bonnes questions au jeune homme. Elle se retint pourtant, cherchant simplement à ses côtés l’œuf tant convoité. Les paroles sérieuses, sans doute gênantes, avaient bien le temps de venir tout gâcher.
Ce ne fut pas une voix, pourtant, qui vint gâcher le moment. Tournant le dos au lac, elle ne vit rien de ce qui la menaçait, et poussa un cri de surprise lorsqu’elle se sentit, une nouvelle fois, soulevée dans les airs. Aucune chance que ça ne soit un filet cette fois, et à voir la tête surprise et horrifiée de son partenaire, elle préféra ne pas imaginer ce qui l’avait, cette fois, prise pour cible. Alors qu’elle était traînée sans ménagement vers le milieu du lac, elle tentait tant bien que mal de recracher l’eau qui menaçait de lui emplir les poumons. Ses bras battaient frénétiquement le vide, sans jamais trouver quoique ce soit à accrocher. Le pire était sans doute de ne pas savoir ce qui la torturait ainsi, bien qu’elle se doutait qu’il ne ferait qu’une bouchée de son pauvre petit corps. Elle ne sut combien de temps était passé depuis qu’on l’avait arraché à la terre, mais un grognement sourd la paralysa un instant, alors qu’une énorme bête se jetait sur la créature qui l’enserrait. L’étreinte de celle-ci se relâcha soudain, et c’est lourdement qu’elle tomba, tête la première, dans l’eau du lac. Par chance, elle n’était pas encore très loin du bord : elle nageait avec autant de grâce qu’une pierre. Toutefois, la panique n’aidant pas, elle du boire plusieurs lire d’eau avant d’avoir finalement pied. Et c’est à cet instant qu’elle reconnut Lance, sous sa forme lupine, qui courait vers le lac. Vers elle. Paralysée, ne sachant plus de que côté se tourner, elle poussa un nouveau cri, tomba à genoux et se traina le plus vite possible hors de la trajectoire de l’animal. L’eau sembla brouiller son odeur et le loup lui passa à côté sans la toucher. Immobile, transie de froid et de peur, elle ne prenait même plus garde à la bête visqueuse qui l’avait attrapé, quelques minutes plus tôt. Ce ne fut qu’en l’entendant rugir, alors que le loup-garou l’attaquait de nouveau, qu’elle réalisa toute l’horreur de la situation.
Elle se releva brusquement, profitant de voir le loup occupé à déchiqueter le monstre, pour courir vers le couvert des arbres. Il était inutile de penser à se transformer : elle était trempée, terrifiée, abattue. Elle aurait été incapable de se concentrer suffisamment pour s’envoler. Elle ne pensait qu’à une chose : courir. Fuir.

C’était une chance que l’urgence l’avait empêché de penser. Car quelques secondes d’hésitation de plus et il serait probablement resté figé et tremblant. Ce n’était pas son genre de foncer tête baissée dans le danger. Mais c’était plus le genre de sa forme bestiale. Le lycan, malgré qu’il se soit fracassé contre un arbre, se releva sur ses quatre pattes, se secouant avant d’émettre un hurlement et de retourner au lac. Dans sa rage, la bête n’avait même pas porté attention au petit être rose et blond qui se trainait pitoyablement à la berge, il se jetait de nouveau d’un bond vers le monstre du lac. Il avait beau tenter de le griffer, de se retenir sur la peau visqueuse de celui-ci, le loup-garou était en désavantage certain. S’il se retrouvait dans l’eau, glissant du dos de la plus grande créature, c’était la mort assurée, il serait traîné sous l’eau sans ménagement. Étrangement, ce fut le monstre du lac, qui avait pourtant l’avantage qui sembla se lasser. S’ébrouant, il plongea dans les profondeurs du lac, probablement incommodé par les lacérations sur son dos et son long cou.

Haletant le loup-garou ressortit du lac, s’ébrouant comme l’aurait fait un gros chien. Puis il se mit à sentir les environs, comme à la recherche de quelque chose à tuer, déçu par son court combat. Ses yeux dorés se dardèrent alors sur les arbres où avait fui la jeune fille quelques minutes plus tôt. Il se mit à marcher, suivant sa trace, jusqu’à ce qu’il trébuche d’une drôle de façon, ses membres se mettant à raccourcir sous lui. Il retrouva sa forme humaine, ses dix minutes passées à se battre contre la bête du lac. Beaucoup moins sonné que lorsqu’il se réveillait après une nuit de pleine Lune, il se redressa un peu, tout de même confus. S’observant, il ne décela aucune blessure, ses vêtements étaient trempés, mais moins déchirés qu’à l’habitude. Cependant, après cette considération plus superficielle, il se demanda ce qui s’était passé. Plus aucune trace du monstre, ni de Yanna. Inquiet, il regarda tout autour. Avait-il échoué? S’était-il transformé trop tard? Ou peut-être que le monstre du lac était trop fort pour lui? Il savait bien qu’il n’était certainement pas le lycan le plus fort en ville, mais il aurait voulu… Il devait vérifier.

Se redressant assez pour s’asseoir, car il avait tout de même des courbatures dues à la transformation, constatant de nouveau que ses vêtements lui laissaient une certaine pudeur pour une fois, il appela : « Yanna? Tu es là? Est-ce que ça va? » Oh seigneur, faites qu’elle réponde, comment aurait-il pu savoir? Comment n’importe qui aurait pu savoir qu’il y avait cette chose dans le lac? C’était insensé. Des pièges, des monstres? Et puis quoi encore? Dans quoi s’étaient-ils embarqués? Ce n’était censé qu’être qu’une chasse aux œufs, ça c’était quoi? Il avait beau se répéter de se calmer, comment aurait-il pu rester calme alors qu’il ne savait pas ce qui lui était arrivé? Son attitude posée n'avait plus raison d'être en ce moment.

C’est une chute qui la stoppa dans sa course folle. Yanna s’écrasa lamentablement contre le sol, le nez dans la terre et les feuilles mortes. Le souffle court, les jambes douloureuses, elle resta immobile durant ce qui lui sembla être une éternité. Et puis, doucement, elle finit par se relever, grimaçant sous la douleur, certes légère, causée par les multiples petites plaies et écorchures qu’elle n’avait pas manqué de se faire en tombant, et en se trainant hors de l’eau. Trempée, couverte de terre, de feuilles et même de menus insectes, elle se mit à trembler plus fort qu’elle ne l’avait jamais fait. Elle se secoua avec violence, sans parvenir à se montrer plus présentable. Elle se frotta frénétiquement les bras et les jambes, cherchant à ôter la moindre saleté de son corps, elle sentait plus sale que jamais. Il lui semblait capital, soudain, d’être propre. D’être belle. D’être bien. Comme si cela suffirait à ôter de sa tête tous les souvenirs des minutes précédentes. Elle sentait encore le tentacule gluante de la bête autour de sa cheville, et frotta cette dernière à s’en arracher la peau. C’est de voir celle-ci rougir plus que nécessaire qui la fit cesser et se rendre compte qu’elle était allée jusqu’à aggraver certaines de ses petites blessures. Aucune d’entre elles ne semblaient bien graves, mais elles n’en étaient pas moins douloureuses. Cessant soudain tout mouvement, elle prit une profonde inspiration, après s’être redressée. Autour d’elle, les oiseaux chantaient et les feuilles bruissaient doucement. La vie ne s’était pas arrêtée, elle était là, toujours là. Cette constatation sembla ôter un premier poids de son cœur, et elle parvint enfin à réfléchir un tant soit peu.
Que faire à présent ? Retourner en arrière n’était sans doute pas des plus prudents, mais elle craint soudain pour la vie de son compagnon. Etait-il encore sous sa forme lupine ? Elle n’avait aucun moyen de le savoir. Peut-être était-il là, à la guetter, attendant le meilleur moment pour déchirer ses chairs. Mais elle se doutait que si c’était le cas, elle ne serait déjà plus de ce monde. Ces créatures la fascinaient depuis si longtemps qu’elle avait acquis un savoir certain sur eux, assez important, du moins, pour savoir que s’il l’avait prise pour proie, elle ne pouvait plus y faire grand-chose. Aussi décida-t-elle de faire demi-tour, pour retrouver le lac qu’elle venait de quitter. Alors qu’elle en apercevait les premiers reflets, la voix de Lance résonna. Elle accéléra le pas, incapable de lui répondre. Ses cheveux, ses vêtements, lui collaient à la peau et elle avait perdu sa veste elle ne savait où. De la terre maculait encore par endroit ses membres et son visage, mais elle n’avait plus cure de son apparence. Lorsqu’elle sortit de la forêt, en boitant légèrement, l’éclat du soleil la força à fermer les yeux un instant. C’était comme sortir d’une prison après des mois d’incarcération. Elle ne s’était jamais sentie aussi mal, aussi perdue, et dieu ce qu’elle détestait cela. Mais elle n’y pouvait rien et son cœur était plus serré que jamais.
Elle se fit enfin à la luminosité, baissa le bras qui protégeait ses yeux, qui tombèrent sur le loup-garou, assit non loin d’elle. Elle déglutit péniblement, assaillit par un million de sentiments différents, mais les plus forts restaient sans doute l’admiration et la reconnaissance. Sans réfléchir davantage, elle s’élança vers lui malgré la douleur aigüe de sa cheville tordue, avant de se laisser tomber sur le sol, à ses côtés. Yanna passa ses bras autour de son cou et se serra contre lui, consciente qu’il ne s’était transformé, elle ne savait comment, que pour lui porter secours. Lui qui avait semblé si dégoûté par sa propre nature, était passé au-delà de ses propres sentiments pour la sauver, elle. « Merci. » murmura-t-elle, avant de laisser échapper le sanglot qu’elle retenait, sans vraiment s’en rendre compte, depuis qu’elle était sortie du lac. « Merci. » répéta-t-elle d’une voix étranglée, alors que les larmes parcouraient librement son visage et que son corps ne cessait plus de trembler.

Il ne l’entendit pas arriver, regardant autour du lac, cherchant désespérément un reflet blond de ses cheveux à travers les arbres. Ce ne fut que le bruit de ses pas alors qu’elle courrait vers lui qui attirèrent son attention. Il eut à peine le temps de la reconnaître avant qu’elle se jette près de lui, lui sautant au cou. Lance resta un moment abasourdi, jusqu’à ce qu’elle se mette à sangloter. Sortant un peu de son étonnement, il passa machinalement la main dans son dos, la serrant contre lui alors qu’elle le remerciait une fois de plus. Le remercier de quoi? Il ne savait même pas ce qu’il avait fait. Mais s’il faisait le calcul, Yanna dans ses bras, le monstre disparu, il l’avait sauvée. Lui, il l’avait sauvée. Celui qui, sans penser au fait qu’il se transformait en incontrôlable machine à tuer, passait souvent pour le faible, il avait réussi à la sauver. Que Dieu bénisse ces seringues. Mais le moment n’était pas très propice à l’autocongratulation, car il avait bel et bien une jeune femme tremblante, trempée et troublée dans les bras à rassurer. « Allez, c’est fini.», lui souffla-t-il. Il était infiniment rassuré de la voir indemne, ou presque. En tout cas, en assez bon état pour courir jusqu’à lui.

Il avait réussi, enfin presque. Il ne s’était pas contrôlé à proprement dit. Mais il s’était transformé, parce qu’il le voulait, pour faire quelque chose de bien. Et il avait fait quelque chose de bien, il l’avait sauvée. Malgré la gravité de la situation, il sourit, se blottissant un peu dans son cou. Il ne savait pas ce que c’était dans ce lac, si ça avait toujours été là, pourquoi cette chose les avait attaqués, mais dans le moment, c’était secondaire. Il n’en revenait pas. C’était la première fois. La première fois qu’il se transformait et qu’il se sentait bien après, il se sentait fier. Ce n’était peut-être que de courte durée, artificiel même, mais il se sentait bien de ce qu’il avait accompli. « J’ai réussi. », murmura-t-il avec une pointe de joie qui détonnait, sa main dans le dos de la jeune fille allait doucement flatter ses cheveux blonds trempés. C’était peut-être un peu déplacé d’être si content qu’elle avait failli mourir, mais pour lui, ça voulait vraiment dire quelque chose, et c’était grâce à elle maintenant qu’il y pensait, d’une façon détournée. Mais maintenant qu’il pensait à ça, il n’avait pas vraiment vu si elle était indemne ou non en fait. Reculant un peu pour la laisser respirer, il demanda, ayant l’impression de se répéter : « Tu vas bien? Tu n’es pas blessée? » Maintenant qu’il prenait un peu de recul, il voyait bien qu’elle était maculée de terre, repérant même quelques petites éraflures qui firent froncer ses sourcils avec une certaine anxiété.

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C’était fini, oui. Bien fini. Elle avait encore du mal à y croire, mais il n’y avait plus de tentacule gluant autour de sa jambe, et elle ne risquait plus de mourir noyée, ou pire, dévorée vivante. Cette pensée lui arracha un long frisson, mais les mains de Lance sur son dos vinrent rapidement à bout de ses peurs imaginaires. Il n’y avait plus rien à craindre, et c’était à lui qu’elle le devait. Pourtant, il semblait à peine le croire lui-même : c’est du moins ce qu’elle comprit lorsqu’il murmura à son tour contre son cou. Elle fut parcourue d’un nouveau frisson, cette fois loin d’être provoquée par la peur.
Et finalement, ses larmes se tarirent, ses tremblements cessèrent, et elle fut bien forcée d’obtempérer lorsqu’il s’éloigna finalement. C’était sans doute la première fois qu’elle se sentait assez à l’aise pour soutenir son regard, et c’est ce qu’elle fit, sans hésiter. La jeune femme acquiesça lentement. « Oui. Ça va, je crois. Juste… » Elle laissa échapper un pauvre rire, pourtant sincère. « Je ne suis juste pas très jolie à regarder j’imagine. » Yanna laissa échapper un soupir, avant de baisser les yeux. Non par gêne, car il n’y avait plus lieu d’en ressentir aucune, mais pour reprendre doucement conscience de ce qui l’entourait. L’herbe chatouillait la nue de ses jambes : son pantalon était en lambeaux, presque aussi abîmé que celui de son compagnon. D’ailleurs, devait-elle lui poser des questions sur sa transformation ? Etait-ce le bon moment ? Etait-ce seulement utile ? Elle se mordit la lèvre, ne sachant que dire ou que faire.
Et soudain, Lance s’affala contre elle. Les yeux écarquillés, elle ne comprit ce qu’il se passait que lorsqu’un gigantesque serpent se dressa devant elle. Immobile entre ses bras, le lycan était visiblement assommé. Le reptile semblait danser, sa langue dardant de temps à autre hors de sa gueule entrouverte. Ils se jaugeaient, se jugeaient, l’un comme l’autre ne bougeant pas d’un pouce. Et puis, le jeune homme lui échappa des mains, alors que le serpent s’enroulait lentement autour de son corps pour, elle le devinait sans mal, tenter de le tuer par asphyxie. Voyant cela, plus que de la panique, c’est une véritable colère qui l’envahit. N’avaient-ils pas le droit à un peu de repos ? Sans réfléchir, elle abandonna Lance pour prendre sa forme animale et, sans attendre, se jeta sur le serpent. Ses crocs la manquèrent de peu, mais son bec fut plus rapide et d’un coup sec, elle lui trancha la gorge. L’entaille, profonde, ne suffit cependant pas à tuer le serpent qui tenta une dernière attaque. Yanna replongea, ses serres agrippèrent le cou du reptile et lui déchiquetèrent la peau sans aucun ménagement. Même lorsque celui-ci fut à terre, son continua à lui arracher chair, muscle et tendon, dans un excès de rage qu’elle ne parvenait plus à contrôler.
C’est Lance qui, reprenant conscience, la sortit de sa furieuse transe. Elle abandonna le cadavre du serpent et sa forme animale, et eut à peine le temps d’enfiler ses sous-vêtements et son débardeur qu’il ouvrait les yeux. « Lance ? Lance, tu vas bien ? » Elle se pencha sur lui, plus inquiète que jamais, espérant qu’il n’ait pas été mordu, ni même blessé.

Elle était en triste état, pire que lui. Mais étrangement, elle n’était pas aussi « pas jolie à regarder » qu’elle ne l’affirmait. Il ne lui avait pas répondu, mais il lui avait souri pour lui prouver le contraire. Il était content que ce soit avec elle qu’il soit tombé, vu les pièges étranges dans lesquels ils étaient tombés. Et il ne savait pas à quel point, car ce n’était pas fini. Tentant de trouver quelque chose pour briser le silence, il sentit un contact étrange derrière lui, avant un grand coup. Pas le temps de réagir, d’y échapper, il perdit connaissance, assommé par l’énorme reptile qui avait jailli des herbes derrière lui, s’écrasant sur Yanna. Il resta dans les vapes un bon moment, ignorant tout du duel sauvage autour de lui. Mais il finit par ouvrir les yeux, la tête dans l’herbe. Confus, il ne comprit pas du tout où il se trouvait pendant un moment, regardant lentement l’herbe autour de lui. Ce fut la voix aux accents d’inquiétude de la jeune femme avec lui qui le fit lever les yeux du plancher des vaches. Tiens il avait mal à la tête. Il parlait avec elle et il se retrouvait dans l’herbe? Il priait pour que cela n’ait aucun rapport avec sa condition. Toujours aussi confus, il se redressa en assurant d’une voix un peu pâteuse : « Oui, je crois… »

Ce fut en s’asseyant qu’il découvrit le cadavre horriblement détruit, déchiqueté. Déglutissant devant la vue peu ragoûtante, se sentant blêmir. Que s’était-il passé ici? Il regarda successivement ce qui ressemblait à un serpent et la blonde. La question lui brûlait les lèvres, il ne pouvait la retenir, malgré le malaise. « Est-ce que c’est toi qui…? » C’était impoli, mais il était dans le flou artistique lui. Un piège, un monstre, un serpent, mais c’était quoi ce bordel? Tu parles d’une chasse. Il n’aimait pas la nature, mais là, la nature s’acharnait un peu trop, il avait assez risqué sa vie aujourd’hui. Dès que sa tête arrêterait de tourner, malgré le fait qu’ils aient l’air de naufragés avec leurs vêtements en lambeaux, il demanderait de quitter cette maudite forêt, œuf ou pas. C’était bien trop dangereux, la mairie allait avoir sa plainte sur les bras non mais. Bien sûr, il aurait dut se réjouir d’avoir pu se rapprocher de Yanna, mais au prix de leurs vies, ça non. Il n’avait pas envie d’attendre qu’une pluie de feu lui tombe sur la tête ou qu’un mammouth les charge. Alors après cette réflexion, il déclara : « Partons d’ici, ça n’a pas de sens. » C’était de la folie cette chasse.

Visiblement sonné, il finit tout de même par lever la tête et lui répondre. S’il semblait confus, elle fut rassurée de voir qu’aucun rictus de douleur ne s’attardait sur son visage. Il s’assit, prit le temps de se remettre, perdu, mais conscient. Elle restait à genoux face à lui, sans le quitter des yeux, craignant de le voir perdre à nouveau connaissance. Après tout ce qu’ils avaient vécu, elle s’étonnait qu’ils soient encore capables de parler, marcher ou même simplement rester éveillés. Ce n’était pourtant pas la première fois qu’elle venait marcher par ici, elle y venait même presque tous les jours, et jamais encore elle n’avait croisé de monstre dans le lac ou même un serpent de cette taille… Quelque chose devait forcément les attirer, et c’est avec un frisson qu’elle pensa à nouveau que tout ceci n’était qu’une sinistre manipulation. Cette ville, soudain, lui semblait beaucoup moins sympathique. La question de Lance la tira de ses pensées, et elle resta un moment immobile, sans comprendre. Son regard suivit finalement le même chemin que celui de son compagnon, quelques instants plus tôt et s’attarda sur le cadavre du reptile. Elle n’avait pas daigné y jeter le moindre coup d’œil une fois sa forme humaine retrouvée : était-ce bien elle la responsable d’un tel carnage ? Ses joues rosirent et elle baissa les yeux. « Oui. » laissa-t-elle finalement échapper. Elle manqua s’excuser mais retint ses mots à la dernière minute, persuadée qu’il serait de trop. S’excuser serait admettre avoir commis une autre alors qu’elle n’avait fait que réagir à son instinct de survie et de protection. S’excuser aurait été admettre que son acte était monstrueux, et elle avait appris, il y a bien longtemps, qu’elle n’avait rien, n’était pas, un monstre.
Elle eut soudain peur qu’il ne s’en aille sans un dernier regard, dégoûté, mais il n’en fit rien et le serpent fut comme oublié. Elle acquiesça à ses paroles, qui n’étaient que l’expression de ce qu’ils pensaient tous les deux depuis qu’ils étaient tombés sur ce fichu filet. Yanna se redressa, prête à le suivre, avant de se souvenir qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’enfiler son pantalon. Elle le laissa la devancer, se hâtant de s’habiller, peu désireuse de s’attarder aux abords d’un lac où sommeillait une créature pleines de tentacules. Ses baskets enfilées, elle rejoignit en courant son compagnon de chasse. Ses vêtements étaient encore humides et elle n’osait imaginer l’état de son visage et de ses cheveux. Dans le feu de l’action, elle n’avait même pas pensé à ses écorchures, qui se rappelaient soudain à son bon souvenir. Son genou droit lui faisait mal, et elle craignait de n’avoir plus que des écorchures. Pâques serait désormais une date à rayer de son calendrier.
Alors qu’ils atteignaient l’orée de la forêt, elle buta sur quelque chose et s’étala, à nouveau, de tout son long sur le sol, non sans pousser un cri bref. Les yeux écarquillés, elle hésitait entre les larmes et une colère sans nom. Mais qu’est-ce qui avait bien pu la convaincre de participer à cette stupide chasse ? Qu’est-ce qui avait bien pu la pousser à se tirer de ses couvertures ce matin ? Elle ne rêvait maintenant plus que d’une bonne douche et de son lit, dans lequel elle comptait bien passer le reste de son week-end. Avec une grimace de douleur et de frustration, elle se releva lentement, non sans jeter un coup d’œil derrière elle, curieuse de voir et de maudire la pierre ou la branche qui avait fini de pourrir cette journée. Qu’elle ne fut pas sa surprise, lorsque la couleur et la forme du coupable avait l’air de tout, sauf d’un vulgaire caillou. « Lance ! L’œuf ! » Dit-elle alors qu’elle pointait l’intéressé du doigt. Etait-ce un heureux hasard ou une boutade du destin, elle l’ignorait. Mais cette découverte impromptue suffit pourtant, et étrangement, à lui redonner un brin de sourire.

Je te laisse lancer le dé de l'oeuf. Je pense qu'on va éviter une nouvelle épreuve, parce-qu'avec notre chance, on risquerait effectivement de se taper le mammouth...

Vite, s’en aller de ce lac avant qu’une autre bestiole n’en sorte pour les bouffer tous crus et réussisse, après tous ces essais. Trop c’était trop. Yanna paraissait mal en point, mais d’attendre dans cette dangereuse forêt n’allait sûrement pas aider son cas d’avantage. En marchant, Lance tentait de relativiser la situation, au moins ce n’était pas un fiasco de longs silences et de lourds malaises… Ouais! Ils avaient juste failli mourir quelques fois! Rien de mieux pour se rapprocher. Elle allait croire qu’il apportait la poisse ou quelque chose, ou allait lui en vouloir pour l’avoir entraîné là-dedans. Peut-être devrait-il, pour se faire pardonner, l’inviter à prendre un verre ou un café, tant qu’ils n’avaient pas à aller dans la forêt. Et cela, s’ils en sortaient d’abord vivants de cette aventure insensée. Si elle acceptait de venir évidemment. Peut-être que sa présence lui rappellerait la fois où elle avait failli se faire manger par l’abominable montre du lac, c’était compréhensible. En tout cas, ils verraient cela une fois qu’ils seraient sains et saufs, ce n’était pas le temps de se poser des questions maintenant. On ne le reprendrait pas deux fois, la prochaine fois qu’il recevrait une invitation du genre, il la déchirerait en petits morceaux et resterait bien au chaud chez lui. On ne lui faisait pas à lui, risquer sa vie dans la saleté et la nature pour un putain d’œuf.

Ils marchaient donc dans la forêt, cherchant où ils y étaient entrés. Lance, tentait de se retrouver en cherchant le filet au sol. Mais avant qu’il ne puisse le faire, un cri de sa partenaire derrière lui le fit s’arrêter. Il se retourna, alerté, pensant qu’elle ait été attaquée par un autre animal sauvage, que savait-il, un tigre, un ours, un crocodile, un yéti? Mais il ne semblait qu’elle n’était accompagnée d’aucune bébête de la forêt, elle était tombée toute seule. Il s’approcha pour l’aider à se relever, mais elle le fit seule avant qu’il n’ait eu le temps de la rejoindre. Ce qui fut plus surprenant que la chute de la jeune femme fut ce qui l’avait causé. Lorsqu’elle lui pointa l’œuf, il ne la crut pas. Mais en posant les yeux dessus, il vit qu’elle disait vrai. Lance était alors partagé entre l’envie d’aller le chercher et celle de donner un bon coup de pied dedans pour se venger de leur mauvaise fortune. Mais il se retint, comme il était là et attendait d’être pris. Le jeune homme s’en approcha donc et le ramassa. Mais aussitôt que cela fut fait, quelque chose d’étrange se produit, pour changer, alors que l’œuf dans ses mains se mettait à gigoter, comme pris de vie.

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